Trunks est un groupe dont la musique est bourrée de toutes choses enivrantes et donc distille des sensations chaleureuses et des sentiments ardents qui débordent en tous sens, vous accaparent, vous subjuguent. Et, en même temps, quelle élégance, quelle finesse, quelle délicatesse et quelle justesse dans le propos…
On The Roof est le deuxième album de Trunks après un premier disque (Use Less, publié en 2007) plus éclaté, plus tâtonnant mais presque aussi ambitieux et des plus attachants. Entretemps les cinq membres du groupe ont perfectionné leur alchimie commune, des mécaniques sensibles, qui débouchent maintenant sur un album nettement plus homogène, sans doute plus immédiat bien que très travaillé, encore plus personnel et des plus réussis. Dans le line-up on retrouve Laetitia Shériff (chant et basse), Daniel Paboeuf (saxophones et qui doit en avoir un peu marre de voir rappeler à chaque fois qu’il a participé au siècle dernier à l’aventure Marquis De Sade alors que depuis il a fait tellement d’autres choses – Daniel Paboeuf Unity par exemple), Florian Marzano (à la guitare et que l’on retrouve également dans We Only Said), Stéphane Fromentin (à la guitare, membre de Chien Vert et de We Only Said également) ainsi que Régis Boulard (batterie et membre de Chien Vert, encore).
Si les deux premiers titres de On The Roof sont des instrumentaux (un Hardifscurry pénétrant puis un Screaming Idiot nerveux), Blue Dot et On The Roof donnent à entendre le chant de Laetitia Shériff, aussi fébrile que profond, entre état de grâce murmuré et rupture haletante. Il est assez rare de réussir à transmettre autant d’émotions dans un chant sans tomber dans le piège du velouté ou au contraire la tentation du passage en force – Laetitia Schériff est quelque part entre ces deux positions extrêmes, du côté de la conviction. Sur Clever White Youths* c’est la voix de Régis Boulard qui se fait entendre, pour une composition rythmiquement très influencée par The Ex mais toujours mâtinée de lignes de saxophone tirées en longueur par Dominique Paboeuf. Lequel s’amuse au baryton lors d’un Who’s Your Favourite ? espiègle et un peu déglingué. Kniee constitue la dernière intervention chantée de Laetitia Schériff et l’une de plus belles réussites de l’album, en ce sens qu’il s’agit du titre donnant le plus cette impression d’inéluctabilité un rien mélancolique qui parcours presque tout On The Roof en filigrane. Un titre qui s’éternise dans un long final subtilement répétitif et hypnotique s’éteignant tout doucement dans un brouillard de légèreté dissonante – permettant en outre d’apprécier le juste travail de Peter Deimel qui a enregistré l’album aux studios Black Box.
On The Roof a été en partie publié grâce à l’intervention de gentils souscripteurs. Mais des labels y sont également allés de leurs poches – les excellents Disques De Plomb qui comme d’habitude s’occupent de l’édition en vinyle (magnifique, évidemment, avec un insert qui se déplie pour faire un poster ) mais aussi Le Son Du Maquis ou Il Monstro. La sortie officielle de On The Roof est prévue pour le 29 septembre.
* Clever White Youths est en fait une reprise des Rootless Cosmopolitans de Marc Ribot, extrait de l’album Requiem For What's-His-Name (1992), excellent disque mais un peu difficile à se procurer de nos jours – une autre version portant le titre de Clever White Youths With Attitude, plus courte et moins bonne, apparait sur l’album Yo! I Killed Your God de Marc Ribot (2003, Tzadik), un disque cette fois-ci trouvable nettement plus facilement.