mercredi 30 septembre 2009

Scul Hazzards / Landlord























Faisons une expérience : écoutons Let Them Sink, premier véritable album des australiens de Scul Hazzards et enquillons avec le deuxième album du groupe, Landlord. Vous voyez où je veux en venir ? Le difficile passage du deuxième album et tout ça ? Ces grosses conneries de rock critic ventru ou de fanzinard quarantenaire ? Ces deux albums ont été publiés en France par Rejuvenation records, label de bon goût bien que parisien, un label dont on espère sincèrement qu’il finira un jour par exaucer son rêve le plus cher : publier un véritable album des excellents noiseurs anglais Silent Front (c’est aussi un peu mon rêve bien que personnellement je ne peux rien faire pour qu’il se réalise… enfin, rien mis à part cracher dans la marmite aux crapeaux). Mais, soyons honnête, dans cette lourde et aventureuse tâche Rejuvenation n’est pas tout seul : Les Disques Du Hangar 221, Whosbrain records, Shot Down et Bigoût records (le label des Kiruna Boyz) se sont également associés pour publier Landlord. Plus on est de fous et… et plus on est de fous - quelle idée aussi de sortir des disques, surtout en vinyle, alors que plus personne n’en achète ?
La grosse qualité de Let Them Sink, outre ce foutu son tendu et nerveux conduit par une basse énorme (Rickenbacker power) c’était d’être truffé de tubes évidents. Un noise rock lorgnant plus du côté d’Amphetamine Reptile records (les mélodies sous-jacente à la Hammerhead) que de la sainte trinité Big Black/Rapeman/Shellac. Oh ! Rien de franchement nouveau c’est vrai mais du bon rock’n’roll bruitiste dégoulinant de sperme et de sueur avec une obsession non feinte pour les guitares qui cisaillent. L’un des albums de l’année 2008.
Landlord est à peine moins bon. Et voilà un album qui va même peut être arriver à me persuader qu’il est meilleur que son prédécesseur. Passé le moment de flottement qui fait dire je suis déçu en bien et puisque il était prévisible que Scul Hazzards n’allait pas changer sa recette miracle, Landlord débaroule et s’impose comme un album majeur dans le genre pour cette présente année. C’est l’énergie, la rythmique impartiale et le grésillement des guitares chauffées à blanc qui priment à nouveau. Et toujours cette basse imposante qui ne fait pas rire. Si on objecte que Landlord contient moins de matériel tubesque que Let Them Sink on n’aura pas tort : Landlord joue encore plus la carte du dépouillement, de l’aridité et des éclats de violence qui volent dans tous les sens, abandonnant toute idée d’accroche mélodique (et se rapprochant ainsi un peu plus de Shellac). Sauf que les Scul hazzards sont extrêmement persuasifs et que même épurées jusqu’à leur substantifique moelle, leurs chansons rentrent dans la tête pour n’en ressortir qu’après les ravages d’usage (What They Need, qui plus est doté d’un solo de guitare parfaitement ridicule sur trois notes, exactement comme je les aime). Enfin, Landlord se conclut sur les deux meilleures chansons que les australiens ont sans doute jamais écrites - l’écrasant Keep Quiet et l’imparable Killing Floor Blues - et d’une manière générale c’est la face B de ce disque, largement supérieure à la première, qui finira de convaincre les plus réticents.

[Suite à la fort malencontreuse annulation du concert du 27 avril dernier en compagnie de My Disco, les Scul Hazzards sont reprogrammés, toujours au Sonic de Lyon, ce vendredi 2 octobre. C’est un concert organisé par S.K. records, Bigoût records et Maquillage & Crustacés avec également Burne à l’affiche]

mardi 29 septembre 2009

Bellini en état de grâce























Les concerts du dimanche soir c’est la bête noire des organisateurs et accessoirement la mort de la musique. L’épuisement d’une journée passée à se demander comment surtout ne pas faire tout ce que l’on ne devrait pourtant pas remettre au lendemain, l’avachissement progressif des tissus adipeux combiné à la brouillardisation cérébrale et la sieste obligatoire parce que l’apéro du midi s’est transformé en dévidoir, autant de raisons qui nous poussent, moi et ce qui me reste de (mauvaise) volonté, dans le sens contraire d’un trajet en direction du Sonic ou d’ailleurs.
Pourtant en ce dimanche soir j’y suis quand même au Sonic, dans cette péniche rouge où je me rends en moyenne deux à trois fois par mois. J’y suis et on me fait remarquer que je ne suis pas très causant, encore moins que d’habitude, est ce que je n’aurais rien à dire ? C’est exactement ça. Le moral dans les chaussettes et les chaussettes trouées. C’est dégueulasse.
Mais pour rien au monde je n’aurais raté les italo-américains de Bellini, un groupe de plus que je n’ai encore jamais vu en concert alors qu’il est (je crois) déjà passé plus d’une paire de fois dans cette ville de propriétaires socialistes. La honte quand même. Je compte bien me rattraper malgré une envie d’être ailleurs qui me ronge les terminaisons nerveuses.























Ce sont les locaux de Chick Peas - pas vus en concert depuis presque une année alors que, comme ils le disent eux même, le Sonic est leur deuxième maison tellement ils y ont souvent joué - donc ce sont les Chick Peas qui entament la soirée avec une conviction débordante et communicative. Nos pois sauteurs ce soir portent bien leur nom tant leur concert est dynamique, les deux bassistes gigotent dans tous les sens, s’acharnent et assaisonnent leur noise punk d’une forte dose de bonne humeur.
Il me semble surtout qu’il y a plus de chant qu’auparavant - l’un d’eux ironise : voici un titre qui ressemble à une vraie chanson, elle aurait presque un refrain - et quelques nouveautés agrémentent un set touffu (trois quart d’heure) et sans temps mort. Mention très spéciale à ce titre joué vers la fin, on va dire en antépénultième position (en avant avant dernier quoi) et en forme de boogie infernal à vous donner envie de vous trémousser le houblon du ventre frénétiquement et jusqu’à plus soif.
Pour le dernier titre de leur set, les Chick Peas parlent d’une reprise et annoncent que celui ou celle qui trouvera quel est le titre qu’ils vont maintenant jouer se verra offrir une bière. La proposition est tentante mais j’ai beau me creuser la tête, je ne me souviens pas qui chantait ces paroles d’un machisme triomphant couronnées d’un refrain qui en substance dit she’s got balls… j’aurais ma réponse à la fin du concert - il suffisait juste de demander - mais en attendant c’est l’occasion pour les Chick Peas de nous offrir un final orgiaque et débridé. Ces petits gars sont fans de Bellini, fiers d’ouvrir pour eux et donc particulièrement motivés.


















C’est un petit bout de femme qui monte sur la scène. Giovana Cacciola (chant) a tout de la mère de famille, replète, un rien fatiguée mais franchement digne. Agostino Tilotta (guitare) a le visage buriné par les ans et une tête de vieux brigand. Derrière je reconnais sans peine Alexis Fleisig, batteur de feu Girls Against Boys (j’imagine que ce groupe aussi finira un jour par se reformer…), Alexis Fleisig qui se révélera être le bout en train du groupe avec ses blagues grotesques - I like it ! I like this plane ! - et ses rictus goguenards. On complète avec Matthew Taylor à la basse et on obtient le line-up complet de Bellini. J’avoue qu’à ce moment très précis, juste avant que le concert ne commence, je ne sais plus trop à quoi m’attendre. L’envie de partir me prend à nouveau.
Le son du groupe est un peu difficile au début, on va dire que la mise en place l’est également mais cela ne dure pas : la rythmique veille au grain, vous régule comme il faut les drôles de motifs joués à la guitare par Agostino Tilotta (et il y a intérêt : on le sent toujours prêt à partir dans des trucs insensés de vieux bluesman urbain) et tout va de mieux en mieux. Dès la fin du deuxième titre Bellini est sur sa lancée.
La voix se fait alors plus audible, prenante, émouvante… Giovana Cacciola, sans aucun artifice, avec un non look total et le physique de ta mère captive à elle seule toute l’attention. Ses interventions, nuancées, cheminent le long de ce fil tenu entre justesse et chausse-trappe, entre fausse douceur et éclairs d’intensité vus au travers de paupières fermées. On retrouve dans sa prestation en concert toute l’émotion de l’album The Precious Prize Of Gravity. Giovana Cacciola est une sorte d’anti diva, à l’attitude noble et droite, tout chez elle (son regard en particulier) dégage une pointe de tristesse rentrée mais elle chante sans aucun pathos ni aucune affectation. J’ai rarement été ému à ce point là par une chanteuse qui peut faire autant de grandes choses avec une telle économie de moyens.


















Derrière elle les trois garçons continuent d’envoyer le feu tous azimuts, partent à l’occasion dans des dérapages noise du meilleur effet et s’échangent entre chaque titres quelques private jokes - c’est assez frappant cette décontraction dont ils font preuve, à la limite du rigolard alors que leur musique est aussi émotionnelle. Je ne prends absolument pas cette manière d’être comme antinomique de la part d’un groupe qui ferait alors sembler de jouer un rôle - celui qu’impliquerait une musique sérieuse et tendue - et qui aurait trouvé dans sa chanteuse son gimmick de scène. Au contraire, s’il faut du courage pour oser s’exposer et si rires et bonne humeur il y a, c’est sans aucun doute parce que jouer sa musique en concert fait énormément de bien aux membres de Bellini. Même Giovana Cacciola se laisse aller à une certaine décontraction et sa prestation n’en gagne que plus de force, on n’est plus très loin du sommet.
Au moment du rappel, c’est de bonne grâce qu’elle reste débout devant la scène, tout sourire, regardant ses trois camarades jouer l’instrumental The Man Who Lost His Wings dans une version nettement moins cow punk que celle de l’album The Precious Prize Of Gravity et sur laquelle Agostino Tilotta s’en donne à nouveau à cœur joie. Encore deux titres (chantés) entre ombre et lumière et ce concert de Bellini s’achève brutalement sur une impression mélangée entre trop-plein et manque. Bellini c’est vraiment de la musique vivante et communicative.

samedi 26 septembre 2009

Bellini / The Precious Prize Of Gravity























Ceci doit être le troisième album de Bellini. Encore un disque avec lequel il fallait prendre son temps. Charmeur aux premiers abords, beau sans aucun doute, poignant parce que délivrant avec élégance quelques notes d’une tristesse indicible : la séduction opère bel et bien et hop, au suivant ! Non… pas si vite. The Precious Prize Of Gravity n’est pas qu’un énième album de noise rock racé et nerveux, emmené par une belle voix féminine pleine de fêlures, des guitares dentellières et un couple rythmique funambule (Matthew West Taylor à la basse et Alexis Fleisig de Girls Against Boys à la batterie). The Precious Prize Of Gravity et son artwork laidissime digne d’un groupe de prog 70’s est un disque trompeur. Très loin de n’être qu’un moment agréable de noise rock dissonant et sec - sec parce que bien évidemment enregistré et mixé par Steve Albini à l’Electrical Audio et masterisé par Bob Weston (et oui les deux font la paire). The Precious Prize Of Gravity est d’une âpreté qui donne mal au cœur tant elle se révèle charmeuse par ailleurs. Le venin a une belle couleur. On mord dans la pomme à pleines dents et le rêve plaintif qui nous surprend vire à la déambulation inquiétante et au cauchemar acide. Un hoquet de l’âme.
De cette grosse demi-heure de passions à peine rentrées on retient le songwriting finement incarné et efficace du couple Giovana Cacciola (voix) et Agostino Tilotta (guitare), tous deux en provenance directe d’Uzeda, groupe italien dont le travail est quasiment indissociable de celui de Bellini. On retient surtout ces lignes de guitare tordues, complexes, surprenantes mais jamais gratuites ou absconses. Un fort pouvoir d’accroche mélodique mais par la petite porte, celle de la séduction indirecte et insidieuse. Du poison là aussi. Petite fantaisie, l’instrumental The Man Who Lost His Wings flirte subtilement avec quelque ritournelle country punk pleine d’élégance (si, c’est possible) au thème récurrent et qui semble avoir été posée là par pur hasard. Pourquoi pas. The Man Who Lost His Wings est le seul moment flagrant de respiration et de calme relatif de The Precious Prize Of Gravity dont le pinacle émotionnel est The Thin Line, une chanson interprétée avec l’aide d’Andy Cohen et Tim Midgett (ex Silkworm, maintenant dans Bottomless Pit, pas vraiment indispensable) et de loin le passage le plus émouvant de ce disque malgré sa tournure trop typiquement indie américain.
Temporary Residence
, label qui en 2008 avait déjà réalisé un coup de maître en sortant l’album Old Wounds des Young Widows réédite donc l’exploit avec ce nouvel enregistrement de Bellini et confirme qu’il n’est pas qu’un pourvoyeur en post rock symphonique grandiloquent. Voilà assurément l’un des disques majeurs de 2009 et, petit plaisir supplémentaire destiné aux collectionneurs maniaco-dépressifs, The Precious Prize Of Gravity est disponible dans un pack LP + CD assez élégant que l’on préférera forcément au CD digipak.

[et on ne peut que se réjouir de la venue demain soir au Sonic de Bellini, d’autant plus que ce sont les excellents Chick Peas qui joueront en première partie]

vendredi 25 septembre 2009

Io Monade Stanca / The Impossible Story Of Bubu





















The Impossible Story Of Bubu, deuxième album de Io Monade Stanca , a peut être bien quinze années de retard. J’ai déjà entendu ce genre de chant outré et débile, ces rythmiques à la fois explosées et savantes, ces guitares aigrelettes au bord de la rupture, ces basses sèches sans pitié. Oui j’ai déjà entendu tout ça, cette folie ludique, cette poésie du bruit, cette maladie mentale, ce dévergondage du bon goût, ces mélodies sans queue ni tête. Il y a même très longtemps que je n’avais pas entendu un tel album me rappelant ma jeunesse trisomique et dont le résultat soit aussi réussi. Io Monade Stanca, encore un groupe transalpin auquel le label Africantape donne sa chance, un groupe qui fait plus que dépoussiérer des vieux idiomes pour vieux idiots et redonner vie à une certaine exubérance noisy et primitive - demain je réécoute Trout Mask Replica et Lick My Decals Off, Baby de ce bon vieux Capitaine Cœur De Bœuf - tout en vous servant quelques parties mélodiques dignes d’un enfant en pleine conquête d’un nouveau monde de sable et de boue au fond du jardin - suite de la playlist de demain : j’enchaîne avec Storm & Stress ou Dilute.
The Impossible Story Of Bubu et ses quinze années de retard, cela n’a donc plus aucune importance. Je respire lorsque j’écoute un tel disque, je souris de cette liberté, de ces inventions, de cette glose savante, de ces gargouillis impromptus, de ces dissonances caoutchouteuses. Cela nous change des murs de saturations métallico-aériens qui sont devenus la norme actuelle en matière de musique bruyante à base de guitares. Cela nous change des tentations prophétiques et des annonciations nuageuses au sujet de la fin du monde, imminente et cruelle. C’est une question de génération, alors ? Ah non, surtout pas ! La musique de Io Monade Stanca, toute référencée qu’elle est - mais de nos jours quelle musique ne l’est pas ? -, n’a rien de nostalgique. Son territoire est celui de l’absurde, du multidimensionnel, la patate remplace la madeleine et la déraison l’emporte sur la classification temporelle.
Parlons technique (haha ha). Io Monade Stanca est une formation en trio. Une guitare à gauche, une guitare à droite et la batterie au milieu. L’un des deux guitaristes est également le chanteur. Parfois, une basse remplace la guitare de gauche. Parfois une autre basse remplace également la guitare de droite. Il me semble même qu’il arrive que les deux basses jouent ensemble mais à chaque fois chacun reste bien de son côté. C’est tout l’intérêt d’une prise de son - à l’ancienne avec deux micros dans la pièce comme lorsque Rudy Van Gelder apprenait son boulot d’ingénieur du son au début des années 50 ou comme Steve Albini lorsqu’il veut faire son intéressant mais là c’est le batteur de Three Second Kiss qui a officié à l’enregistrement - une prise de son donc particulièrement rudimentaire et qui, alliée à la force primitive d’une électricité maltraitée et virevoltante, fait des étincelles.

jeudi 24 septembre 2009

Pissed Jeans / King Of Jeans























Ce n’est pas tout de mettre un disque tout en haut de sa play list, des fois il faut savoir expliquer pourquoi. Dans le cas de King Of Jeans, troisième album des Pissed Jeans (et deuxième pour Sub Pop) l’explication va être on ne peut plus rapide. Dès les premières secondes de False Jesii Part 2 - son riff basique et simplissime qui tourne inlassablement, les yahyahyahuah éructés par un Matt Korvette survolté et le décollage de la guitare de Bradley Frey pour un solo de turbofuzz spatiale tandis que la basse reste seule à terre pour assurer tout le sale boulot -, dès le début donc on soupçonne que cet album va être grand. Arrivé au deuxième titre, Half Idiot, la question ne se pose même plus tellement cette suite est encore meilleure - c’est tout simplement la rage qui anime ces quatre gars d’Allentown, Pennsylvanie, il n’y a pas que Matt Korvett qui a la bave aux lèvres dans ce putain de groupe de fous furieux, tous sont concernés.
Des titres de l’ampleur et de la virulence de False Jesii Part 2 et de Half Idiot, il y en a un bon petit paquet sur King Of Jeans, on peut même affirmer qu’ils sont très largement majoritaires et tous défendent avec une énergie primale et sale une musique brute devenue bien trop rare par les temps qui courent (et qui disqualifierait presque la noise trop léchée d’un Young Widows… en fait il n’y a que Black Elk qui semble encore pouvoir rivaliser avec la folie et les assauts des Pissed Jeans). Même lorsque le rythme ralentit quelque peu (She Is Science Fiction ou encore Lip Ring avec sa ligne de basse qui vous tortille comme un bon vieux Cows) et rappelle le côté sournois d’un Fang ou le côté vicieux d’un Flipper, on sent toute la virulence des bouteilles de booze vidées rapidement mais consciencieusement et des coups de boutoir assénés sans ménagement.
Il n’y a pas beaucoup de disques de la trempe d’un King Of Jeans, peut être même qu’il n’y en a pas eu tant que ça dans toute l’histoire du rock’n’roll violent, tordu, malade et drogué - un par décennie : Fun House, Junkyard, King Of Jews… ?* - mais il y en a déjà eu, c’est vrai. King Of Jeans n’apporte rien de neuf dans une musique qui de toutes façons ne pourra jamais aller beaucoup plus loin que les limites de l’auto destruction et/ou de l’embrasement spontané mais voilà un album qui remet promptement les pendules à l’heure, botte le cul des faiseurs attentifs et des précieux pseudo bruyants : King Of Jeans aurait pu s’appeler King Of Noise, King Of Rock’n’Roll, King Of Shit mais non, les Pissed Jeans savent qu’ils ne sont que les rois d’eux même, s’ils doivent beaucoup à certains de leurs prédécesseurs ils règnent sans partage sur un royaume dévasté, s’autoproclamant rois des trous du cul. La spontanéité de leur folie est le sésame de leur domination.
Et puis il y a une autre sorte de compositions sur King Of Jeans, des titres vraiment lents, parfois fatigués comme Goodbye (Hair) et surtout franchement inquiétants comme Spent, pierre angulaire d’un album qui vous éclate (à) la gueule et vous chavire pour le restant de vos jours. Merde, j’espère ne pas avoir à attendre encore pendant dix ans.

* OK, j’avoue, j’aime exagérer : Fun House est le meilleur disque du monde et le restera à tout jamais, très loin devant King Of Jeans

mardi 22 septembre 2009

Barpe A Pop condamné !


















Procès de l’affichage libre à Lyon, l’éternel retour. Le verdict de la Cour d’Appel est tombé pour l’association Barbe A Pop : non seulement celle-ci est reconnue coupable des faits qui lui sont reprochés mais l’amende est passée de 600 à 1700 euros !
On se demande dans quel monde on vit… J’en entends qui me disent qu’il y a plus grave que le(s) petit(s) problème(s) d’un organisateur bénévole de concerts qui colle des affiches fabriquées à la maison. Je réponds qu’une telle iniquité est symptomatique d’une société où des patrons voyous vident les cinémas pendant la trêve estivale comme d’autres vident leurs ateliers pendant le week-end pour les réinstaller quelques milliers de kilomètres plus loin, là où la main d’œuvre est encore plus sous payée et surtout ferme sa gueule, une société où la culture ne doit surtout pas être diversifiée mais clinquante et évènementielle, consommable et sans danger, une société où la différence (c'est-à-dire organiser des concerts de musiques parfois abruptes ou difficiles sans aucune arrière-pensée mercantile) n’est pas tolérée.
Tout à l’heure je suis passé devant une énième affiche - format 4 par 3 sur un panneau commercial donc payant - de Casse Noisette Made In China. Je me demandais qui pouvait bien aller voir ça. Ce qui est sûr c’est que les personnes ou institutions qui ont porté plainte contre Barbe A Pop, celles qui l’ont condamné et celles qui applaudiront au verdict n’ont jamais foutu les pieds à un seul de ses concerts, ou à un concert Ostrobotnie, Maquillages et Crustacées, Gaffer records ou de l’Amicale Saint Gérard organisés au Sonic, au Grrrnd Zero ou ailleurs. Mais putain, laissez nous vivre !

lundi 21 septembre 2009

Melvins / Chicken Switch























On va encore parler des Melvins, sujet inépuisable s’il en est. Voilà en effet un groupe - considéré comme le meilleur du monde par quelques fanatiques, haï au plus haut point par ses détracteurs mais laissant rarement indifférent* - qui continue d’alimenter les conversations depuis vingt ans. La méthode de la bande à King Buzzo et Dale Crover est très simple : les Melvins vous emmerdent. Dernière fumisterie en date, l’album de remix. Toujours sur Ipecac, ce nouveau méfait s’intitule Chicken Switch, est orné d’un artwork rose à gerber (le poulpe tagada à l’intérieur était pourtant bien plus joli) et propose quinze réinterprétations/reconstructions de chaque album des Melvins. Oui, on y croit très fort, chaque titre est un remix non pas d’un hymne melvinsien mais d’un album (entier ?) de cette bande de nerds malfaisants.
La liste des bouchers charcutiers qui ont opéré sur Chicken Switch est un who’s who du bruit et de l’expérimental, aucun nom inconnu en ce qui me concerne mais quelques surprises comme la présence de Farmersmanual - je croyais le groupe défunt depuis fort longtemps - ou Lee Ranaldo qui devait sûrement avoir un après midi de libre lorsque on lui a demandé de s’occuper d’Eggnog (qui n’est pas un album mais un 10 pouces 4 titres et l’un de mes Melvins préférés). Quelques uns - Christoph Heemann (le vétéran de H.N.A.S. ?), Sunroof! aka Matthew Bower de Skullflower en version ambient mushrooms, RLW aka Ralf Wehowski (vielle gloire de la musique industrielle avec P16D4), Panacea (mauvais électronicien bodybuildé) et $peedranch (le DJ malade ayant entre autres officié aux côtés de James Plotkin au sein d’Atomsmasher) - ont essayé de faire quelque chose de différent du matériel originel. Différent mais sans grand intérêt.
On ne peut pas dire non plus que ces cinq là ont été hors sujet tout simplement parce que de sujet il n’y en a pas. Ou plus basiquement, le sujet c’est les Melvins, gros bloc de musique dont on ne peut pas retrancher grand-chose ni ajouter quoi que ce soit. Tous les autres intervenants l’ont bien compris et ont l’air terriblement gênés aux entournures, conscients de l’impossibilité d’une démarche qui a tout du canular. Ainsi, copié-collés de gros riffs et de rythmiques pachydermiques agrémentés d’effets débiles (c’est trop bien de jouer avec le pitch) se suivent et se ressemblent. Quelques passages atmosphériques ou cassures et le - mauvais - tour est joué. Seul Merzbow s’en sort à peu près, non pas en montant tous les potards dans le rouge mais en reconstruisant tant bien que mal un semblant de composition dotée d’une étrangeté reptilienne, c’est la meilleure contribution de Chicken Switch. Il y a aussi Matmos qui nous pond un titre d’electro rock vaguement couillu et spatial, sauf qu’encore une fois on s’en fout un peu.
Jusqu’ici il y avait deux albums des Melvins particulièrement détestés par les fans du groupe : l’album Prick publié sur Amrep en pleine période Atlantic records uniquement pour faire chier la maison mère et le live Colossus Of Destiny et sa ragougnasse bruitiste. Comme j’arrivais à supporter voire à apprécier ces deux disques, j’ai enfin trouvé en Chicken Switch le disque des Melvins que j’abhorre. Merci les mecs.

* les Melvins font également partie de cette catégorie de groupes - comme Sonic Youth - que l’on aime détester

dimanche 20 septembre 2009

Une soirée avec Sofy























Décidemment elle est bien molle cette rentrée. Ou alors c’est moi qui suis tout perdu. Pas grand-chose comme concert à se mettre sous la dent. Quelques programmateurs de salles et autres organisateurs me le disent d’ailleurs : c’est l’explosion des cachets même chez les indépendants et les obscurs - crise oblige ? - puisque plus personne ne vend beaucoup de disques et que tout le monde veut quand même vivre de sa musique. Alors les tourneurs assaisonnent la note. Lorsque on me raconte le montant du cachet* demandé pour Ghédalia Tazartès (en formation trio), un artiste que j’aime vraiment beaucoup mais qui n’ameutera jamais plus d’une trentaine de personnes dans une ville comme Lyon, je reste sur le cul. Lorsque on me raconte également le prix** qu’aurait du payer Les Nuits Sonores pour s’offrir Sonic Youth en haut de l’affiche (les gens de ce festival pouvant aussi faire preuve de bon sens ont tout simplement renoncé à programmer les new-yorkais) je comprends que je ne reverrai plus jamais Thurston Moore and C° dans cette ville. Je comprends également pourquoi les places de concerts sont si chères dans les capitales où tous ces groupes passent pour leurs tournées - en France cela se limite trop souvent à Paris. Pour en revenir à Sonic Youth : prochain concert parisien au Palais des Congrès et prix compris entre 39 et 50 euros. Plutôt crever en attendant que The Dead C se décide enfin à venir faire une tournée en Europe***.






















Mais ce soir tout va bien. On est vendredi, les trois groupes qui jouent n’ont pas roulé plus de 250 kilomètres pour débarquer au Sonic, le prix d’entrée est méga modique et il y a des distros qui proposent des disques pour pas cher. La programmation fomentée par Bigoût records et Atropine records annonce Blackthread, Geneva et Sofy Major.
On commence donc par Blackthread, one man band composé d’une moitié de One Second Riot. J’avais déjà assisté au deuxième concert de ce grand garçon au mois de juin dernier en première partie de Gate (aka Michael Morley, c'est-à-dire un tiers de The Dead C, oui j’ai des idées fixes…) et à l’époque le charme avait opéré bien que l’effet de surprise n’y était pas : j’avais pu écouter avant la démo de Blackthread enregistrée à la maison. Depuis, tout un été est passé et j’ai fait un peu exprès de ne jamais remettre cette démo dans la machine à musique. Une certaine impatience m’a gagné avant ce concert, je crois que je n’étais pas le seul dans ce cas là aussi une certaine fébrilité s’est ressentie du côté de Blackthread qui pourtant s’en est très bien sorti.
Sur les pas d’un Alan Vega neurasthénique pratiquant un shoegaze synthétique, Blackthread épingle des petites vignettes minimalistes et flottantes à l’aide d’un synthé, de boucles, d’une basse (sur deux titres) et de son chant de plus en plus convaincu. C’est souvent très court, intense malgré le côté décharné pour ne pas dire squelettique de l’instrumentation et c’est plein d’émotions. J’aime particulièrement ce côté fragile et cette poésie petit format - celle que l’on découvre lorsqu’on s’allonge dans un pré pour regarder au moins aussi loin que les bancs de pâquerettes devant soi ou celle d’un détail anodin perdu dans une ville trop grande (un cœur tagué sur un vieux mur décrépit par exemple). J’ai aussi plusieurs fois pensé à un album solo de Colin Newman, son Commercial Suicide de 1986 je crois. Blackthread n’a pas encore tout à fini l’enregistrement de son premier disque, j’espère que l’on en reparlera très bientôt.


















Le deuxième groupe de la soirée, c’est la surprise du chef. Je ne connais absolument pas Geneva, groupe originaire du côté de Valence et qui s’apprête à sortir un album qui s’annonce pas mal du tout. Je ne sais pas si Geneva a bénéficié de mon état de manque question guitares en fusion qui t’explosent la cervelle et te trouent le cul (plus de deux mois d’abstinence quand même) parce que j’en voulais du gros, du gras et du lourd et que je l’ai eu. Je ne vais pas non plus insinuer que je me suis laissé influencé par le t-shirt Dinosaur Jr du guitariste/chanteur mais la musique de Geneva est atypique.
OK, on prend une section rythmique du tonnerre (une batterie puissante, une basse énorme), on ajoute des guitares qui triffouillent le métal et le hardcore et un chant de beuglard en pleine urgence vindicative et on obtient ce que font 95 % des groupes de hardcore actuels, genre je tiens Coliseum par la barbichette et Narrows par les couilles. Là où Geneva éclate tout le monde, c’est avec cette capacité de déraper, ces glissements rythmiques (pas vraiment des accélérations, disons plutôt des changements de position) qui font que la machine s’emballe très sérieusement. Moments pendant lesquels le guitariste en profite pour se lancer dans des soli tout retors, dysfonctionnés, larsenés, dissonants - noisy quoi, le mot est lâché. Un titre instrumental et plus calme pour démontrer que les 90’s américaines ne sont pas étrangères à la musique de Geneva et le groupe se lance dans un dernier titre définitivement convaincant. Là aussi on reparlera de cet excellent trio lorsque ce nouveau disque sera disponible.

















Je fais partie des convaincus tardifs de Sofy Major, dernier groupe à jouer ce soir. J’aime beaucoup le dernier quatre titres en date alors que les précédentes productions m’avaient à peine chatouillé les gonades. guitariste à casquette, bassiste à casquette et batteur tatoué : non ce n’est pas Unsane from New York City qui débarque mais Sofy Major de Clermont-ferrand. Le groupe attaque son set avec Meurtre à Lézoux, premier titre surpuissant du quatre titres. Une première constatation s’impose : la guitare a un son qui vous cisaille les nerfs auditifs tout simplement parfait. Deuxième constatation : le line-up du groupe a encore changé, ils étaient cinq sur le dernier enregistrement, ils ont dans un passé maintenant lointain été quatre et désormais ils ne sont plus que trois. C’est le bassiste qui assure le chant en mode gargouillis brutaux.
Si je mets un peu de temps à rentrer dans le hardcore noise de Sofy Major c’est tout simplement parce que je pense encore très fort à Geneva mais aussi parce que sur la petite scène du Sonic, Sofy Major en formation resserrée joue bien évidemment autre chose que la noise mâtinée de metal et rampante du disque. On est plus près de l’esprit brutal et simplement efficace du 25 centimètres partagé avec One Second Riot. Un guest impromptu vient mettre le feu aux poudres dès le troisième titre (titre très court et annoncé comme Endive : si c’était bien le cas il a été nterprété dans une version vraiment différente du disque).
Passé cet intermède fort appréciable, les Clermontois sont sur les rails et je m’accroche à leur furie communicative pour un concert intense et foutraque. Les deux derniers titres - est ce parce que le bassiste a justement annoncé qu’il va s’agir des deux derniers et qu’instinctivement je me mets en position combustion maximum afin de bien en profiter ? - sont des tueries sans nom, merci les gars, en particulier l’avant dernier sur lequel le guitariste fait à nouveau des étincelles. Embrasement total et fin de soirée dans un flou relatif à papoter de sujets forcément primordiaux et essentiels.

* alors à ton avis ? …1500 euros
** 100 fois plus c'est à dire 150 000 euros - elle a bon dos la crise
*** et c’est ça la bonne nouvelle du jour : The Dead C annonce sa venue pour 2010 !

vendredi 18 septembre 2009

Le Parti / Excitement As Such























Nous sommes en 1979 et l’Angleterre domine le monde. Wire publie 154, PiL envoie Metal Box, Magazine intrigue avec Secondhand Daylight et évidemment Joy Division sort son premier (et unique) chef d’œuvre, Unknown Pleasures. The Cure n’en est qu’à Three Imaginary Boys et il ne faut pas oublier Y du Pop Group et bien sûr Siouxsie & The Banshees (Join Hands est loin d’être leur meilleur album mais c’est celui du schisme qui permettra l’arrivée de John McGeoch et de Budgie donc la naissance d’un vrai grand groupe). Nous sommes en 2009 et le deuxième album du Parti s’inscrit parfaitement dans cette mouvance : guitare dans les aigres, basse ronde et sourde, rythmique nerveuse et sèche et voix juvéniles et blanches (l’une plutôt nasale et grave faisant plus penser à Ian Curtis qu’à Douglas Pierce et l’autre, presque transparente avec ce genre de conviction distanciée que l’on connaît bien, on peut penser à Colin Newman). Ces deux voix sont l’une des principales qualités d’Excitement As Such, voix complémentaires on l’aura compris, surtout harmonisant avec justesse et à propos, duo d’éphèbes en appui l’un de l’autre au moment du refrain comme sur le très entraînant Undercover.
Le problème, si problème il y a, c’est que bien évidemment publier un tel album aujourd’hui est à la limite de l’incongruité. On le sait bien, l’histoire de la musique actuelle est faite de pompages et de repompages, d’allers et retours entre passé nostalgique et futur déjà démodé que ça en est souvent fatigant, un phénomène qui désormais frise l’absurde tant il s’est accéléré (et dont l’une des conséquences directes est la profusion de reformations des vieilles gloires musicales du passé). L’actualité éphémère du présent est dictatoriale, prétextant de l’instantané pour imposer sa nouveauté (?) comme marque de fabrique et/ou s’appuyant sur une exégèse parcellaire - merci You Tube et My Space - pour établir sa légitimité. Dès lors que l’on se pose la question de sa propre légitimité c’est qu’on a une bien trop grande opinion de soi pour être honnête.
C’est précisément le piège dans lequel ne tombe pas Le Parti. Ces trois petits gars de St Etienne ne se posent aucune question. Ils aiment et ils font. Ainsi Excitement As Such déborde d’une fraîcheur revigorante et communicative. Alors oui, on est bien en 2009 et ce disque sans prétention qui se fait l’écho de musiques du passé sonne parfaitement. Et il ne faudrait pas croire non plus que Le Parti s’enferme dans la catéchèse esthétique et le discours unique de la Révolution Culturelle : quelques incongruités bien placées démontrent que le groupe n’est pas uniquement bloqué sur la période 1977 - 1982, le solo (hum) de guitare sur Numbers en étant la parfaite illustration. D’un autre côté on sent bien que Le Parti s’est amusé à placer moult clins d’œil. L’intro de ce même Numbers fait immédiatement penser à un vieux Warsaw/Joy Division ? C’est fait exprès mais ça ne dure pas trop longtemps. I Don’t Know aurait pu figurer sur l’album Chair Missings de Wire? C’est parfaitement assumé.
En définitive le groupe de Colin Newman est la référence la plus flagrante des stéphanois qui s’épanouissent pleinement dans le format court (rarement plus de deux minutes et demi par chanson) et la mélodie aride mais bien troussée. Placé sous l’étendard du drapeau rose, Excitement As Such peut être également qualifié d’album pop - l’Angleterre, toujours -, moins abrupt et nerveux que son prédécesseur, plus axé sur des mélodies que l’on trouve rapidement addictives et indémodables. Normal, elles datent déjà d’il y a trente ans.

jeudi 17 septembre 2009

Kongh / Shadows Of The Shapeless























Ce disque a bien failli terminer sa courte existence de produit consommable dans la poubelle à mp3 d’où je pensais alors qu’il n’aurait jamais du sortir. Ce disque, Shadows Of The Shapeless, c’est le deuxième long format de Kongh, trio suédois œuvrant dans le post hard core neuronal et dont le premier album avait fini par me séduire, à tel point que je l’ai même écouté plusieurs fois depuis sa parution il y a deux ans, si si. Que des bons souvenirs. C’est encore Trust No One Recordings qui s’y colle pour ce Shadows Of The Shapeless à l’artwork plus que douteux : des fonds marins avec petits poissons pleins d’amour tendre et bancs de corail en voie de disparition, le tout passé au filtre rouge grâce à un logiciel limité installé sur un ordinateur déficient. Oui, c’est pas terrible terrible mais c’est la musique qui compte, non ?
Oui c’est la musique qui compte et là, patatras ! Dans le genre dans lequel officie Kongh, la limite entre l’éclat de lumière et l’ennui opaque est parfois ténue. Combien de milliers de clones insipides et calculateurs pour un seul héritier un tant soit peu original et imaginatif - diantre ! - de Neurosis ? Comme chacun sait, les clones sont des enfants parfaits, propres sur eux et trop bien élevés, j’ai donc toujours préféré les bâtards. Mais le problème de Shadows Of The Shapeless n’est pas exactement là. Oui on pense forcément à Neurosis en écoutant ce disque mais ce n’est pas la raison principale qui a motivé le rejet de ce disque au début de l’été. L’été, saison maudite pour les musiques lourdes et poisseuses et qui ne m’a pas incité à relancer la machine à musique pour redécouvrir ce gros pavé (Cinq titres, cinquante sept minutes) de metal pachydermique. Autant dire que Shadows Of The Shapeless a failli être victime de la canicule 2009 car je n’ai toujours pas installé l’air conditionné ici -extract, extirpate/extract, eliminate).
Ce qui peut choquer ou perturber à l’écoute de ce nouvel album, c’est qu’il est moins dense que son prédécesseur : là où Counting Heartbeats pouvait faire penser aux moments les plus lents et les plus lourds et sludge d’un Black Cobra, Shadows Of The Shapeless prend davantage la tangente du côté des seventies, ambiances magnétiques d’un heavy metal préhistorique. Entre le premier titre vraiment impressionnant de violence (Unholy Water) et le final dantesque du morceau titre, Kongh relâche la tension avec passages aérés - l’intro d’Essence Asunder en forme de Tortoise caribéen - et chant moins monolithique, moins viking en rut s’entraînant pour le concours annuel mondial de biroute hardcore et piquer définitivement le titre au chanteur de Kickback. Même méthode c’est vrai que pour Counting Heartbeats mais avec plus de fourmillement, d’éparpillement, moins d’intransigeance et plus de weed bien grasse dans les tuyaux, c’est l’effet petits poissons agiles sur fonds marins rouges. Shadows Of The Shapeless prend donc son temps et il le prend tellement bien qu’il paraît bien plus long que son prédécesseur alors qu’il dure dix minutes de moins. Mais il est bien plus varié, plus audacieux, s’il se perd un peu en route il retrouve rapidement (si on peut dire) son chemin. L’équilibre fragile qui faisait de Counting Heartbeats un bon disque avait un côté inexplicable et mystérieux. Celui qui prévaut dans Shadows Of The Shapeless l’est tout autant. Kongh, groupe bâtard de l’année.

…Et depuis la fin de l’été la version double LP de Counting Heartbeats est disponible grâce à Music Fear Satan : deux galettes fondues dans un vinyle rouge transparent du meilleur effet et emballées dans une pochette gatefold rendant l’artwork un peu plus supportable. Encore du bon boulot de la part de ce label parisien également mailorder incontournable.

mercredi 16 septembre 2009

Lydia Lunch / Big Sexy Noise























Alors qu’Atavistic réédite pour le énième fois Queen Of Siam -on apprécie au passage l’argument marketing : Lunch’s masterpiece returns with the original LP “breasts of nails” cover pic for the first time on CD (sic)- Lydia Lunch surprend son monde avec ce 12 pouces intitulé Big Sexy Noise. Big Sexy Noise c’est surtout le nom du groupe que Lydia Lunch a monté en compagnie de James Johnston (guitare), Terry Edwards (orgue et saxophone) et Ian White (batterie) c'est-à-dire les trois quarts de Gallon Drunk, groupe britannique jadis traumatisé par le blues des marais et par Birthday Party. Un très bon choix de musiciens et quand on parle de surprise cela n’en est pas vraiment une puisque Big Sexy Noise a déjà fait des apparitions en concert, entre autres lors de l’édition 2009 des Nuits Sonores à Lyon. Ce jour là j’étais ailleurs, atteint du syndrome du Professeur Rollin (le mec qui a toujours quelque chose à dire) et persuadé que je ne pouvais être que déçu par le spectacle nostalgique d’une vache sacrée fusse t-elle accompagnée d’un backing band de luxe. Publié par Satorial records, ce mini album dont la pochette indique qu’il s’agit d’un tirage limité ne me donne pas entièrement tort.
Il n’est pas question de critiquer les mots de Lydia Lunch, tout ce qu’elle a encaissé dans sa chienne de vie et qu’elle nous recrache à la gueule. Les titres des chansons -Another Man Comin’ (While The Bed Is Still Warm) ou Your Love Don’t Pay My Rent- parlent d’eux mêmes. On est bien content de la voir en si grande forme et on est surtout content de la confirmation de son retour à des formats plus rock/noise/guitare après le magnifique single qu’elle avait enregistré avec Tom Hazelmeyer et Halo Of Flies en 2008. Les spoken words et les albums façon slam ça commençait à bien faire. Lydia Lunch essaie donc de rechanter pour de vrai et il faut avouer que c’est parfois un peu fastidieux. Soit elle n’arrive pas à se débarrasser d’un phrasé rapé (Another Man Comin’) soit elle officie dans un registre proche d’un Vince Neil/Axl Roses sous champignons avec une voix traînante à souhait (Baby-Faced Killer). Sur Bad For Bobby l’atmosphère se fait plus jazzy, Lydia Lunch tente de se raccrocher aux branches pourries de l’album Queen Of Siam précédemment évoqué avant que le saxophone de Terry Edwards ne vienne sauver la situation. Au passage le groupe reprend Kill Your Sons de Lou Reed (de l’album Sally Can’t Dance) et The Gospel Singer, un titre initialement enregistré par Harry Crews -un groupe que Lydia Lunch avait monté avec Kim Gordon au tout début des années 90 pour un unique album, Naked In Garden Hill.
Musicalement, The Gospel Singer est l’un des deux meilleurs titres de ce disque, l’autre étant Your Love Don’t Pay My Rent. Le reste est joué sur un tempo plutôt lent qui n’arrive pas une seule seconde à devenir lancinant, lourd, humide, tendu… oui c’est très décevant de la part de musiciens tels que ceux de Gallon Drunk mais ce disque sent un peu trop la séance de baise obligatoire du samedi soir entre pépère et bobonne : gros peut être, sexy absolument pas et bruyant pas le moins du monde.

mardi 15 septembre 2009

Tapetto Traci / Neurula


















A Tant Rêver Du Roi c’est le label qui a sorti la magnifique version en vinyl rouge du Heavy de Kourgane. C’est à peu près le seul point de repère auquel j’ai pu me raccrocher lorsque ce Neurula a débarqué, point de repère bien ridicule il faut l’avouer et qui s’explique sûrement par le fait qu’A Tant Rêver Du Roi comme Kourgane viennent du même bled : Pau. Bien malin qui pourrait en tirer des conclusions pertinentes à propos de Tapetto Traci. Des points communs, mise à part la nature du nom des deux groupes, pas très courants ? Pas vraiment… quoique… va savoir. La feuille de chou accompagnant le disque indique sobrement que la musique de Tapetto Traci est à situer entre Magma, Zu, Sweep The Leg Johnny et Primus, ce qui pour moi ne veut absolument rien dire du tout puisque dans cette petite liste j’exècre tout particulièrement deux de ces groupes tout comme j’apprécie particulièrement les deux autres (je vous laisse deviner lesquels ?). Faudrait jamais lire ces trucs. Faudrait jamais les imprimer non plus, messieurs dames des labels, ça ferait des arbres en plus dans les forêts du Béarn ou d’ailleurs.
Tapetto Traci
, donc. Une formation pas très courante dans nos contrées sauvages : saxophone /guitare/basse/batterie. Un sérieux niveau d’instrumentistes. Une musique que l’on aurait plutôt imaginée naître du côté du downtown new-yorkais dans la deuxième moitié des années 90, on pense évidemment à Gutbucket, parfois au Alas No Axis de Jim Black ou à Tiny Bell Trio mais également aux deux premiers albums du Vandermark 5, à l’époque où Jeb Bishop (ex Flying Luttenbachers) sortait encore sa guitare électrique pour foutre le bordel dans les compositions un rien trop sages du grand Ken. Tapetto Traci ne joue pas vraiment du jazz mais pas du rock non plus. Et heureusement pour nous Tapetto Traci ne joue surtout pas du jazz rock.
Du jazz le groupe a tiré un sens mélodique poussé, des thèmes forts et accrocheurs, des mesures qui se divisent par trois (je suis nul en mathématiques) et naturellement une partie de son instrumentation, ce foutu saxophone qui vous pirouette les sens sans vous perdre en route ni vous donner mal à la tête. Du rock, Tapetto Traci a pris tout le reste, c'est-à-dire une sacrée rythmique qui vous groove le sacrum à l’énergie, du binaire qui vous arrache une cervicale à chaque break et des poussées de fièvres hargneuses qui n’en démordent pas, font monter la pression de manière insistante et jouissive jusqu’au pinacle -ce truc inaccessible et perdu au loin qui, s’il a tout à coup disparu de votre vue, c’est tout simplement parce que vous êtes précisément en équilibre au dessus par un inexplicable phénomène de lévitation. Le point commun avec Kourgane est peut être là, dans cette insistance ascensionnelle, cette tension inexorablement croissante défiant les lois de la gravitation (écoutez donc attentivement Déraison).
Pour compléter le tableau, signalons la présence de quelques cris, précisons également que si la basse claque parfois sous les doigts de celui qui en joue c’est toujours avec élégance et que le son de la guitare, s’il n’outrepasse pas les règles explosives de la saturation hard core, est suffisamment affûté pour déchirer. Tapetto Traci n’est définitivement pas un groupe de jazz rock ou de neo prog comme il en fourmille tant en ces temps d’obscurantisme post moderne, Trapetto Traci est un groupe de jazz fougueux qui joue comme un groupe de rock bruyant. Bravo.
[Le groupe est en mini tournée dans la moitié sud de notre beau pays au cours de la fin octobre. Par exemple il jouera le 25 octobre au Lyon’s Hall en compagnie des inratables Poutre et des furieux Jubilé.]

samedi 12 septembre 2009

Electric Electric / Sad Cities Handclappers























Je n’y peux rien. Lorsque je mets cet album d’Electric Electric sur la platine mes fesses se mettent invariablement à bouger toutes seules tel le cul d’un clébard tout excité par le retour de son maître à la maison et la perspective d’une bonne pâtée dans la gamelle. Sad Cities Handclappers est un album de post punk dansant irrésistible, pute juste ce qu’il faut, bandant à souhait, mâtiné de mathématiques pour les nuls et d’électronique pour les intellos. Nul et intello, mon portrait craché.
La ressortie de cet excellent disque sur support vinyl -la version initiale en CD était le fait du label strasbourgeois Herzfeld- est l’occasion rêvée pour en parler, d’autant plus qu’Electric Electric donnera quelques concerts près de chez vous (ou pas) entre le début du mois d’octobre et le mois de novembre prochain -toutes les dates sont sur leur monospace. Cette nouvelle publication a été rendue possible grâce aux efforts conjoints d’une poignée de petits labels dont je ne peux pas résister de vous donner la liste : Kythibong (que l’on ne présente plus, ChooChooShoeShoot ou Fordamage figurent au catalogue), Steak Au Zoo (label de Safy de Metro:Libido et ex Monosourcil), Wirfahrenfür et Down Boy records (label de Pavel de Death To Pigs, Clot, Kaltenbrunner et Hallux Valgus et dont on parle un peu trop souvent ici). On ajoute à cette liste -je suis le pro du name-dropping- le nom d’Arrache-Toi Un Oeil, atelier de sérigraphie qui a réalisé la belle pochette rouge de Sad Cities Handclappers. Voilà, je crois que je les ai tous cités, tout le monde est content mais pas autant que moi.
Pas autant que moi face à ces hymnes délicats et entraînants qui vous torsadent les pieds et vous élèvent la tête en même temps. L’équilibre -celui entre impératif dansant et puissance noisy- est fragile mais toujours tenu, rehaussé par des gratouillis electro post Devo (on dirait même parfois les interludes concoctés par Six Finger Satellite pour The Pigeon Is The Most Popular Bird), des synthétiseurs jamais stériles ni inutiles, voire inquiétants comme sur l’étrange et très réussi Clubbing, et un chant à l’image de cet équilibre : lointain et prenant, avec une pointe de lyrisme charnel (Bamako).
Toujours à propos de Bamako, on ne peut qu’être séduit par cette réinterprétation des sonorités africaines, celles de la kalimba mais jouée à la guitare, avant le grand débaroulement de la rythmique. Des hits de cette taille là, Sad Cities Handclappers en compte plus d’un à commencer par The Left Side, Tchernovsky (un formidable bain de jouvence trémoussant) enchaîné à un Hydraviolet limite mélancolique malgré ses déhanchements. Cut compte également parmi les belles réussites du disque alors que La Motta et Electric Electric! se vautrent dans des convulsions infernales.
On remarquera que si le CD contient quinze titres, le LP lui n’en contient que onze afin d’adapter Sad Cities Handclappers à la durée maximale d’un LP… l’ordre des morceaux est également différent mais la dynamique d’ensemble du disque n’en est nullement altérée, bien au contraire, elle s’en retrouve pertinemment resserrée.

vendredi 11 septembre 2009

Municipal Waste / Massive Agressive























Ecouter Municipal Waste c’est l’assurance de faire un bond en arrière d’au moins vingt années : la musique de ces américains est ouvertement datée, connotée : du bon vieux thrash core/speed metal typé 80’s quelque part entre, voyons voir… la Bay Area en première ligne mais on y trouve également du crossover à la DRI ou Adrenalin O.D. La déconnade est le maître mot de ces quatre gugusses survoltés qui associent volontiers leur musique à des concepts dégueulasses -les zombis explosés sur les illustrations de leur deuxième et meilleur album, The Art Of Partying, rappellent forcément les clochards liquéfiés de Street Trash alors que le sujet du disque est précisément les mille et une façons de faire une (grosse) fête et de gerber ses boyaux et sa cervelle en même temps (il existe également une version de The Art Of Partying emballée dans un boîtier plastique d’un vert fluo irradié et dont la couleur évoque le fabuleux sérum de résurrection d’Herbert West, l’un de mes héros favoris de tous les temps et même d’après).
Pour le nouvel album Massive Aggressive de Municipal Waste Earache records a imaginé une version CD deluxe avec un mini coffret incluant bien sûr l’album mais également et surtout un patch, trois badges et un poignet en mousse -comme ceux de ton tennisman préféré- le tout aux couleurs du groupe. Il ne manque que l’indétrônable bandana pour ressembler à une tapette métallurgiste ou à un Renaud Hantson encore puceau*. L’illustration de la pochette a été une nouvelle fois confiée à Andrei Bouzikov, dans un style toutefois nettement plus sobre et sombre que pour The Art Of Partying. Sobre et sombre : selon les dires du groupe il en irait de même avec la musique présente sur ce nouvel album. Alors, c’est vraiment fini les grosses poilades débiles et régressives ?
Oui et non. L’esprit du Sargent D et des Stormtroopers Of Death est certes moins présent sur Massive Aggressive que sur The Art Of Partying ou son prédécesseur le tout aussi efficace Hazardous Mutation. Ce disque est plus maîtrisé, moins éjaculatoire (les titres de une minute c’est définitivement terminé), devient limite longuet et inévitablement répétitif malgré une petite durée ne dépassant pas la demi-heure -donc si on ne peut pas honnêtement affirmer que le résultat obtenu est moins bon, l'effet produit est juste moins euphorisant mais au fond ce n’est pas si grave que ça tant qu’il reste de la bière au frigo.
Dans le détail, il plane un semblant de sérieux et d’application supplémentaire sur Massive Aggressive comme quelques riffs typiques empruntés à la new wave of british heavy metal (Iron Maiden and C°, voir l’intro de Masked By Delirium), il y a également plus de soli de guitare pour montrer qu’on sait taquiner la six cordes et le chant est un poil plus martial. Un poil seulement, et de cul bien entendu parce que question textes le niveau reste le même avec quelques poussées hilarantes de stupidité naïve telles que Wolves Of Chernobyl, Wrong Answer ou certaines pointes d’humour noir qui derrière une désinvolture désarmante révèlent en réalité une critique gentillette de notre univers contemporain. Vivons heureux en attendant la mort et pourvu qu’elle soit dégueulasse, telle pourrait être la devise de Municipal Waste, groupe de bal des vampires destroy et festif. Pour le reste tout est en place : mosh part, speederies au taquet, passages avec chœurs de soulards et riffs qui décapsulent -à la vôtre et santé bonheur.

* ces magnifiques images proviennent d’un blog dont l’auteur scanne puis poste des articles tirés entre autres d’Enfer Magazine et de Metal Attack, deux magazines du début des années 80

jeudi 10 septembre 2009

Vöetsek / Infernal Command


J’étais sans nouvelles de Vöetsek et à dire vrai je m’en foutais pas mal, persuadé que ce groupe californien originaire de la Bay Area avait corps et âme disparu après une flopée de formats courts sur presque autant de labels obscurs -et partiellement compilés par Six Weeks records sous le nom de A Match Made In Hell - Selected Works 2003-2006- ainsi qu’un long format, The Castrator Album toujours chez Six Weeks et reprenant un célèbre visuel de Black Flag.
The Castrator Album
= Pay to S.C.U.M. ? Dans le rôle de Valerie Salona : Ami Lawless, 150 centimètres au garrot pour au moins autant de kilos, sorte de croisement improbable entre Jackie Sardou, Divine et Beth Ditto mais les surpassant toutes de par ses qualités vocales très porcines et qui ne trompent pas sur la marchandise. Vöetsek figure en bonne place dans le renouveau actuel thrash/fast core qui secoue le tout petit monde du metal extrême, à dire vrai cela ne fait rire que les moins de vingt ans qui n’ont encore jamais connu ça et les plus de trente cinq qui eux se souviennent encore de la parution de Kill ‘Em All et surtout de Speak English Or Die comme si c’était hier. Aujourd’hui ce sont des groupes comme Municipal Waste (plutôt drôles dans le genre) qui tendraient à tenir le haut du pavé.























Amateur de crossover metal/punk cet album de Vöetsek paru en juillet 2008 (oui, il y a plus d’un an, je suis en retard) est fait pour toi. Publié par le label polonais Self Made God records, Infernal Command marque -si tant est que cela soit réellement possible- une évolution dans le style de Vöetsek. A l’image de la pochette avec des jolis zombis mal attentionnés et que l’on croirait piquée à un vieux groupe de thrash/death, les californiens qui n’ont toujours pas renoncé à jouer de plus en plus vite ont sérieusement étoffé leurs compositions, y ajoutant nombres de passages (très relativement) complexes, soli de guitare et breaks assassins. Un peu moins de punk et beaucoup plus de metal avec un son également moins cradingue et renforcé par l’arrivée d’un deuxième guitariste (ça aide pour les plans de métalleux à deux balles). La preuve grâce aux mathématiques : The Castrator Album = 40 titres et 25 minutes de thrash punk ; Infernal Command = 17 titres et à peine plus d’une vingtaine de minutes de fastcore métallique mais néanmoins juvénile.
L’évolution n’est pour autant pas si radicale que cela : malgré ou plutôt grâce à son registre limité Amy Lawless arrive toujours à placer sa voix entre les riffs plus construits de Infernal Command et le rythme de croisière du groupe -en dehors des intros mélodramatiques et des ponts suspensifs- ne descend jamais en dessous de 250 bpm. Autant dire que l’essentiel est préservé. On peut préférer les vieilleries précédentes de Vöetsek mais Infernal Command finit par être plus qu’une bonne (grosse) blague.

mercredi 9 septembre 2009

Jesu / Infinity





















Même les plus sarcastiques commençaient à s’inquiéter : Justin Broadrick a ralenti le rythme en cette première moitié de l’année 2009, s’abstenant de publier un nouvel enregistrement (sous le nom de Jesu ou autres) tous les deux mois. Cela ne veut pas dire qu’il ne bossait pas tout seul dans son coin. Certes non. La preuve, après avoir enfin fait publier le premier album de Greymachine il annonce un nouveau mini album de Jesu pour cet automne -Opiate Sun est prévu pour le 27 octobre sur le label californien Caldo Verde- et tant qu’à faire il se sert de son propre label Avalanche pour nous balancer en pâture cet Infinity dont l’artwork forestier digne d’un groupe de black metal écolo crust est particulièrement apaisant. Jesu en compagnie des loups ? Jesu buccolique ? Jesu in the sky with diamonds ? Jesu mais je sais plus ? Toutes les déconvenues des derniers enregistrements du groupe remontent aussi sec à la surface. Première surprise, Infinity est composé d’un seul titre d’une cinquantaine de minutes. Les notes imprimées à l’intérieur du digipak nous apprennent également que Broadrick a bidouillé Infinity tout seul à la maison (pas de Diarmuid Dalton ou autre à l’horizon).
Cela commence de façon assez inquiétante par un mauvais gimmick electro vite complété par une guitare légère. Cette courte intro laisse la place à la boite à rythmes (beat très ralenti mais double grosse caisse) et à une basse et une guitare rythmique presque typiques des années Godflesh. On tend donc l’oreille et on ne lâchera plus trop l’affaire jusqu’à la fin de ces cinquante minutes. Infinity ne retrouve pas la teneur tour à tour lourde et aérienne du premier mini album de Jesu ni même le brouillard du premier long format sans titre du groupe mais Justin Broadrick renoue enfin avec quelques tics de langages qui commençaient sérieusement à nous manquer. Typiques de Jesu, il y a par contre toujours ces lignes de guitare cristallines et ce chant niais noyé sous les effets mais à partir de la dixième minute Infinity tend inexorablement à épaissir son propos, gardant toujours ses marques mélancoliques, multipliant les arpèges de guitare et variant subtilement les ambiances. Lorsque le chant hurlé apparaît on n’y croit tout d’abord pas, presque choqué par cette incongruité surgissant sans crier gare au milieu de ces beaux paysages sauvages. La double grosse caisse en profite pour refaire parler d’elle elle aussi et déjà on passe à autre chose (de belles harmoniques avec un synthé lointain). Sur Infinity Broadrick ne se contente donc pas de faire tourner ses plans en roue libre ou plus que nécessaire -au risque de donner une impression de composition catalogue- et lorsque la musique vire à de l’ambient ténu on suit sans se poser trop de questions.
Il faut toutefois avouer que l’ennui finit par guetter, manque d’homogénéité d’un enregistrement parfois maladroit. Ainsi la fin du disque souffre d’une baisse de tension évitée que de justesse grâce à une certaine grandiloquence ou grâce à un beau motif simple et efficace à la guitare avant un final qui lui traîne beaucoup trop en longueur (mais on admire le son particulièrement pur puis saturé de la six cordes). Justin Broardick a ainsi presque réussi son pari : faire tenir un titre de Jesu debout pendant cinquante minutes, multipliant les parties tout en gardant un certain minimalisme dans la composition. On est à mille lieues d’un pudding progressif. Malgré l’aspect catalogue déjà évoqué on est loin aussi de la démonstration compositionnelle. Non, il y a une sorte d’humilité dans Infinity, une humilité qui confine à l’apaisement et au recueillement. Malgré les quelques attributs empruntés à Godflesh et que l’on retrouve ici, les vieux fans de Broadrick risquent encore de se sentir frustrés et/ou de hurler à la trahison.

mardi 8 septembre 2009

Greymachine / Disconnected























Voici donc Disconnected, premier album de Greymachine après un maxi disons prometteur. La nouvelle bête immonde inventée par Justin Broadrick va-t-elle redorer le blason d’un musicien en perte de vitesse avec son projet principal (Jesu) ? Dans le rôle du nouveau messie et d’équipier de luxe, Aaron Turner, tête de gondole d’un groupe très rarement apprécié ici (oui, je parle effectivement d’Isis) et boss d’un label qui a eu plus d’une excellente sortie à son actif (Hydra Head, faut il le rappeler ?). C’est d’ailleurs sur ce label que parait Disconnected, huit titres métalliques et poisseux au compteur. Et dès les premières mesures de Wolf At The Door l’amateur a la certitude que Broadrick a repris ses esprits, fini les niaiseries et le shoegaze de garçonnet acnéique, le son de la basse rappelle les meilleurs moments de Godflesh, celui de Streetcleaner, les rythmes sont implacables -ici que des boites à rythmes- et les guitares sont carnassières.
A tel point que Disconnected souffre du même syndrome que Celan, le dernier groupe en date de Chris Spencer d’Unsane : le new-yorkais semble incapable de faire de la musique un tant soit peu différente de celle d’Unsane et ce quels que soient les musiciens qui jouent avec lui -en l’occurrence Nico Wenner d’Oxbow ou un membre d’Einsturzende Neubauten. De même avec Greymachine, on ne reconnaît principalement que la patte de Justin Broadrick. A quoi sert donc Aaron Turner ? A rien, une fois de plus, serais je tenté de répondre si j’étais juste méchamment imbécile mais comme en plus j’ai toujours pensé que la pitié est le sentiment des faibles, je risque bien de manquer de mots assez durs. Le son de guitare d’Aaron Turner se remarque toutefois à quelques occasions, sur When Attention Just Isn’t Enough par exemple. Est-ce lui aussi qui est responsable de cette guitare très élastique qui orne l’excellent Wasted (titre que l’on croirait échappé de Life In The House Of The Enemy, premier album de feu Cable Regime) ? Le problème identitaire ne se pose par contre pas à propos des deux autres membres de Greymachine : Diarmuid Dalton tenait la basse au sein de Cable Regime (nous y revoilà) et de nos jours collabore aussi à Jesu tandis que Dave Cochran a fait ses armes avec Head Of David puis God/Ice et connaît actuellement moins de réussite avec Transitional. La même famille de musicien que le Broadrick en chef, en résumé. En résumé aussi : Turner s’est fait bouffer par les trois autres.
Tout ceci ne nous dit pas si Disconnected est un bon disque. Il en est un assurément. Pourtant il n’est pas exempt de défauts : tous les titres se ressemblent et certains ne paraissent au passage pas totalement aboutis (les trois derniers, Just Breathing, Sweatshop et Easy Pickings sont tout simplement poussifs). Cela fait beaucoup pour un disque qui marche allègrement sur les platebandes de Godflesh et de God -on s’attend toujours à entendre débarquer Kevin Martin et son saxophone de dément pour un featuring total free ce qui donnerait un peu plus de couleur et de piquant à un disque un peu trop monotone. Mais on est tellement content de retrouver le Justin Broadrick que l’on a tant aimé que l’on veut bien fermer les yeux. Prenons Disconnected pour une esquisse d’un futur album qui ne pourra être que meilleur si tout ce beau monde s’en donne réellement la peine (Aaron ?).

[l’album est écoutable intégralement en streaming ici]

dimanche 6 septembre 2009

Noise Noise Noise























C’est la rentrée. Du moins c’est comme cela que l’on appelle cette période de l’année. Chacun revient (ou pas) de ses vacances et s’élance à corps perdu dans une dernière ligne droite pour achever une année de merde supplémentaire en espérant que la prochaine sera un peu moins pire. Là, tu peux toujours rêver. Le moral est aussi beau et chaud qu’un quinze août caniculaire -c’est l’impression d’étouffer qui prédomine.
La rentrée c’est surtout la reprise des concerts. Après avoir fait l’impasse pendant deux mois sur toutes les manifestations musicales publiques, je me décide enfin à ressortir de chez moi. Ce n’est pourtant pas les occasions qui ont manqué : un concert organisé à Grrrnd Zero début août avec quelques bons groupes du coin (The Rubiks entre autres) ou des concerts de punk/crust/hard core organisés dans un squat du 8ème arrondissement doté d’un très joli nom -Le Chant Des Sirènes- et que je n’aurais même pas pris la peine de visiter… une session de rattrapage semble toutefois encore possible puisque les toujours très impressionnants Asshole Parade y joueront le 20 septembre prochain.
Surtout, pour des raisons diverses et variées, j’ai fait l’impasse sur Heirs (un bon report de la soirée à lire ici) et malheureusement sur le concert de Jello Biafra & The Guantanamo School Of Medecine organisé chez les ploucs de la Tannerie de Bourg-En-Bresse. Je m’en bouffe encore les doigts.























J’ai besoin d’un curetage neuronal (c’est la seule solution qui reste quand on n’arrive plus à penser à rien) et Astro me semble être le bon remède. Astro c’est le pseudonyme qu’à choisi Hiroshi Hasegawa pour son projet solo après la séparation de C.C.C.C. -l’un des groupes harsh parmi les plus virulents et destructeurs de la scène bruitiste japonaise ayant émergé vers la fin des années 80, début des années 90, et à ranger aux côtés des insurpassables Merzbow ou Hijokaidan. Les enregistrements d’Astro ont cette réputation de laisser un peu plus de place aux délires psyche-ambient que ceux de feu C.C.C.C. -désormais Hasegawa utilise beaucoup les synthétiseurs analogiques EMS, voir certains passages vraiment étonnants de l’album Astral Orange Sunshine chez Blossoming Noise- mais en toute logique la quarantaine de personnes réunies ce soir au Sonic devraient s’en prendre plein la gueule. Ou comment se défouler pour pas cher.
C’est justement Astro/ Hiroshi Hasegawa qui commence la soirée, non sans avoir enfilé des mitaines et allumé des brins d’encens : on espère très fort qu’il ne va pas nous refaire le coup du revival patchoulis/brocolis -en fait c’est la bonne vieille méthode du timing à la Fluxus : notre bonhomme a prévu de jouer quarante minutes, c'est-à-dire le temps de combustion des brins d’encens. Derrière ses airs de vieux shaman (cheveux longs et barbichette à rallonge), Hiroshi Hasegawa va nous prouver qu’il est un vrai terroriste.


















Le début du concert est certes peu engageant ou plutôt il est dans le registre nappage et coulis d’atmosphères sauce méditation, Hiroshi Hasegawa cherche le larsen, le trouve mais le laisse repartir. Il flotte une impression pas désagréable du tout, genre mes oreilles sont mes amies, mes neurones sont en stand-by, si je pouvais m’allonger par terre je le ferais, tout ceci est bien confortable et presque relaxant.
Sûr que ce putain de larsen et que les murs de feedback sont revenus au galop, pénétrant dans les esprits endormis comme dans du beurre, avec une énorme débauche d’hyperviolence libératrice. Plus de cervelle = pas de séquelles est la devise d’Astro qui montre alors son côté le plus harsh, s’employant avec maîtrise et efficacité à détruire tout semblant de compréhension musicale au delà même du seuil de la douleur (ce que certains appellent le bruit blanc, générateur d’harmoniques que seuls les sourds peuvent entendre). Un vrai bonheur et tout ça avec trois fois rien de matériel installé sur une petite table : quelques effets, une mixette, deux plaques de métal reliées à des micros et c’est tout. La grande classe. 























C’est la pause. Kouhei Matsunaga s’apprête à jouer à son tour. Il aurait mieux fait de continuer à fumer de l’herbe catégorie A comme pendant tout l’après midi. Ce japonais installé à Berlin n’est pas un inconnu puisqu’il est membre du collectif NHK. Il pratique une musique électro chargée de sonorités froides oscillant entre le hip-hop et le break beat et s’amuse de temps en temps à jouer avec des amuseurs publics notoires tels que Mika Vaino ou Merzbow (oui, encore lui).
Les premières secondes du set joué par Kouhei Matsunaga sont instantanément pleines de promesses : on y décèle sans peine une très forte odeur de Scorn/Mick Harris. Malheureusement il ne se passe vraiment rien, le musicien est bloqué derrière son laptop comme s’il cherchait à localiser la souris sur l’écran, les beats sont laids, les sons tombent à plat -dans le sens littéral du terme : façon pets foireux- et j’ai largement le temps de faire quelques allez et retours entre la salle et l’extérieur pour me rendre compte que sur scène c’est le désert le plus complet, Kouhei Matsunaga n’a pas bougé d’un poil et sa musique ressemble de plus en plus à un blob réfractaire à la cryogénisation sous azote liquide.
Je suis bien décidé à rester dehors avec mes deux meilleures amies dans chaque main lorsque un rythme plus soutenu et une voix attirent mon attention. Je redescends derechef pour voir un escogriffe tout maigre freestylant au micro tout en s’appuyant sur une canne. Merde. J’ignorais totalement que Grand Corps Malade devait également être de la partie. Le tchatcheur en question est membre de Puppetmastaz, je fuis aussitôt. Et je ne suis pas le seul. Le set n’a heureusement duré qu’une demi heure.
Hiroshi Hasegawa et Kouhei Matsunaga avaient prévu de jouer ensemble pour une troisième partie. Mais comme ils avaient oublié de prévenir l’orga, celle-ci n’a pas retenu les personnes du public quittant la salle. C’est ballot. C’est parmi un parterre de poivrot(e)s que se termine la soirée, avec en prime quelques anecdotes concernant le concert de Jello Biafra & The Guantanamo School Of Medecine de la semaine précédente -ouah au moment où ils ont joué California Über Alles et Holidays In Cambodia j’ai fait dans ma culotte, trop énorme- anecdotes qui achèvent de me ronger de regrets. Loser.