Doom Ribbons est un nouveau groupe comprenant en son sein le guitariste/improvisateur/compositeur Shane Perlowin qui ne se contente donc pas de publier à un rythme soutenu des disques avec Ahleuchatistas ou sous son propre nom – il a même mis en ligne au début de cet été un nouvel album solo, Shaking The Phamtom Limb. Comme une frénésie d’enregistrements mais ne nous en plaignons pas.
A l’image d’Ahleuchatistas, Doom Ribbons est un duo, avec également James Owen à la batterie, aux samples et à la voix. On note la présence d’une poignée de musiciens invités : Meghan Mulhearn (U.S Christmas) au violon, August Hoerr (avec lequel Shane Perlowin a également monté Ashes In Order) à l’accordéon, Joseph Burkett à la contrebasse ainsi que Tyler Kittle au saxophone ténor et Simon Goldberg à la trompette. Inutile de préciser que, dans ces conditions, The Violence, The Violence est d’une variété pour ne pas dire d’une versatilité que l’on avait encore jamais entendues du côté de Shane Perlowin en solo ou d’Ahleuchatistas.
Doom Ribbons est surtout clairement plus « expérimental ». Un mot qui fait un peu peur, qui fait mal ou qui provoque le dégoût voire le mépris mais il s’agit bien de cela, d’expérimenter, c'est-à-dire, ici, d’aller trifouiller toujours plus loin dans des voies que l’on pensait déjà dûment explorées mais de toujours vouloir rester dans le cadre d’une certaine simplicité, d’immédiateté. Le prix à payer en contrepartie c’est le côté très décousu de The Violence, The Violence – six compositions, six optiques différentes –, aspect décousu qui parfois prévaut y compris au sein d’un même titre (Food For The New State, trop indécis et Drmfdbk, trop intentionnellement contemporain, même si la fin rattrape largement le début).
Mais l’alchimie fonctionne à de nombreux autres moments, tels sur Prayer For Collapsing Economies et Big Other – en fait assez proche d’Ahleuchatistas puisque seul titre sans intervention d’invités extérieurs –, le très beau Horvat Jerusalem avec son accordéon ralenti puis ses cuivres joueurs comme chez Moondog et le final Die Alone, pas loin d’être déchirant et avec une ligne de chant que l’on dirait empruntée à Robert Wyatt. Doom Ribbons puise ainsi son inspiration chez le meilleur des expérimentateurs loufoques des années 70 (le groupe cite également Robert Fripp, Fred Frith, Ennio Morricone ou John Cage, au moins ça ratisse large) et en propose une petite remise à niveau bienvenue, tout aussi poétique, à une époque où certains esprits faibles pensent que bidouiller des sons abominables sur des synthés sans caractères et sur fond de rythmiques froidement chaloupées reste le summum de l’extravagance et du bon goût, les pauvres.
Comme pour tous les autres enregistrements récents de Shane Perlowin, The Violence, The Violence est disponible en CD auprès de son propre label, Open Letter records. Une version vinyle a vu le jour en ce mois de septembre via Family Night records.