Juin 1997. Roof, le groupe cofondé par Tom Cora, Luc Ex, Phil Minton et Michael Vachter, est programmé pour la première fois au Pezner de Villeurbanne. L’occasion était trop belle pour ne pas interviewer Tom Cora, violoncelliste, improvisateur et humaniste, qui malheureusement nous quittera en avril 1998 après un second passage très émouvant, toujours au Pezner. Un dernier concert auquel – pour des raisons extrêmement personnelles – je n’avais pas voulu me rendre, ne souhaitant pas assister à l’agonie de Tom Cora même si ce dernier a toujours souhaité faire des concerts jusqu’à la dernière minute, comme seul soutien et seul remède contre l’imminence du mal. Le courage.
Vous trouverez ci-dessous la première partie de cette interview. La seconde sera mise en ligne bientôt. Certaines formulations vous paraitront peut être maladroites ou syntaxiquement fausses mais je n’ai pas voulu opérer de gros changements dans les mots employés par Tom Cora (qui parlait quand même sacrément bien le français, il faut le dire). Car ainsi en le relisant, j’ai toujours l’impression d’entendre sa voix chaleureuse, son doux accent et son enthousiasme que seule la mort a pu faire taire.
La version de l’interview que vous allez pouvoir lire est la version intégrale. Une version plus condensée a été publiée dans le numéro de juin 1997 du mensuel gratuit lyonnais d’informations culturelles …491. Ce mensuel existe encore mais je n’y écris plus. Je republie cette interview sur internet pour sa valeur intense de témoignage. Et aussi parce que Tom Cora, avec The Ex, en solo, avec Roof ou en compagnie de Hakim Hamadouche, a été l’initiateur de quelques uns des plus beaux concerts auxquels j’ai jamais assistés.
Vous trouverez ci-dessous la première partie de cette interview. La seconde sera mise en ligne bientôt. Certaines formulations vous paraitront peut être maladroites ou syntaxiquement fausses mais je n’ai pas voulu opérer de gros changements dans les mots employés par Tom Cora (qui parlait quand même sacrément bien le français, il faut le dire). Car ainsi en le relisant, j’ai toujours l’impression d’entendre sa voix chaleureuse, son doux accent et son enthousiasme que seule la mort a pu faire taire.
La version de l’interview que vous allez pouvoir lire est la version intégrale. Une version plus condensée a été publiée dans le numéro de juin 1997 du mensuel gratuit lyonnais d’informations culturelles …491. Ce mensuel existe encore mais je n’y écris plus. Je republie cette interview sur internet pour sa valeur intense de témoignage. Et aussi parce que Tom Cora, avec The Ex, en solo, avec Roof ou en compagnie de Hakim Hamadouche, a été l’initiateur de quelques uns des plus beaux concerts auxquels j’ai jamais assistés.
[tout ce qui est écrit entre crochets consiste en des remarques personnelles rajoutées après pour une meilleure compréhension ou un éclairage plus actuel de cette interview]
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Pourquoi avez-vous commencé le violoncelle aussi tardivement ?
La question est plutôt de savoir pourquoi j’ai arrêté la guitare. Quand je l’ai fait, je ne comprenais pas, c’était une action assez impulsive, assez irrationnelle, tout à coup, comme ça. Plus tard, j’ai compris que j’étais intimidé par l’histoire de la guitare. J’avais vingt deux ans et j’étais une espèce de dilettante sur plusieurs styles mais j’étais très conscient de tous les virtuoses ou plutôt maitres de la guitare instrumentale dans chaque genre. Je trouvais intimidante toute cette histoire alors que le violoncelle n’avait aucune histoire – en dehors du classique – mais ce n’était pas le classique vers lequel je me dirigeais. C’était comme un champ ouvert qui était à la fois très attirant et très effrayant et donc attirant pour cette raison là aussi.
La question est plutôt de savoir pourquoi j’ai arrêté la guitare. Quand je l’ai fait, je ne comprenais pas, c’était une action assez impulsive, assez irrationnelle, tout à coup, comme ça. Plus tard, j’ai compris que j’étais intimidé par l’histoire de la guitare. J’avais vingt deux ans et j’étais une espèce de dilettante sur plusieurs styles mais j’étais très conscient de tous les virtuoses ou plutôt maitres de la guitare instrumentale dans chaque genre. Je trouvais intimidante toute cette histoire alors que le violoncelle n’avait aucune histoire – en dehors du classique – mais ce n’était pas le classique vers lequel je me dirigeais. C’était comme un champ ouvert qui était à la fois très attirant et très effrayant et donc attirant pour cette raison là aussi.
Donc vous pensiez que l’étude du violoncelle allait plus vous apporter que la guitare…
A cet âge là je me suis tout à coup posé la question « qu’est ce que ma musique ? » sans me préoccuper de tous ces maitres, de toutes ces influences sous lesquelles j’étais. Peut être que je ne jouais pas de la guitare que pour moi seul. J’ai pris le violoncelle impulsivement et j’ai trouvé un très bon professeur qui comprenait très bien que je ne voulais pas devenir un musicien classique même si on a utilisé Bach pour étudier (mais j’étais complètement d’accord). Lui était un élève de Cassals quand il était jeune et j’ai eu la chance de le trouver, il était très ouvert. Pour lui l’idée d’enseigner c’était plutôt « enseigner comment devenir son propre professeur ». Maintenant, je pense que j’ai pris une décision irrationnelle mais très simple.
Pensez-vous que pour être musicien de musique improvisée il faut avoir un apprentissage du classique ?
Pas du tout. Je n’ai jamais préconçu là où je voulais aller. Je me trouvais là et je n’avais pas de stratégie pour arriver quelque part. Je doutais et n’avais pas de visions très claires comme « je veux être ça ! ». J’étais tout simplement très curieux et encore une fois c’est cette question là que je me posais : « qu’est ce que ma musique ? ». Je voulais le découvrir et à cette époque j’étais plus jeune musicalement que pour le reste. Tout à coup je voyais l’importance de cette question à laquelle je ne pouvais pas répondre avec une guitare.
Vous avez joué avec énormément de musiciens [Eugene Chadbourne, Fred Frith, John Zorn, David Moss, Wayne Horwitz, etc…] ce qui a été déterminent pour vous, pour découvrir qu’elle est votre musique ?
Ah oui, beaucoup. J’ai eu vraiment beaucoup de chance de me retrouver parmi tous ces très bons musiciens qui m’ont emmené sur des chemins qui étaient aussi mon choix parce que dans le même temps j’en ai rejetés quelques autres, j’ai eu la chance de collaborer avec ces musiciens que je respectais beaucoup, que je considérais comme étant beaucoup plus mûrs et plus évolués que moi. Maintenant cela m’arrive moins parce que j’ai déjà un certain âge ! (rires) C’était l’époque à New York où il y avait l’explosion d’un mouvement avec de très fortes personnalités – ou peut être que ce mouvement a formé ces personnalités, les deux je dirais.
A propos de cette époque, vous figurez au générique de Money qui est un court métrage d’Henri Hills…
C’était une espèce de documentaire très personnel dans le style, un objet d’art et à la fois un documentaire sur tout ça : musiciens, danseurs, poètes… tous très actifs à New York. La musique qui y figure a été composée spontanément, la bande son représente ce qui se faisait à cette époque. Hills a enregistré les bruits, les musiques avec les images et a créé sa bande-son au montage.
Et avez-vous composé des musiques de films ? Qu’est ce qui vous intéresse dans le rapport à l’image ?
Oui j’ai déjà composé pour des films. Et c’est drôle parce que cela m’intéresse beaucoup, j’y prends beaucoup de plaisir. Mais quand je joue sur scène, je n’utilise aucun artifice, je ne traduis pas mon inspiration par des images. Je ne vois rien : mes références ne sont pas visuelles. Ce n’est ni un jugement de valeur que je porte, ni un choix par goût, morale ou philosophie, c’est simplement comme ça. Je n’utilise pas les images pour générer des idées.
Quand je travaille pour des cinéastes, c’est intéressant parce que je tourne mon attention dans un autre sens. Mais spontanément ce n’est pas ma façon de travailler.
Je sais que vous avez donné une série de concert sur un vieux film soviétique des années 20 [L’Homme A La Caméra de Dziga Vertov, chef d’œuvre s’il en est]…
J’ai fait trente concerts pour ce film. J’ai même développé un rapport presque anthropomorphique avec le film, comme s’il était un personnage. Maintenant l’idée de travailler avec des cinéastes plutôt que sur un film m’intéresse davantage, avec par exemple des gens comme La Cellule d’Intervention Metamkine qui travaille le film en direct sur scène. Le film sur lequel je jouais ne changeait pas, même si à la fin je m’imaginais qu’il le faisait ! (rires) Je préférerais avoir un rapport, un échange sur scène. Mais faire des bandes sonores m’intéresse toujours : actuellement je travaille sur une pièce de théâtre.
Vous dites que les images ne vous influencent pas dans la création de votre musique mais a contrario votre musique n’est elle pas très évocatrice d’images ?
Il n’y a aucune contradiction là dedans : l’expression musicale se traduit facilement en images. Quand je travaille pour le cinéma ou le théâtre je fais cela, je traduis, je crée un rapport entre la musique et les images. Mais pour moi, les meilleurs moments dans la musique, là où je trouve l’inspiration, le lien entre l’âme et la musique, c’est quand je ne vois rien.