Sacrée semaine : au moins un concert intéressant par soir. Et je ne suis allé à aucun d’entre eux ou presque. Car après avoir fait l’impasse sur Gone Bald, Chelsea Wolf, Maserati et Stuntman et puisque il n’y aura malheureusement pas de concert d’Electric Wizard le dimanche soir pour moi, les gagnants de la semaine s’appellent Year Of No Light et Neige Morte.
Un concert enrichi de la présence de deux harsheurs émérites en la personne de Julien Ottavi aka The Noiser – dans un registre musclor S/M – et celle de l’incroyable KK Null (plus connu pour son rôle de chanteur/guitariste au sein de Zeni Geva) – davantage amateur de voyages intersidéraux et de trous noirs cosmiques. On annonce également que les deux hommes vont jouer en duo ce qui promet encore un grand moment d’équarrissage auditif.
Neige Morte monte en premier sur la scène de Grrrnd Gerland. C’est la quatrième ou cinquième fois que je vois le trio en concert et la deuxième avec leur nouveau batteur échappé de Burne*. Entre temps le premier mini album de Neige Morte est enfin sorti, surtout le groupe en a enfin reçu quelques exemplaires. Si je reparle de ce disque, qui n’en demeure pas moins excellent, c’est parce que Neige Morte s’éloigne toujours un peu plus de la nature sale et pourrissante de cet enregistrement.
Le groupe joue en effet de plus en plus serré et de plus en plus dense, aussi bien sur les passages lents et lourds que sur les passages dominés par les blasts. Les accalmies ambient, fantomatiques ou brouillardeuses passent mieux – à tel point que l’on finit par se demander si elles n’ont pas été raccourcies (en tous les cas le groupe ne joue plus tous ses titres d’une seule traite) – et Neige Morte arrive plus que jamais à combiner ses aspirations métallurgistes (black metal en tête) et son côté noise/expé (les bidouilles, boucles et stridences du guitariste en chef). Un certain regain de puissance et aussi une montée vers l’austérité.
Neige Morte a trouvé une bonne formule, le groupe aurait pu en trouver une autre s’il avait gardé son premier batteur au jeu nettement plus punk/crust mais le nouveau excelle terriblement pour tenir les rênes alors que la guitare hésite plus prosaïquement entre l’option tronçonneuse et l’option lance-flammes et que sur le devant de la scène le chanteur/hurleur oscille lui entre la colère du démon et la rage du colosse. Le concert semble passer à la vitesse de l’éclair et s’achève dans une ambiance de plomb (mais sans cris de biquettes) – rien de tel que Neige Morte pour vous pourrir l’ambiance festive d’un samedi soir**, il n’empêche que ce concert était vraiment impressionnant. Mais vraiment très noir.
The Noiser prend la suite. J’avais raté le garçon, Julien Ottavi de son vrai nom, lors d’un passage au Sonic en novembre 2009 avec Zbigniew Karkowski – il faut quand même le faire pour oser rater un concert de Karkowski – et surement lors de quelques autres occasions encore. Je ne vais pas vous refaire le descriptif de tout le dispositif qu'il a installé sur une table (si ? quand même ? alors : un laptop, des effets, un pad, etc… tu vois le genre maintenant ?) et je vais donc me contenter de vous affirmer de façon totalement réductrice que The Noiser, comme son nom l’indique, pratique le harsh.
Mais ce n’est pas tout. Dans la vie, il développe également une activité de cinéaste expérimental, chercheur/activiste multimédia et parait-il plein d’autres choses. C’est peut être pour toutes ces raisons que la prestation de The Noiser est très visuelle et très physique (au risque de trop en faire me dira-t-on après), le garçon éructant à l’occasion dans un micro, n’hésitant pas à bouger comme un damné, vomir sa bière, jouer une parodie de chippendale et ne restant donc jamais en place. Tout aussi instable, sa musique fourmille en ce sens qu’elle ne se contente pas de vous envoyer des monoblocs de saturation et d’effets au travers de la gueule mais on y sent comme une granulation mouvante, des micro-aspérités et des petites pointes aiguisées qui vous picotent les tympans. Parfois on discerne également une lointaine pulsation, renforçant l’idée que l’on voyage à l’intérieur d’un corps humain malade dont on n’arrive pas à sortir.
Par contre Julien Ottavi/The Noiser ne fait pas vraiment l’unanimité du Grrrnd Zero, la salle est vraiment froide – dans tous les sens du terme – et le spectacle comme l’ambiance tombent à plat. Fin de set. Juste à côté se trouve une seconde table sur laquelle est disposé un matériel assez similaire, c’est celui de KK Null. On ne présente plus ce vénérable maître japonais qui avec ses groupes (ANP, Zeni Geva) ou en solo n’a eu de cesse depuis presque 25 ans de repousser les limites du bruit et du chaos.
Lui aussi on pourrait le mettre dans la catégorie harsh mais Kazuyuki Kishino Null possède une identité plus psychédélique et sidérale – certes moins prononcée que chez son collègue et compatriote Hiroshi Hasegawa/Astro. Le concert attaque de manière vraiment abrupte et KK Null a l’air bien décidé à ne faire aucune concession ni à marquer le moindre temps de répit bien qu’il usera de son micro et de ses effets pour produire son fameux chant de baleine intergalactique défoncée au Césium 135. Ce qui me surprend c’est la virulence de la musique, plus notoire que d’habitude me semble-t-il, et le côté expéditif du concert. KK Null ne jouera pas longtemps.
La déception apparait lorsque le japonais se met à démonter son matériel et que Julien Ottavi revient sur scène pour faire de même : il était prévu que les deux hommes jouent ensemble, ce qui ne sera donc pas le cas. Les raisons de leur renoncement me paraissent encore obscures à l’heure actuelle mais c’est leur choix, dont acte.
Les Year Of No Light par contre sont tous là. Ils sont plus nombreux qu’auparavant même si désormais sans chanteur. Six musiciens en tout, trois guitaristes, un bassiste, deux batteurs plus un synthétiseur placé sur le devant la scène comme à l’époque où il y avait encore un chanteur pour jouer/taper dessus. N’oublions pas les lumières aveuglantes et stroboscopiques – Year Of No Light vous en fout plein les mirettes et souvent on ne voit que des ombres, à contre-jour, ne laissant que difficilement entrevoir les visages des musiciens (l’un d’eux jouera même quasiment tout le temps de dos, dommage j’aurais bien voulu me rincer les yeux sur sa Flying V).
Les yeux c’est bien, et les oreilles alors ? Year Of No Light va donc uniquement et évidemment piocher dans son deuxième et excellent album, Ausserwelt***, livrant des versions massives et choc de ses désormais très longues compositions. C’était un peu comme un moment de vérité, le Year Of No Light des années 2010 et 2011 n’étant plus le même que celui qui officiait précédemment. Avec cette nouvelle configuration le groupe est extrêmement impressionnant et dynamique (oui, deux batteries en simultané, ça le fait), extirpant sa musique très loin du bourbier post hard core-je ne sais pas quoi qui plombe la plupart des groupes œuvrant dans le genre. Year Of No Light n’est pourtant pas avare en prétention mais le groupe, avec toute la vitalité et toute la classe**** qu’il dégage en même temps, peut exhiber ses ergots de coq et affirmer sans rougir sa suprématie. Ce fut donc un grand concert, captivant, lumineux dans tous les sens du terme**** et foudroyant… et surtout arrivant à tirer définitivement un trait sur la période précédente du groupe.
[quelques photos du concert ici]
*duo basse/batterie vu il y a bien longtemps en concert et alors très moyennement apprécié, jamais revu depuis – pourtant le groupe jouait la veille avec Stuntman et Carne, tant pis…
** pourtant je jurerais avoir vu passer un gâteau/pièce montée en direction de la salle où se déroulait le catering – après tout, peut être que l’organisateur du concert du jour était-il en train de fêter son mariage
*** ne cherche pas, il n’a jamais été chroniqué ici, par contre tu peux aller là
**** au rayon classe, la palme revient donc à Shiran, également guitariste de Monarch! (et d’ailleurs il revenait tout juste d’une tournée australienne et japonaise avec eux) – jusqu’ici je ne connaissais qu’un seul autre mec ayant osé l’exploit de porter un pantalon à pattes d’éléphant, des cheveux très longs et une moustache sans avoir l’air ridicule, le type en question est mort en 1986 dans un accident de tour bus
***** et l’occasion d’un dernier jeu de mots foireux : Year Of More Light
Un concert enrichi de la présence de deux harsheurs émérites en la personne de Julien Ottavi aka The Noiser – dans un registre musclor S/M – et celle de l’incroyable KK Null (plus connu pour son rôle de chanteur/guitariste au sein de Zeni Geva) – davantage amateur de voyages intersidéraux et de trous noirs cosmiques. On annonce également que les deux hommes vont jouer en duo ce qui promet encore un grand moment d’équarrissage auditif.
Neige Morte monte en premier sur la scène de Grrrnd Gerland. C’est la quatrième ou cinquième fois que je vois le trio en concert et la deuxième avec leur nouveau batteur échappé de Burne*. Entre temps le premier mini album de Neige Morte est enfin sorti, surtout le groupe en a enfin reçu quelques exemplaires. Si je reparle de ce disque, qui n’en demeure pas moins excellent, c’est parce que Neige Morte s’éloigne toujours un peu plus de la nature sale et pourrissante de cet enregistrement.
Le groupe joue en effet de plus en plus serré et de plus en plus dense, aussi bien sur les passages lents et lourds que sur les passages dominés par les blasts. Les accalmies ambient, fantomatiques ou brouillardeuses passent mieux – à tel point que l’on finit par se demander si elles n’ont pas été raccourcies (en tous les cas le groupe ne joue plus tous ses titres d’une seule traite) – et Neige Morte arrive plus que jamais à combiner ses aspirations métallurgistes (black metal en tête) et son côté noise/expé (les bidouilles, boucles et stridences du guitariste en chef). Un certain regain de puissance et aussi une montée vers l’austérité.
Neige Morte a trouvé une bonne formule, le groupe aurait pu en trouver une autre s’il avait gardé son premier batteur au jeu nettement plus punk/crust mais le nouveau excelle terriblement pour tenir les rênes alors que la guitare hésite plus prosaïquement entre l’option tronçonneuse et l’option lance-flammes et que sur le devant de la scène le chanteur/hurleur oscille lui entre la colère du démon et la rage du colosse. Le concert semble passer à la vitesse de l’éclair et s’achève dans une ambiance de plomb (mais sans cris de biquettes) – rien de tel que Neige Morte pour vous pourrir l’ambiance festive d’un samedi soir**, il n’empêche que ce concert était vraiment impressionnant. Mais vraiment très noir.
The Noiser prend la suite. J’avais raté le garçon, Julien Ottavi de son vrai nom, lors d’un passage au Sonic en novembre 2009 avec Zbigniew Karkowski – il faut quand même le faire pour oser rater un concert de Karkowski – et surement lors de quelques autres occasions encore. Je ne vais pas vous refaire le descriptif de tout le dispositif qu'il a installé sur une table (si ? quand même ? alors : un laptop, des effets, un pad, etc… tu vois le genre maintenant ?) et je vais donc me contenter de vous affirmer de façon totalement réductrice que The Noiser, comme son nom l’indique, pratique le harsh.
Mais ce n’est pas tout. Dans la vie, il développe également une activité de cinéaste expérimental, chercheur/activiste multimédia et parait-il plein d’autres choses. C’est peut être pour toutes ces raisons que la prestation de The Noiser est très visuelle et très physique (au risque de trop en faire me dira-t-on après), le garçon éructant à l’occasion dans un micro, n’hésitant pas à bouger comme un damné, vomir sa bière, jouer une parodie de chippendale et ne restant donc jamais en place. Tout aussi instable, sa musique fourmille en ce sens qu’elle ne se contente pas de vous envoyer des monoblocs de saturation et d’effets au travers de la gueule mais on y sent comme une granulation mouvante, des micro-aspérités et des petites pointes aiguisées qui vous picotent les tympans. Parfois on discerne également une lointaine pulsation, renforçant l’idée que l’on voyage à l’intérieur d’un corps humain malade dont on n’arrive pas à sortir.
Par contre Julien Ottavi/The Noiser ne fait pas vraiment l’unanimité du Grrrnd Zero, la salle est vraiment froide – dans tous les sens du terme – et le spectacle comme l’ambiance tombent à plat. Fin de set. Juste à côté se trouve une seconde table sur laquelle est disposé un matériel assez similaire, c’est celui de KK Null. On ne présente plus ce vénérable maître japonais qui avec ses groupes (ANP, Zeni Geva) ou en solo n’a eu de cesse depuis presque 25 ans de repousser les limites du bruit et du chaos.
Lui aussi on pourrait le mettre dans la catégorie harsh mais Kazuyuki Kishino Null possède une identité plus psychédélique et sidérale – certes moins prononcée que chez son collègue et compatriote Hiroshi Hasegawa/Astro. Le concert attaque de manière vraiment abrupte et KK Null a l’air bien décidé à ne faire aucune concession ni à marquer le moindre temps de répit bien qu’il usera de son micro et de ses effets pour produire son fameux chant de baleine intergalactique défoncée au Césium 135. Ce qui me surprend c’est la virulence de la musique, plus notoire que d’habitude me semble-t-il, et le côté expéditif du concert. KK Null ne jouera pas longtemps.
La déception apparait lorsque le japonais se met à démonter son matériel et que Julien Ottavi revient sur scène pour faire de même : il était prévu que les deux hommes jouent ensemble, ce qui ne sera donc pas le cas. Les raisons de leur renoncement me paraissent encore obscures à l’heure actuelle mais c’est leur choix, dont acte.
Les Year Of No Light par contre sont tous là. Ils sont plus nombreux qu’auparavant même si désormais sans chanteur. Six musiciens en tout, trois guitaristes, un bassiste, deux batteurs plus un synthétiseur placé sur le devant la scène comme à l’époque où il y avait encore un chanteur pour jouer/taper dessus. N’oublions pas les lumières aveuglantes et stroboscopiques – Year Of No Light vous en fout plein les mirettes et souvent on ne voit que des ombres, à contre-jour, ne laissant que difficilement entrevoir les visages des musiciens (l’un d’eux jouera même quasiment tout le temps de dos, dommage j’aurais bien voulu me rincer les yeux sur sa Flying V).
Les yeux c’est bien, et les oreilles alors ? Year Of No Light va donc uniquement et évidemment piocher dans son deuxième et excellent album, Ausserwelt***, livrant des versions massives et choc de ses désormais très longues compositions. C’était un peu comme un moment de vérité, le Year Of No Light des années 2010 et 2011 n’étant plus le même que celui qui officiait précédemment. Avec cette nouvelle configuration le groupe est extrêmement impressionnant et dynamique (oui, deux batteries en simultané, ça le fait), extirpant sa musique très loin du bourbier post hard core-je ne sais pas quoi qui plombe la plupart des groupes œuvrant dans le genre. Year Of No Light n’est pourtant pas avare en prétention mais le groupe, avec toute la vitalité et toute la classe**** qu’il dégage en même temps, peut exhiber ses ergots de coq et affirmer sans rougir sa suprématie. Ce fut donc un grand concert, captivant, lumineux dans tous les sens du terme**** et foudroyant… et surtout arrivant à tirer définitivement un trait sur la période précédente du groupe.
[quelques photos du concert ici]
*duo basse/batterie vu il y a bien longtemps en concert et alors très moyennement apprécié, jamais revu depuis – pourtant le groupe jouait la veille avec Stuntman et Carne, tant pis…
** pourtant je jurerais avoir vu passer un gâteau/pièce montée en direction de la salle où se déroulait le catering – après tout, peut être que l’organisateur du concert du jour était-il en train de fêter son mariage
*** ne cherche pas, il n’a jamais été chroniqué ici, par contre tu peux aller là
**** au rayon classe, la palme revient donc à Shiran, également guitariste de Monarch! (et d’ailleurs il revenait tout juste d’une tournée australienne et japonaise avec eux) – jusqu’ici je ne connaissais qu’un seul autre mec ayant osé l’exploit de porter un pantalon à pattes d’éléphant, des cheveux très longs et une moustache sans avoir l’air ridicule, le type en question est mort en 1986 dans un accident de tour bus
***** et l’occasion d’un dernier jeu de mots foireux : Year Of More Light