Cela fait trop longtemps que je ne suis pas allé au
Sonic… C’est à peu près la
réflexion que je me fais (et que l’on me fait aussi) lorsque j’arrive sur la
péniche du bord des quais de Saône. Pas d’acte de contrition ou de remords,
non, juste le constat qu’on y est bien et que cela fait plaisir d’y retourner
enfin. Qu’importe ce que peuvent penser les irréductibles : même si la
programmation du lieu n’est pas toujours de mon goût, le Sonic reste l’un des
lieux incontournables de la musique sur cette bonne grosse ville de merde
Lyon.
En ce mardi soir c’est Active Disorder qui programme et en
général voilà qui est synonyme de grosse régalade. Celle du jour est autant
source de curiosité que de craintes : que peut bien donner l’association
de L’Enfance Rouge et d’Eugene Robinson ? Les quelques
titres sous forme de démos et mis en ligne ne
disent rien de particulier – un type qui fait des spoken words sur un fond
musical, non ? – et on a un peu peur que Robinson n’ait trouvé là un
énième moyen de parcourir le monde sans trop se fouler.
La grosse erreur. Dès les premières secondes du
concert il est plus qu’indiscutable que L'ENFANCE ROUGE & EUGENE ROBINSON sont un vrai groupe, qu’ils vont jouer tout le temps,
tous ensemble, et s’il s’agit uniquement d’un groupe de circonstances alors on
peut également tout de suite affirmer que ces circonstances là sont de toute
évidence les bonnes. La musique vous claque d’entrée à la gueule et vous
hérisse l’épiderme, montée en flèche du taux d’adrénaline, du vrai noise rock
barré, frontal et tendu ; Eugene S. Robinson passe immédiatement en mode
énervé et on retrouve le showman imposant et charismatique qui depuis plus de
vingt ans nous torture les nerfs et le cœur avec Oxbow.
On dira même que cela fait un bon moment que l’on
n’avait pas vu le chanteur dans cet état là, poussé par un groupe lui imposant sans
discuter l’urgence et la tension – ce que précisément Oxbow a délaissé ces
dernières années au profit de la quête, souvent réussie, d’une élégance
nerveuse et d’une classe électrique au-delà du divin. Là, c’est juste brut de
chez brut. Brutal, même. Une déflagration complètement folle que rien ne
laissait présager – le choc n’en est que plus grand.
Car il faut bien convenir que les trois musiciens
de L’Enfance Rouge ne se contentent pas d’assurer les arrières et un petit rôle
de backing band. Malgré son accident de la veille à Toulouse sur la première
date de la tournée (résultat des courses : une double entorse et on a cru
dans la journée que le groupe allait devoir annuler la suite de ses concerts),
la bassiste lance des grosses lignes avec sa Rickenbacker ; elle s’appuie
sur un tabouret parce qu’elle ne peut pas poser le pied par terre mais des
bassistes qui assurent autant qu’elle en étant eux débout sur leur deux jambes et
sans béquille, il n’y en a pas beaucoup.
Le batteur est également réellement impressionnant
par son jeu simple, sans fioriture, mais très puissant et très personnel. La
palme revient surement au guitariste qui au bout de quelques minutes décide
qu’il en a marre de rester sur la scène, descend son pédalier d’effets au sol et
terminera tout le concert devant la scène ou dans le public, à se cogner parfois
contre le mur, suant tout ce qu’il peut et déversant des tonnes de
saturation ; lui aussi il a un jeu et surtout un son bien personnels, un
son qui ne varie par beaucoup de tout le concert mais qui explose à chaque
instant, propulsant la musique de L’Enfance Rouge & Eugene Robinson vers un
ailleurs sans concession ni entraves. Il s’agissait bien, tout simplement et à
l’unanimité de tout le comité rédactionnel de 666rpm, du concert de l’année
2012. Amen.
SATHÖNAY
jouait en première partie et l’idée de le programmer était une bonne idée puisque
la musique de ce garçon pouvait parfaitement compléter celle, parfois très
métissée et orientalisante, de L’Enfance Rouge (le batteur du groupe aura
d’ailleurs assisté à tout le concert de Sathönay, visiblement intéressé). Bon,
comme on vient de le voir ce ne fut absolument pas le cas du concert donné
après par L’Enfance Rouge mais ça on ne le savait pas encore.
Cela n’a pas empêché Sathönay d'assurer également un bon
concert (même a posteriori) – cette fois-ci les vieilles boites-à-rythmes ont parfaitement
fonctionné –, un concert souvent émouvant et emprunt de ce lyrisme assez
particulier et inspiré par les musiques orientales. Le premier album de
Sathönay tarde un peu à arriver (les sempiternels problèmes avec les presseurs
de disques) mais on en reparle dès que possible, promis.
[quelques photos de cette folle soirée et une nouvelle fois un très grand merci à Active Disorder]