dimanche 6 mars 2011

Concert de soutien à Rebellyon au Grrrnd Zero






















L’utile et l’agréable : ce samedi c’était concert de soutien à Rebellyon, un concert co-organisé par Camouflage & Lutte Armée, l’association qui multiplie les tartes aux pralines à la vitesse d’un commando ninja révolutionnaire laissé en liberté dans une jungle suburbaine peuplée de dangereux cranes rasés. Beaucoup de monde a répondu présent à l’appel, beaucoup ont surtout accepté le jeu du prix libre en donnant à l’entrée autre chose que les pièces jaunes réservées à Bernadette et sa philanthropie religieusement nauséabonde et l’enthousiasme est ainsi allé bon train. Une soirée réussie en résumé, qui a surtout permis à Rebellyon de lever quelques fonds parce que diffuser via le web des informations alternatives, militantes et de qualité c’est peut être très bien mais cela ne se fait pas non plus tout seul.
Côté musique on a également frisé le grand soir avec une programmation sur mesure à base de groupes locaux (ou presque) allant de la chanson dégagée au noise hard core en passant par le free jazz évolutif. Œcuménisme culturel, implication idéologique, communion instantanée des masses et humour rétrograde proscrit : je vous rassure tout de suite, ce soir là le Grrrnd Zero ne s’était pas pour autant transformé en congrégation de curés de gauche même s’il m’a semblé en croiser quelques uns.





















Début de soirée accoudé au bar à discuter avec les jeunes filles chargées pour l’heure de vendre des bières à un public de soiffards venu en masse faire part de ses (pré)occupations politiques. J’ai beau penser qu’un tel procédé est ignoble venant de la part de personnes luttant par ailleurs contre l’utilisation de la gente féminine à des fins commerciales et mercantiles, le stock de bières initialement prévu va se mettre à fondre à vue d’œil au point de se révéler nettement insuffisant. La gestion c’est un métier.
Pendant ce temps là Pif Le Chiant s’installe avec sa guitare, son ampli et son micro dans un coin du bar. C’est là qu’il va interpréter quelques uns de ses brûlots dans une mouvance secondaire que l’on pourrait qualifier de chanson dégagée – ou semi-engagée, c’est selon – à base d’un accord et demi et d’un chant violemment monocorde : du vrai punk rock, somme toute. Avec des textes affirmant « j’essaie de jouer du jazz pour de faux mais que je n’y arrive pas/j’essaie de jouer du jazz pour de faux parce que ça fait chier les punks » et d’autres plus politiques (quoique…) Pif Le Chiant a vraiment tout pour plaire, surtout lorsqu’il essaie de nous faire croire qu’il ne sait pas jouer de la guitare – dans la vraie vie ce garçon est pourtant l’un des deux guitaristes de Chevignon. Nous sommes donc quelques uns à rire franchement aux blagues de cet anti chanteur/guitariste qui effectivement à un je ne sais quoi de canin. Et pas que du genre amateur de gratouilles avec plein d’accords.















Du jazz en voilà justement. Mais pas vraiment non plus. Depuis le temps que je voulais revoir les Lunatic Toys en concert. Après quelques occasions ratées celle-ci sera donc la bonne. Le trio attaque d’emblée avec une version survitaminée de Entre Nous, excellent titre avec son intro au synthé-jouet, prenant ainsi le public par surprise – en effet beaucoup de gens présents ici ce soir ne semblent pas réellement connaître le groupe. Puis les trois musiciens enchainent avec Cowboy, une composition qui va dans la direction exactement opposée de celle d’Entre Nous avec un rythme lent, une mélodie plus profonde et une ambiance plus pesante. Lunatic Toys séduit tout autant et ne cessera alors de faire dériver son mélange de jazz moderne, pop, rock et noise (pourquoi pas) toujours plus loin.
Elle est en effet bien étrange cette musique qui répond aux idiomes de l’improvisation – une version allongée de Que Me Chantait Ma Lavande, à la base déjà l’un des meilleurs titres des Lunatic Toys, nous ravit les oreilles –, navigue sur des crêtes peuplées de trouvailles harmoniques d’une richesse certaine et sait durcir son propos au point de le rendre proprement hypnotique comme sur ce titre que je ne reconnais pas et pendant lequel le batteur martèle littéralement son instrument à des cadences infernales, s’élevant dans une répétitivité tourbillonnante jusqu’à flirter avec le meilleur du kraut rock. Etourdissant. Autre grand moment, une excellente version de , le morceau titre de l’unique album à ce jour du trio.
Les trois Lunatic Toys sont aussi et surtout de merveilleux musiciens, j’entends par là qu’ils ne sont pas prisonniers de leur pratique instrumentale, et Clément (saxophoniste de son état) a développé un son d’une profondeur et d’une sensibilité que m’étonneront toujours, moi qui pour être honnête suis plus amateur de ténor que d’alto (size matters). Plus le concert avance et plus le groupe se débride tout en resserrant son propos, véritable osmose et petit miracle s’accomplissant sous nos yeux. Un dernier titre, l’un des plus calmes mais également l’un des plus beaux (L’Occupant) et les Lunatic Toys rendent les armes, ravis, devant un parterre de nouveaux fans enthousiastes. La révolution est en marche, camarades.















Suivent les Kiruna. Et pour la première fois ce soir le groupe va jouer à cinq. Une petite explication ? Le premier guitariste du groupe étant parti faire du tourisme au Canada durant une année complète, les Kiruna l’avaient remplacé par un petit nouveau (jouant également dans Otarie Club et Apple From Earth). Au retour du premier et après quelques semaines de bisouillages mutuellement introspectifs, celui-ci a fini par réintégrer Kiruna alors que le second guitariste restait également. C’est ça l’amour. On se souviendra d’ailleurs qu’en novembre dernier, alors que Kiruna avait assuré la première partie d’Heliogabale au Sonic, le chanteur du groupe avait dédicacé un titre à son guitariste tout fraîchement revenu au pays mais pas encore réintégré dans le line-up. Mais trêve de cancaneries et de potins.
Ce qui m’intriguait le plus c’est ce que pouvait donner le mélange des deux guitaristes. Le premier n’était pas pour rien dans l’étrangeté presque funambule de Penundaan, pour l’instant le seul enregistrement officiel de Kiruna (mais ça va bientôt changer). Depuis son arrivée le second a semble-t-il poussé le groupe vers un son plus massif et plus brutal. Bon. Pour la surprise du mélange des genres, il faudra repasser, le nouveau line-up ne jouant sans doute pas depuis assez longtemps et n’ayant pas beaucoup composé à cinq pour vraiment faire évoluer d’éventuelles nouvelles directions. Ce qui n’a pas empêché Kiruna de donner un excellent concert de noise rock massif et énervé, comme on l’aime chez les vieux et comme les petits jeunes le redécouvrent aujourd’hui. Le groupe envoie du lourd – le bassiste porte un t-shirt des Scul Hazards, cela n’étonnera donc personne qu’il aime ça à l’australienne, bien grosse et bien grasse, ce dont il ne se prive absolument pas sur scène et ce avec une certaine constance.
Quant au chanteur, malgré un t-shirt Karma To Burn, il ne reste absolument pas mutique et ce petit bonhomme trépignant semble retenir derrière lui toute la force d’un groupe qui gagne toujours plus en puissance et en agressivité – mais gare à nous s’il venait à se détourner. Avec le temps Kiruna se transforme doucement mais surement en monstre insatiable et fougueux. Le désordre est en bonne voie d’être maîtrisé mais le principe reste intangible : explosif et implacable.















Après les deux excellents concerts de Lunatic Toys et Kiruna, je me sens comme vidé, j’ai envie de partir mais je reste quand même, la curiosité aiguillonnée par le dernier groupe de la soirée : No Shangsa. Ils viennent de Valence, ils sont vraiment classes avec leurs chemises et leurs cravates qui leur donnent un côté post punk/new wave de bon goût et presque concentrationnaire (Kraftwerk, quoi). On me dit qu’ils jouent un rock à la croisée du progressif, du punk, des 70’s et des dance-floors. Tout cela est vrai. Ces trois mecs savent ce qu’ils font et ils le font sûrement très bien mais je n’y suis pas du tout du tout.
A dire vrai, je trouve leur mixture bien trop prog sur elle pour être malhonnête et je n’aime pas beaucoup leur son – celui du guitariste comme celui du claviériste – ce qui fait quand même beaucoup. No Shangsa arrivera malgré tout à captiver l’auditoire, fera danser les foules et traversera quelques moments de folie qui me feront même à nouveau tendre l’oreille. Mais non, rien n’y fait, je réfracte toujours et encore des deux pieds face à la musique du groupe. Cette fin un peu en demi-teinte n’entache cependant pas une soirée réussie. On ne peut de toute façon pas plaire à tout le monde.

[les photos du concert ici]