Jusqu’ici je n’ai guère été charitable avec Lydia Lunch et son groupe Big Sexy Noise. Leur premier album sans titre me semble aujourd’hui toujours aussi bancal, pauvre parfois et sans grand intérêt sur les trois quarts de ses titres. Un vrai pétard mouillé. Le Son Du Maquis a choisi de publier Trust The Witch (« fais confiance à la sorcière »), le tout nouvel album de Big Sexy Noise non sans avoir entretemps réédité, comme il convenait de le faire, 13 13, le chef d’œuvre absolu de Lydia Lunch. L’appréhension refait naturellement surface mais l’envie d’écouter également. Alors allons-y.
Première constatation : le line-up de Big Sexy Noise est toujours le même, à savoir Lydia Lunch au chant et aux textes, James Johnston à la guitare, Terry Edwards à l’orgue et au saxophone ainsi que Ian White à la batterie. Et on pense toujours que les trois musiciens de Gallon Drunk sont bien ce qui peut convenir de mieux comme backing band à Lydia Lunch à l’heure actuelle. Toutes les compositions sont signées Lunch/Johnston – alors que sur le premier album il y avait des reprises pas toujours très heureuses (Lynyrd Skynyrd !) – et, effectivement, le niveau général de Trust The Witch s’en ressent automatiquement, de même qu’un sentiment d’unicité certain. Trust The Witch se révèle rapidement quelque peu supérieur à tout ce que Big Sexy Noise a pu enregistrer jusqu’ici, ce qui n’était pas bien dur au départ, on ne peut donc pas dire cela constitue un exploit.
Déjà, question chant, Lydia Lunch a décidé de faire quelques efforts, tentant d’oublier – sans malheureusement y arriver totalement – moult de ses tics gênants : tout est bien mieux en place, la dame ne se vautre pas de trop dans les tentations d’un phrasé rapé bien que restant toujours assez proche d’une scansion, mi parlée, sans aucun doute héritée des longues années de spoken words de la chanteuse/performeuse. Mais cette voix, abimée, colérique, se lâche enfin sur Trust The Witch, retrouve une vindicte, une conviction, une urgence et donc toute la vitalité qu’elle méritait et au service de laquelle elle se met parfois à hurler, pour notre plus grand plaisir. La fausse lascivité de Lydia Lunch – teintée d’ironie, ce qui fonctionnait parfaitement sur certains de ses enregistrements plus anciens, ceux pour lesquels elle prenait des airs de vamp destroy toujours armée d’un flingue ou d’une paire de cisailles (Honeymoon in Red, Shotgun Wedding) – a presque disparu, même si on en retrouve pourtant quelques traces sur Won’t Leave You Alone ou Collision Course, et laisse la place à un nuancier qui ne sent plus le passage en force : ainsi les presque chuchotements du morceau titre n’en sont que plus percutants, tout comme les cris de rage de Mahakali Calling.
La musique de Big Sexy Noise est toujours aussi lente et crue, se tournant éventuellement vers un mid tempo appuyé et presque boogie – exception notoire : les très dynamiques et enlevés Cross The Line et Forever On The Run, judicieusement placé à la fin du disque. Mais surtout Big Sexy Noise préfère le plus souvent gratter le blues jusqu’à l’os, lui donner cette coloration sale et puante qui hante les grands disques malades. Un grand disque, Trust The Witch n’en est certainement pas un mais on peut estimer que dessus Lydia Lunch et de ses trois musiciens renouent avec une bonne partie de leur talent.
Ce deuxième album de Big Sexy Noise est ainsi nettement plus recommandable que son prédécesseur, bien qu’il ait à subir une (relative) baisse de régime sur sa seconde partie. On a quand même un peu de mal à apprécier cette tierce de titres moins habités – et en pilotage automatique – que constituent Devil’s Working Overtime, Where you Gonna Run et Collision Course, trois titres rapidement contrebalancés par Not Your Fault et Forever On The Run. Un rebond nécessaire et la preuve, s’il en fallait encore une, que la sorcière et ses maléfices sont bien de retour.
Et pour fêter ces retrouvailles émouvantes, Lydia Lunch et Big Sexy Noise assurent quelques dates européennes dont un passage le 3 octobre prochain à Lyon, au Sonic.