dimanche 14 juin 2009

Vomir / Proanomie


On peut toujours aller plus loin et faire plus extrême qu’extrême et Vomir (aka Romain Perrot mais c’est moins rock’n’roll) met en pratique cet adage très fin de règne/civilisation en voie d’écoulement généralisé en pratiquant un harsch noise volumineux, grésillant, inécoutable et surtout intangible. Question disque inutile et insupportable Masami Akita/Merzbow, C.C.C.C., Hijokaidan ou The Haters peuvent aller se rhabiller parce Proanomie, (trop) joli CD publié par A War With False Noise, va beaucoup plus loin que tout ce que l’on a déjà pu entendre dans le genre et le pire c’est qu’il y arrive en allant strictement nulle part. Plus que la pratique du sur-place, Proanomie réussit à faire le vide autour de lui. La vacuité comme une arme et non pas comme une conséquence subie.
Avec son isolationnisme qui transforme qui le souhaite en prisonnier consentant et masochiste, je pourrais écouter ce disque monolithique et réactionnaire pendant des heures. C'est-à-dire au moins deux fois de suite. Et pas seulement lorsque j’ai envie de voir ou de parler à personne. Cet exercice de style et son nihilisme radical ont quelque chose de fascinant et d’irremplaçable. Une bonne drogue qui fait très mal mais dont on ne saurait se passer. Je crois que j’ai trouvé là la pierre philosophale qui transforme le bruit en silence retentissant. Vive la solitude de la haine en circuit fermé.




Cette chronique devrait s’arrêter ici puisque les 76 -on répète après moi : soixante seize- minutes de Proanomie ressemblent comme le nom du groupe le suggère à un long dégueulis intarissable ne montrant ni faiblesse ni inflexion et encore moins une quelconque trace d’évolution. Les mêmes sons ignobles et horripilants tout du long. Techniquement les avis diffèrent : on pourrait croire que ce que l’on écoute ressemble au bruit que fait la pointe d’une platine disque suramplifiée lorsque le bras a raté la sortie, est allé trop loin et se fracasse sur le rond central ; d’autres affirment qu’en ayant la tête dans la turbine d’un réacteur d’avion en plein décollage cela ne pourrait pas être pire (je ne suis pas d’accord : Proanomie est bien plus puissant et bien plus bruyant) ; les derniers considèrent enfin que Vomir a tout simplement inventé l’acouphène portatif et en mode self service, désormais plus besoin de mettre la tête contre les amplis pendant un concert de Motörhead pour devenir sourd, la branlette sonique de Proanomie y pallie amplement. Quelle que soit l’interprétation analytique d’un tel disque, avouons qu’il échappe à toute logique tout comme il échappe à toute notion d’utilité (et d’intérêt diront les non sourds et les clairvoyants). Un machin inutile et inintéressant, aucun doute là-dessus, Proanomie c’est de l’art, du vrai, ou je ne m’y connais pas.

[Tiens, puisque je n’ai pas parlé de l’artwork je vais parler du titre : Proanomie c’est sûrement encore une invention à la mord-moi-l’nœud mais l’anomie signifie désordre ou chaos social. Perte des repères collectifs et effacements des valeurs (religieuses, morales, civiques…). Cela fait beaucoup pour un seul disque dont l’absolutisme misanthropique ne doit pas aller beaucoup plus loin que le nombril de son auteur mais cela a le mérite de faire rire. Tout comme le no contact par mail de Vomir rigoureusement écrit à l’envers. Vous voulez envoyer un message d’insulte à ce garçon : essayez voir.]