jeudi 20 décembre 2012

Nadja / Dagdrøm




Il y a bien longtemps que le nom de NADJA a été évoqué ici… Dagdrøm est le premier album du duo depuis plus de deux ans – son prédécesseur, le longuet Autopergamene paru en 2010 chez Essence Music, n’a même pas eu l’honneur d’une chronique – mais cela ne signifie pas pour autant que Nadja n’a rien fait pendant tout ce temps : au contraire le groupe a intensifié son activité favorite, débutée aux alentours de 2006 en compagnie de Fear Falls Burning, c'est-à-dire que Aidan Baker et Leah Buckareff ont multiplié les collaborations, tentant de trouver un second souffle auprès d’autres groupes et musiciens pourtant bien en peine de leur venir en aide. Ainsi Troum, Picastro, OvO, Year Of No Light, Black Boned Angel, A Storm Of Light, etc. ce sont succédés au chevet de Nadja depuis les années 2008/2009, mais en vain.
Il est indiscutable que Nadja, le groupe qui a sorti tant de bons disques entre 2003 et 2007, n’existe plus vraiment. Après l’explosion, la profusion et un aboutissement certain de sa musique, le duo s’est fait un devoir de se réinventer. D’où ces collaborations, d’où ces enregistrements avec des musiciens invités et d’où également certaines expériences (Under The Jaguar Sun, un double CD publié en 2009 et dont les deux disques doivent être écoutés en même temps ; un album complet de reprises, When I See The Sun Always Shine On TV, toujours en 2009 ; ou le caractère plus acoustique du EP Clinging To The Edge Of The Sky, encore la même année).
Ironiquement le groupe qui arrivait mieux que quiconque a alourdir ses guitares gazeuses au possible (autre version : le groupe qui arrivait mieux que quiconque à noyer dans l’éther son metal caverneux) a ainsi connu une très longue période de flou artistique. Les disques de Nadja sont devenus inégaux, certains étant même définitivement dispensables.
Dagdrøm est loin d’être un mauvais disque ; il s’agit même du disque de Nadja le plus intéressant et surtout le plus écoutable depuis de trop nombreuses années. On y retrouve le côté lourd et massif des débuts du groupe ; on retrouve également l’éternel côté shoegaze ; enfin la simplicité plus acoustique que le groupe a développée ces dernières années (et dont Aidan Baker use beaucoup sur ses enregistrements en solo) a également cours. Alors qu’est ce qui fait que l’alchimie fonctionne à nouveau sur Dagdrøm ? D’abord ce disque a un son incroyable, bien plus chaud que d’habitude. Ensuite il renoue avec une certaine véhémence et on surprend même le groupe à élever le rythme sur un Falling Out Of Your Head qui au bout de quelques minutes enquille sur un groove inattendu et sonne bien plus rock que tout ce à quoi Nadja nous avait jusqu’ici habitués.
Pour enregistrer Dagdrøm le duo s’est fait aider d’un batteur et celui-ci n’est autre que Mac McNeilly, l’ex cogneur psycho-thermique de feu Jesus Lizard. Certains vous diraient que McNeilly cachetonnant pour Nadja c’est comme de donner de la confiture aux cochons – par exemple le début très pop psychédélique de Space Time And Absence cède malheureusement la place à un final qui traine en longueur et qui donc laisse le temps à monsieur McNeilly de placer quelques roulements paresseux – mais le fait est là, évident et incontournable : le duo n’avait encore jamais sonné aussi franc du collier.
Les gimmicks de la musique de Nadja sont pourtant toujours bien présents – à commencer par le chant sous assistance respiratoire d’Aidan Baker et de Leah Buckareff, semblables à deux gastéropodes en pleine séance de lévitation participative – mais ces gimmicks n’agacent pas plus… disons qu’ils prennent d’autres couleurs, sous l’effet une nouvelle impulsion. Si on est loin de retrouver l’épilepsie névrosée du jeu de batterie de McNeilly (Nadja et Jesus Lizard sont deux groupes réellement antinomiques) on admettra qu’un bon batteur, ça change tout ; ça permet surtout de caler des breaks efficaces. Nadja ne s’en prive donc pas, éliminant – provisoirement ? – toutes traces de drone-doom de sa musique et se concentrant sur la tenue de route de ses compositions, des compositions toujours aussi longues mais résolument plus concrètes, voire terre à terre. En résumé : retour (presque) gagnant.

Les collectionneurs seront en outre ravis d’apprendre que Dagdrøm existe en vinyle avec une pochette en pvc et sérigraphiée (100 copies en vert et numérotées et 350 copies en noir) mais aussi en version double CD (chez les japonais de Daymare et sûrement hors de prix pour un petit européen, le deuxième disque comporte onze titres inédits et exclusifs que l’on peut tout aussi bien aller voler sur internet) et en version CD simple, dans un tout petit emballage cartonné écolo-résistant chez Broken Spine, le propre label d’Aidan Baker et de Leah Buckareff.