vendredi 18 mars 2011

Cannibales & Vahinés (de Toulouse)






















Non mais tu la vois cette affiche de concert ? Tu le vois ce nom de groupe raturé ? C’était la mauvaise nouvelle du jour, les Kabu Ki Buddah ayant annulé leur venue au tout dernier moment – comme, semble t-il, plusieurs de leurs dates à venir juste après, on souhaite un prompt rétablissement au membre du groupe (légèrement) malade. Bien que ce soient des choses qui arrivent, la soirée s’est malgré tout retrouvée amputée d’un attrait non négligeable et surement aussi d’une bonne partie de son public et des fameux effets collatéraux des premières parties locales à forte attractivité qui vont avec.
Pourtant, I Disagree, l’association organisatrice du jour, n’aurait jamais du avoir besoin d’un tel subterfuge pour rameuter du monde : ce soir la tête d’affiche s’appelle Cannibales & Vahinés, soit l’une des nombreuses nouvelles activités musicales de G.W. Sok, plus connu pour être l’ancien chanteur et l’un des membres fondateurs de The Ex. Malheureusement, les choses sont rarement telles qu’on les souhaite ou telles qu’on les imagine et la fréquentation du Sonic se révèlera finalement décevante. Pas catastrophique mais nettement insuffisante pour une ville qui, à chaque fois qu’elle accueille The Ex en concert, score pourtant toujours une belle audience. Visiblement, le choix du jour semble s’être plutôt porté sur les fadasses Cheveu (mais accompagnés des géniaux The Good Damn) qui jouaient dans une autre salle de la ville.















Mais il y avait tout de même une première partie à ce concert : le groupe en question s’appelle Claude Biscuit… Disons que même en sachant que ce soir c’était leur premier concert et les membres de Claude Biscuit ayant beau être des jeunes chiens fous, je ne vais pas pouvoir m’empêcher de faire mon vieux con ratatiné ni éviter de penser que ce spectacle gothique-alterno avec trois marioles déguisés (deux garçons et une fille) chantant comme des aphasiques, jouant comme des handicapés, faisant semblant de taper à la machine – non sonorisée la machine, Lester Bangs sort de ce corps – ou mimant le jeu d’une guitare avec des bouts de pain, fut particulièrement éprouvant, fatiguant et consternant. Je leur souhaite malgré tout bonne chance dans ce monde de brutes réactionnaires et de fin du monde imminente : ils crèveront comme tout le monde.
Revenons-en donc à Cannibales & Vahinés. A propos de ce groupe je n’avais strictement rien voulu savoir, de peur d’être un peu déçu*. Je m’en faisais juste l’idée de trois mecs plutôt jeunes ayant ramassé G.W. Sok sur le bas côté d’une route par je ne sais quel coup du hasard. Quelle surprise alors de voir débarquer sur scène des vieux briscards, genre des mecs qui ont autant d’heures de vol avec leurs instruments – ce qu’ils ne vont pas tarder à prouver d’enthousiasmante façon – que je cumule d’hectolitres de houblon fermenté ingurgités en trois décennies d’activisme forcené.
Cannibales & Vahinés featuring G.W. Sok c’est donc la rencontre d’un groupe et d’un chanteur poète qui, après une résidence d’artistes et un passage lors de l’édition 2010 du festival Mimi, ont décidé de faire un petit bout de chemin ensemble**. The Ex, l’ancien groupe de G.W. Sok, a démontré autant sur disque que sur scène qu’il avait su sinon se renouveler du moins se régénérer et repartir à zéro avec un nouveau chanteur. L’inverse est tout aussi vrai : Jos Kley – le vrai nom de G.W. Sok – a fait de même, et plus encore.















Non sans une certaine malice, le chanteur se présente avec le groupe comment étant « Cannibales & Vahinés, de Toulouse », ce qui bien sûr fait rire toute la salle aux éclats. En démarrant sur des airs faussement jazzy et désaxés (un peu comme peut le faire Enablers avec Pete Simonelli), les trois Cannibales & Vahinés offrent un bel écrin au chanteur, à sa voix, ses textes, ses mots. Commençant par lire sur des feuilles disposées sur un pupitre devant lui et qu’il égrainera au fur et à mesure du concert, G.W. Sok prend son temps pour poser ses effets mais rapidement il continuera avec ce flot vocal si particulier – et influencé par celui de Mark E Smith de The Fall – qui a longtemps été la marque de fabrique de son ancien groupe et il arrivera presque par moments à un chant aux formes plus mélodiques que finalement on ne lui connaissait guère.
De leur côté les trois musiciens passent du registre gratouillis atmosphériques et chatoyants à une vraie nervosité noisy teintée de free, on retrouve ainsi avec plaisir – dans les parties sèches et saccadées de guitare, dans le jeu de batterie presque polyrythmique – la fureur musicale du The Ex d’antan. Les quatre hommes jouent désormais véritablement ensemble, il n’est pas question d’une simple performance de diseur de mots accompagné d’un backing band mais d’un vrai groupe.
Toujours aussi attaché à la portée de ses textes, G.W. Sok reviendra sur la fin du concert à plus de retenue vocale, désormais et à nouveau dans une optique plus récitative et de spoken word, mais ne redescendra pas d’un cran question intensité et présence scénique – le bonhomme est très, très, impressionnant, ses textes résonnent au delà de toute compréhension, dans une totale implication et incarnation physique du verbe. Une dernière occasion de goûter aux coassements du saxophone (baryton ou soprano), d’entendre les grincements de la guitare et surtout d’admirer ce batteur hallucinant de souplesse et de liberté. Deux titres en guise de rappel, réclamés par un public conquis et un concert aussi réussi, au delà de toutes les espérances***.

[quelques photos du concert de Cannibales & Vahinés ici]

* mis à part une démo quatre titres plutôt réussie qui tourne en ce moment sur le net
** par exemple le 19 mars à la Cave A Musique de Macon et le 4 juin dans le cadre du Festival Musique Action de Vandœuvre-lès-Nancy qui fort heureusement renait cette année
*** il ne restait plus qu’à se faire payer la tournée du patron, à dormir quatre heures et à se lever tant bien que mal pour emmener la marmaille à l’école