Nous avons déjà évoqué Katawumpus à l’occasion d’une démo/EP trois titres au nom complètement improbable. Nous voici désormais en présence de Soleil Cogne, le premier album de ce groupe plutôt inclassable… Et c’est précisément ce qui nous intéresse chez ces quatre jeunes gens, ce côté « inclassable », la musique de Katawumpus n’incitant jamais à la paresse et vous interpellant constamment. On imagine aussi qu’elle pourrait facilement rebuter et refroidir les meilleures bonnes volontés : trop de choses, trop de directions prises, trop de nuances entre le noir et le gris foncé (parce qu’avec Katawumpus ça ne rigole pas tous les jours) et trop de préciosité, peut être… Affirmons tout de suite que si vous êtes profondément allergiques au côté littéraire pour ne pas dire théâtral dans la musique et que si vous préférez le côté massif du metal, le côté direct du hard core ou le côté écorché vif de la noise, Soleil Cogne risque de ne pas totalement vous combler. Pourtant, il y a un peu de tout cela chez Katawumpus mais de façon totalement transfigurée, le groupe ayant choisi d’aller bien au-delà, du côté des labyrinthes que l’on s’oblige à arpenter au lieu d’aller tout droit et des viscères que l’on expose au grand jour dans les galeries d’un cabaret noise encombré d’obscurité.
Alambiquée, la musique de Katawumpus l’est donc assurément – on craint même parfois que le groupe ne se perde en chemin mais il finit toujours par recroiser ses propres traces d’une façon ou d’une autre – et les sept compositions présentes sur Soleil Cogne flirtent régulièrement avec les sept minutes non sans avoir déballé des structures complexes, surprenantes, explosives et éliminant d’emblée toute tentation formelle du type couplet/refrain. A ce titre Soleil Cogne reprend les façons de faire du précédent EP et Katawumpus s’avère décidément indécrottable. Là aussi c’est quelque chose qu’il faut admettre : ces accalmies en forme de berceuses empoisonnées précédant des sables mouvants nauséeux ou au contraire succédant sans crier gare à des accès de violence proches de l’hystérie. Tout en jonglant sur le morcellement des structures de ses compositions, Katawumpus joue une musique terriblement entière, qui tranche nettement, une musique frontière.
Aussi cela nous parait être une excellente idée que d’avoir accompagné Soleil Cogne d’un livre. Oui, un vrai livre : celui-ci regroupe un texte (signé Cécile Coulon) et des illustrations de quatre artistes différents. Le tout parait à la mi-septembre aux éditions Horripeaux qui ont eu l’idée d’appeler cette façon plutôt inhabituelle de procéder un « enlivrement » – car si on compte nombre (et même beaucoup trop) de disques et de musiques inspirées d’une histoire, d’un livre, d’un film… l’inverse est beaucoup trop rarement vrai.
N'y a-t-il tout de même pas quelques reproches que nous pourrions faire à Soleil Cogne ? Et bien tout d’abord les titres, tout virevoltants et déstructurés qu’ils sont, font un peu trop appel au même nuancier de couleurs – comme on l’a déjà dit, entre noir et gris foncé. Il n’y a guère que Tighten The Arms qui se différencie radicalement grâce à l’apport judicieux d’un saxophone colérique. Enfin, et ces deux aspects sont sûrement étroitement liés, le son de l’enregistrement en lui-même reste trop sec, trop aplani et trop unidimensionnel. Il aurait sans doute fallu plus de contrastes, plus de chatoyance voire plus de luxuriance pour accompagner la musique de Katawumpus – car à musique aussi mouvante, seul un habillage sonore aussi baroque que démesuré aurait pu réellement convenir. Mais ce n’est qu’un détail. Et nous ne doutons pas non plus qu’il n’a pas du être très aisé de capter toute cette folie en studio. Si la matérialité sonore générale semble parfois un peu terne, elle rend néanmoins clairement distinguables toutes les ambitions de Katawumpus. A suivre de près.