Difficile, quand on habite du côté de Lyon, de
résister à la tentation en ce vendredi soir : pour les nostalgiques et les
éternels adolescents toujours amoureux de Mona Soyoc 25 ou 30 ans après, Kas
Product joue au Transbordeur ; le Sonic accueille lui Led Er Est et
202project ; la deuxième soirée du festival Playbox se déroule au
Kraspek ; et enfin… Enfin il y a 2kilos & More qui joue au Périscope.
On admettra que pour les amateurs de (vraies*)
guitares le vendredi 30 novembre n’était pas vraiment le jour mais plutôt celui
des amateurs de musiques électroniques voire de vieille new-wave et des années
80. Un vrai retour en arrière dont pourtant 2kilos &More ne saurait être le
complice ; on ne répétera jamais assez que kurz vor5, déjà le troisième album
du trio, est l’un des disques de l’année tout simplement parce qu’il (re)donne
des envies de musique(s), quelles qu’elles soient, renvoyant dos à dos les
ayatollahs nostalgiques tout comme les hipsters postmodernes. On remerciera donc très fort 2kilos &More d’exister, tout simplement.
Mais commençons par le début. Et le début c’est la
scénographie du duo : on avait bien remarqué cette structure placée sur le
devant de la scène et on a tôt fait de comprendre qu’il s’agissait d’un support
pour un écran semi-transparent. Les deux 2kilos &More jouent dans le
noir, avec des projections d'images et de films sur un écran placé au fond de la scène
derrière le duo mais (donc) avec également des projections sur un second écran
placé en première ligne et derrière lequel les musiciens se sont comme réfugiés. Il est vrai qu’assister à
des concerts de pousse-boutons n’est pas l’activité la plus passionnante qui
soit et – même s’il y a un petit peu de guitare dans 2kilos &More – voilà un bon
moyen d’assurer le spectacle, ça le groupe semble l’avoir bien compris.
Il serait néanmoins faux de croire qu’un tel
dispositif entraine forcément un sentiment de froideur et de recul/distenciation : on
est plutôt comme enveloppés par l’action visuelle du concert, littéralement
hypnotisés par ces mises en relief éphémères et la musique de jaillir
par-dessus, profitant pour ainsi dire des brèches sensorielles ouvertes par les
projections – celles-ci, assez étranges, sont vraiment d’une beauté froide à
couper le souffle, n’utilisant ni les artifices de la saturation ultra colorée
ni ceux de l’envahissement frénétique et encore moins les gimmicks techno
vintage façon Pac-Man versus les Space Invaders. Absolument rien de ludique ou
de léger mais une volonté certaine d’ébahir et de remuer.
Mais, répétons-le, le plus important reste la
musique de 2kilos &More ; une musique sombrement électronique qui se
paye le luxe d’être terriblement vivante et émouvante. La guitare apporte une
touche noisy fort appréciable mais ce qui domine ce sont ces poly-textures
synthétiques et tranchantes générées par le duo, des textures arides et
cristallisées produisant un fort effet de glaciation épidermique et
émotionnelle et qui vous ouvrent le cœur en deux pour y déverser un flot incessant
d’azote liquide. Ça brûle, ça pique mais c’est vraiment beau.
Puissante et ensorcelante la musique de 2kilos
&More est ainsi une compagne redoutablement et merveilleusement maléfique
(on regrettera seulement qu’il n’y ait pas eu plus de basses, notamment sur On The Juiciest Walk) mais ce soir au
Périscope, tout comme sur toutes les
autres dates de leur tournée, les 2kilos &More n’étaient cependant
pas tout seuls sur scène : Black Sifichi les accompagnait sur certains titres et c’est peu dire que la voix
chaude, grave et parfois rauque du bonhomme, sa poésie et ses mots convenaient
parfaitement aux ambiances et aux architectures patiemment construites par le
groupe avec une conviction que l’on ressentait inébranlable. Une belle association
là aussi, et un concert qui restera dans les mémoires.
bongo808 avait la
lourde tâche d’assurer le première partie du concert. Un garçon solitaire qui
mélange vraies percussions et bidouilles synthétiques pour un résultat qui pourrait
ressembler à du breakcore tendance arty, caoutchouteux et pointilliste ;
une musique vraiment ambitieuse – et qui demande beaucoup de concentration au
musicien – mais qui passe difficilement la rampe du simple intérêt ludique.
Car derrière l’amusement provoqué par les
galipettes percussives de bongo808 on a un peu de mal à retrouver cette chair
et ce sang qui pourtant restent nécessaires à la plupart des musiques. Bien
trop cérébral et trop mécanisé pour moi, finalement.
[quelques photos ne rendant absolument pas justice
à la beauté des visuels de 2kilo &More]
* donc on ne parle absolument pas de ce concert
des Black Keys le même soir dans un ancien marché couvert à bestiaux,
reconverti en abattoirs salle de spectacles et pouvant accueillir
jusqu’à 17000 personnes : tout le contraire de l’idée que je me fais d’un
vrai concert