mercredi 24 juin 2009

La soirée des hommes seuls























Dernier concert avant les vacances d’été ou presque (il y a bien Secret Chiefs 3 le 3 juillet à Grrrnd Zero mais la seule raison qui me poussera à aller les voir c’est la curiosité, les branleurs de manche me fatiguent généralement beaucoup trop). En tous les cas ce soir c’est le dernier concert organisé au/par le Sonic auquel je vais assister avant longtemps. Bientôt ce sera les vacances bien méritées pour les trois personnes qui gèrent ce lieu. Dernier concert et un truc que l’on ne peut pas espérer voir tout les jours : Gate alias Michael Morley c’est à dire un bon tiers de The Dead C, groupe néo-zélandais essentiel qui depuis une vingtaine d’années maintenant donnerait presque envie de jouer de la guitare et de chanter comme une casserole aux plus complexés et introvertis d’entre nous. Tout comme The Dead C, Michael Morley/Gate traîne derrière lui cette étiquette de branleur lo-fi tout ça parce que les murs de guitares élaborés par le musicien sont d’une mollesse quasi élastique et granuleuse, remplis d’une indolence trompeuse qui ne confond pas trip lysergique avec apathie. La musique la plus confortablement bruyante du monde.























Son nom n’apparaît pas sur le flyer du concert mais la soirée commence avec Ulrike Meinhof. Derrière cette appellation se cache un garçon bien connu localement pour organiser de bons concerts (celui-ci par exemple ou celui-là) et ce soir c’est sa deuxième apparition en public en tant que musicien. Ambiance atmosphérique tirant vers ce qu’il faut de tension et d’angularité par l’intervention du bruit. Je ne comprends pas trop la façon dont il procède (comment se sert-il de ce boîtier qui ressemble à un vieux voltmètre?) mais je le vois gratouiller sur le sol un micro contact dont il modifie ensuite le son. Il se sert également de bases sonores samplées et on l’imagine très bien en train de bidouiller ses sons à la maison pour élaborer les trames dont il a besoin. On reconnaît un clapotis d’eau gargouillant au fond d’une baignoire et malheureusement ce sera la dernière intervention d’Ulrike Meinhof qui après un quart d’heure bien trop court de musique laisse tourner son sample de bruit de flotte, fait un signe en direction de la console de mixage et s’en va, ne laissant pas l’occasion au maigre public de l’applaudir.






















Le homeboy/esclave du Sonic quitte alors la console et vient s’installer devant la scène, à côté d’une table sur laquelle est déjà disposé un clavier et divers accessoires. Le concert de Blackthread est directement enchaîné après celui d’Ulrike Meinhof, un fade réunit les deux one man band et la transition passe très bien. L’unique membre de Blackthread n’est pas un inconnu non plus puisqu’il n’est jamais qu’une moitié de One Second Riot, duo lyonnais dont on est plutôt fan par ici. Ce soir c’est également le deuxième concert de Blackthread (après une toute première date parisienne avec Electric Electric et Zarboth au Glaz’art il y a une quinzaine de jour).
La musique de Blackthread n’a bien heureusement rien à voir avec celle de One Second Riot bien que l’on y retrouve quelques caractéristiques dont la principale est la voix narrative/le chant parlé -comme sur Brautigan, un des titres du premier album du duo. Disons qu’avec Blackthread on navigue entre chanson murmurée, mélancolie douce, paysages chantés, vignettes à découper soi-même avant de les coller dans son album d’images préférées et trouvailles sonores ou instruments délicats (percussions en bois, mélodica, etc). Une bonne et agréable surprise. Mention spéciale au titre pas encore tout à fait fini utilisant un sample de l’intro de Take Five de Dave Brubeck -arriver à faire une chanson qui ne soit pas putassière avec un standard du be-bop aussi célèbre n’étant à mon sens pas franchement évident.

















Suite de la soirée avec Tamagawa. Initialement programmé au Sonic avec Agathe Max et Psychic Paramount le 21 mai dernier dans le cadre des Nuits Sonores, le stéphanois avait été contraint d’annuler. Il est bien là ce soir et commence son set au synthé, mélangeant les nappes sonores avec sa nonchalance habituelle et tricotant petit à petit un background sur lequel il rajoutera de la guitare après. Et une fois passé à la six cordes, notre bonhomme va consciencieusement et ostensiblement tourner le dos au public, se balançant d’un pied sur l’autre au son de la boite à rythmes. Il n’y a rien de passionnant dans le fait de regarder un cul faire du yoyo psychédélique pendant vingt minutes mais l’accroche de ce long morceau de Tamagawa est plutôt bonne donc permet d’oublier ce jeu de scène risible. Tant qu’à faire je préfère carrément les gens qui jouent dans le noir.
Le problème (si tant est que cela soit un problème) c’est qu’on sent bien qu’un titre de Tamagawa, avec sa structure en forme de mille-feuilles et ses développements incessants, pourrait durer encore très longtemps. Lorsque la musique s’arrête soulagement et frustration font leur apparition. Soulagement que le musicien ait la présence d’esprit de ne pas abuser de ses plans labyrinthiques convoquant à la fois Spaceman 3 et The Cure. Frustration parce que Tamagawa ne jouera pas de second titre or c’est précisément ce que l’on attendait après cette première bonne partie qui finalement restera orpheline. Un deuxième titre supplémentaire, plus rentre dedans, moins opiacé et plus contrasté aurait été le bienvenu. C’était un peu court jeune homme. Dommage.






















On l’a déjà dit, Michael Morley est un vieux de la vieille. Rajoutez lui une barbe aussi grisonnante que ses cheveux et on vous obtiendrez une bonne tête de patriarche antédiluvien ou de nain de jardin acidifié. Visuellement, un concert de Gate n’a strictement aucun intérêt. Papy est assis sur une chaise avec sa guitare sur les genoux. Il jette de temps à autre un coup d’œil sur le laptop placé à sa gauche, laptop qui lui sert à envoyer un fond sonore plus ou moins bruitiste. Une évolution qui a également touché The Dead C depuis quelques années (en plus de l’adjonction de synthétiseurs).
Aucun intérêt visuel mais musicalement c’est tout autre chose. Le blues défoncé à la reverb et au delay de Gate est passionnant. Loin de l’explosion sonique, très loin des déflagrations tapageuses mais réellement impressionnant question richesse sonore, multiplicité des harmoniques et coloration mélodique. Errance lo-fi, balades accidentées, chant d’autiste en pleine crise d’hystérie, gratouillage précisément brouillon des cordes de la guitare : à sa façon Michael Morley est un poète vraiment peu soucieux du qu’en dira t-on et du code de bonne conduite de l'orthodoxie rock'n'roll. Sa musique, avec ses hauts et bas inévitables, vous transporte à mille lieux de toute trivialité. Un grand bonhomme.