La rumeur (le lieu commun) veut qu’il est toujours très
difficile pour un groupe de sortir un deuxième bon album lorsque son petit
premier a déjà fait naitre enthousiasme et fanatisme de la part de fans
aveuglés par autant de réussite. Les exemples ne manqueraient pas et certains seraient
même devenus des cas d’école*… Mais tout ça ce ne sont que des billevesées, de
viles préoccupations d’obscurs gribouilleurs de chroniques de disques qui
s’emmerdent (et pas que le dimanche) et de la branlette de critiques d’art à la
con ; je peux vous trouver au moins autant d’exemples de groupes dont le
deuxième album est le meilleur qu’ils aient jamais enregistré que d’exemples de
groupes qui se sont royalement plantés à leur deuxième essai – allez, tiens,
parfaitement au hasard : Fun House
est le chef-d’œuvre monumental et insurpassable des Stooges (sans compter qu’il
s’agit également du plus grand disque de tous les temps).
Aujourd’hui, sur la table d’auscultation/équarrissage
de 666rpm : le post punk noisy de TALK NORMAL. C’est peu dire que
le premier véritable album** du duo new-yorkais aura marqué les esprits :
deux ans après, Sugarland reste toujours l’un des
disques importants de la musique actuelle. Rien que ça. Et il y a des choses
qui ne changent pas avec son successeur : sur Sunshine Talk Normal utilise toujours un minimum d’instrumentation
mais va au fond des choses, en fait ressortir des compositions originales qui
derrière l’aridité apparente se révèlent être des petits joyaux. Souvent cela
tient à vraiment pas grand-chose – un rythme répétitif et tribal, une ligne de
guitare dissonante, un ajout de saxophone…– mais Talk Normal a conservé cet art
équilibriste qui touche au plus juste.
Mais il y a également des choses qui changent avec
Sunshine. La teneur générale de
l’album est moins sombre que précédemment ou, plus exactement, Sunshine porte très bien son nom :
bien que tout aussi tendu et sec, ce deuxième album est avant toute chose
éclairé, lumineux et presque chaud. Et la raison en est très simple ; déjà
importantes sur Sugarland, les voix
de Andrya Ambro et Sarah Register dominent largement sur Sunshine, lui servent de fil rouge et, finalement, de clef de voute
céleste. Beaucoup plus de voix, donc, et surtout des voix davantage en avant,
des voix presque systématiquement omniprésentes autour desquelles tout le reste
a été construit. En particulier Andrya Ambro prend de plus en plus d’importance
et chante de plus en plus sur un pied d’égalité avec Sarah Register ;
l’effet de complémentarité des voix que l’on avait déjà remarqué auparavant
gagne ainsi encore plus en signification et en pertinence. Et Sugarland en profite pour gagner ses
galons de (très) beau disque.
[Sunshine est
publié en CD digipak et en vinyle – bicolore, moitié rose et moitié rouge –
numéroté et limité à 500 exemplaires par Joyful Noise recordings ;
Lone General et Hurricane précédemment publiés en single ont été réenregistrés pour l’occasion]
* le premier exemple de grosse plantade MK II qui
me vient à l’esprit concerne le deuxième album sans titre de Van Halen mais je
ne sais absolument pas pourquoi
** on ne compte pas le déjà très bon Secret Cog (2009) qui en fait est un
mini album de cinq titres