TRAPIST est un trio réunissant Martin Siewert
(guitare/électronique), Joe Williamson (contrebasse) et Martin Brandlmayr
(batterie, percussions et électronique). Le premier joue ou a joué avec
Kammerflimmer Kollektief, Taku Sugimoto, Christian Fennesz et a définitivement
intégré les rangs de Radian ; le second a joué entre beaucoup d’autres
choses avec les superbes Kletka Red (en compagnie de Leonid Sobeylman, Andy
Moor et Tony Buck) ; le dernier est l’une des têtes pensantes de Radian
mais joue également dans Autistic Daughters (avec Dean Roberts et Werner
Dafeldecker) et au sein des géniaux Polwechsel.
Cette joyeuse séance de name dropping n’est pas là
pour faire joli mais pour donner quelques points de repères concernant une
musique qui se plait à rester inclassable. En particulier la musique de Trapist
n’est pas sans rapport avec celles de Radian et d’Autistic Daughters – appelons
cela la touche Martin Brandlmayr – mais se démarque de la première
en faisant l’éloge quasi permanent de la lenteur et de l’atmosphérique et de la
seconde en limitant son caractère pop à quelques bribes mélodiques et surtout
en restant purement instrumentale.
Les amateurs de raccourcis lapidaires vous diraient
que Trapist c’est un peu du Radian en version post rock mais les choses sont
bien plus compliquées – et belles – que cela. Chacun des musiciens joue par
petites touches, mini phrases sonores et fragments interrompus qui trouvent des
échos chez les deux autres. Cela n’empêche pas l’exposition de thèmes
mélodiques (Martin Siewert développe un son vraiment magnifique) mais Trapist
rappelle aussi parfois le travail de The Pitch – magnifique combo
norvégien/berlinois avec l’ancien batteur de MoHa! – par cette volonté de jouer
une musique de flux et de mouvements non prédéterminés par les règles
habituelles de la composition occidentale (les similitudes entres les deux
groupes sont assez flagrantes sur Walk
These Hills Lightly). L’influence de Morton Feldman se fait donc également
sentir chez Trapist mais de façon différente mais tout aussi tangible que chez
The Pitch, notamment dans l’utilisation axiomatique des silences et des
cassures. Les amateurs de raccourcis – oui, toujours les mêmes – vous diraient
alors que Trapist est le versant « rock » d’une musique dont The
Pitch représente le versant « ambient ».
Reste que Trapist peut être goûté et apprécié
juste pour ce qu’il est c'est-à-dire la réunion de trois musiciens ultra-doués
et ultra-sensibles. En particulier Joe Williamson dont la contrebasse, jouée à
l’archet comme aux doigts, prend un peu plus les devants que précédemment et
expose de belles sonorités acoustiques ; il s’agit du seul instrument au
sein de Trapist dont le son n’est pas manipulé et la contrebasse constitue en
quelque sorte le point de repère d’une musique flottante et délicatement
envoutante.
The Golden Years est le troisième album de Trapist
et il est publié en LP et CD par Staubgold. Les
deux premiers albums du trio sont tout aussi recommandables : le premier, Highway My Friend en 2002, était publié
chez hatOLOGY et est désormais difficile à se procurer en dur ; le
deuxième, Ballroom en 2004, est lui
toujours disponible – et écoutable –
auprès de Thrill Jockey.