On avait découvert Fragment. à l’occasion de la compilation …Is Your Truth Carved In The Sand ?. On attendait alors avec une certaine curiosité le nouvel album du jeune homme, intitulé Home, et publié par le label OPN. Home a mis un peu plus de temps à paraitre que prévu, chez 666rpm on a pris encore plus de temps pour l’écouter, le laisser reposer, le temps surtout de laisser passer la canicule estivale, de digérer ce disque très dense puis de le réécouter à nouveau. Car Home, malgré certaines évidences et un attrait certain, n’est pas un disque très facile.
Toujours marqué par la musique de Justin Broadrick/Jesu – mais pas que –, celle de Fragment. se détache rapidement de son ainée par une maîtrise de la dramatique nettement plus marquée. Fragment. ne compose et n’interprète pas des chansons – bien qu’une voix éthérée traverse plusieurs fois Home I de part en part – mais, sur ce premier titre, rassemble autour de longs mouvements des rythmiques, des riffs, des lignes de basse et des nappes de synthétiseur convergeant en des structures paroxystiques et épiques. Le lyrisme de Fragment. ne verse jamais dans le sucré* (sauf, peut-être, lors de la dernière intervention chantée), préférant même une certaine froideur et un certain éloignement, pas plus qu’il incommode ou tendrait à vous exclure : l’ambition généreuse de Fragment. est son plus bel atout. Titre à rallonge et aux structures changeantes, Home 1 réussit son examen de passage dans la catégorie composition fleuve tout simplement parce qu’ici il n’y a rien de trop – une petite demi-heure lui suffit à convaincre sans qu’il ait le temps de se perdre dans des développements inutiles ou des répétitions douloureuses.
Home II diffère quelque peu de Home I. Sorte de prolongement ambient à celui-ci, on croit pouvoir deviner que c’est sur cette seconde partie que Nicolas Dick (de Kill The Thrill, responsable de la masterisation de Home mais également crédité comme musicien additionnel) s’est le plus impliqué. On ne peut une nouvelle fois que vous inciter à écouter l’album Une Belle Journée de ce monsieur ou le split partagé avec Binaire et édité par les Disques De Plomb. Loin d’être caricatural, Home II est aussi un travail de fond mais qui joue lui presque exclusivement sur les nappes et les textures. L’absence de rythmique et l’absence de chant en font une composition invertébrée mais qui tient la route (et l’intérêt de l’auditeur) grâce au nuancier de couleurs employées et à la façon très délicate de jouer avec, une façon qui se révèle finalement très typique de Fragment. On précise surtout que Home II n’est pas un remix ou une bête version instrumentale de Home I pas plus qu’il est son faire-valoir.
Diptyque tout à la fois prégnant et vaporeux, Home est à l’image de sa pochette, sorte de tour de Babel jamais complètement terminée et donc toujours susceptible de laisser apparaître de nouvelles découvertes.
* l’excès de sucre anesthésiant étant la critique qui revient le plus souvent à propos des travaux de Broadrick ou de certains de ses imitateurs, tel Iroha