Jusqu’ici on aimait bien Gay Witch Abortion, malgré toutes les maladresses d’un premier album, Maverick, paru en 2009 chez Learning Curve records (label dont le premier titre de gloire a été de publier en 2000 un fantastique split single réunissant Vaz et Sicbay). Gay Witch Abortion, en plus d’être doté d’un nom au goût tellement douteux mais drôle que l’on ne peut qu’acquiescer, est un duo guitare et batterie avec du chant. « Avec du chant » a son importance parce que cela signifie surtout que Gay Witch Abortion n’est pas un énième rejeton de la vague matheuse et psychorigide qui ravit depuis une bonne dizaine d’années maintenant les mélomanes à lunettes fanatiques de canard VC et de chasteté. Au contraire Gay Witch Abortion est un groupe sale, méchant, punk, sexuel et dégueulasse. Il n’y a que ce chant, justement, maladroit au point de rendre presque malheureux, qui péchait bien trop souvent sur Maverick, entrainant le groupe loin des sommets, vers les étages intermédiaires beaucoup moins prestigieux où partouzent les groupes honnêtement bons mais pas inoubliables.
Oubliés, Gay Witch Abortion l’est donc devenu. A tel point que leur disque suivant, publié en 2010 et toujours chez Learning Curve, a bien failli passer à la trappe. Son titre : Halo Of Flies Sessions. Croyez-le ou non, ce disque serait également une coproduction avec Amphetamine Reptile records, label dont les glorieux faits d’armes se passent de tous commentaires et régulièrement réactivé depuis la fin des 90’s par Tom Hazelmeyer (mon oncle d’Amérique). Voilà qui devient de plus en plus intéressant, non ? Le meilleur est pour la fin : sur Halo Of Flies Sessions Gay Witch Abortion s’est transformé en trio, incluant dans ses rangs au poste de bassiste, guitariste, bidouilleur et surtout chanteur Hazelmeyer lui-même. Autant dire tout de suite que le résultat est plus que spectaculaire. Comme si, tout ce dont avaient finalement besoin les deux puceaux acnéiques de Gay Witch Abortion, n’était qu’un vieux bouc puant leur astiquant consciencieusement les fesses.
Le noise punk’n’roll du groupe – distillé sur sept titres seulement et repartis sur les deux faces d’un 10 pouces – en prend ainsi un sacré coup. Une bonne basse, comme à l’époque d’Halo Of Flies, le groupe pour lequel Hazelmeyer avait initialement monté Amrep (ça y est ? t’as compris maintenant ?), c’est indubitablement ce qu’il manquait au duo d’origine. Mais la fureur sale qui anime Halo Of Flies Sessions n’est pas que le fait de l’adjonction d’un membre vigoureux. Gay Witch Abortion avait déjà de très bonnes bases, certes incomplètes, qui nous permettent de regoûter présentement à quelque chose qui rappellera nécessairement le chaos des groupes Amrep de la grande époque, dans un esprit de symbiose/total fuck plus que réjouissant. Les riffs sales et puants, les lignes de basses au taquet (donc), les chœurs de cheerleaders écartelées et les gimmicks électobidouilles (du théremine semble t-il) feront regretter aux constipés leurs chiasses d’antan, quand l’abus de bière frelatée et de booze de contrebande leur trouait le ventre. Et surtout, on s’en doutait, il y a ce chant de dément, déformé à la fois par la rage, le vice et je ne sais quel effet merdeux branché sur un micro pourri : Tom Hazelmeyer, qui en a profité pour « écrire » tous les textes, est le héro absolu de ce carnage sanguinaire.
L’histoire s’arrêtera-t-elle là ? Il semblerait que non. Gay Witch Abortion a annoncé être retourné en studio en septembre 2011 avec Hazelmeyer pour enregistrer la bande-son du prochain livre de Junko Mizuno (qui a déjà réalisé des artworks pour Amrep). En espérant que le côté supposé arty du projet n’atténue pas la virulence bienfaisante distillée à gros bouillon sur ce Halo Of Flies Sessions. Manquerait plus que ça…