Touche Pas
L’Enfant fait suite à Hopital Torture Punition IV et à la
compilation de démos Son Louche, pour ne parler que des
enregistrements « studio » du groupe, et c’est l’un des deux disques
qu’HEADWAR a publié en 2012 (l’autre
étant un album live – hum). Ce disque je l’ai regardé de très loin pendant des
semaines, je l’ai pris dans mes petites mains puis je l’ai reposé maintes fois avant
de l’écouter enfin ; d’abord des photos comme celle qui orne la pochette
de Touche Pas L’Enfant, j’en ai des
pleins cartons et j’en ai également des pleins souvenirs, pas toujours les
meilleurs ; ensuite il y a toujours ce pas à franchir concernant la
musique d’Headwar : faut-il ou non faire la distinction entre les concerts
malades et démentiels (au sens propre) du groupe et ses enregistrements forcément
plus neutres ?
Hopital
Torture Punition IV avait pourtant déjà montré qu’Headwar savait et pouvait
très bien se dépatouiller avec la mise en boite de sa musique, même dans la
douleur. Mais Touche Pas L’Enfant est
le disque d’Headwar qui ne laisse plus aucun doute ; je suis toujours d’accord
pour dire que le groupe est d’abord et définitivement à voir en concert mais
avec Touche Pas L’Enfant Headwar
accouche vraiment (enfin ?) d’un disque aussi excellent (essentiel ?)
que terrifiant.
Touche Pas
L’Enfant ne dure qu’une petite demi-heure mais échappe à ce genre de
divisions physiques et temporelles que l’on applique d’ordinaire à la
musique et aux disques : il n’y a pas de titres de compositions et on ne
trouve que la mention des faces A et B sur les ronds centraux du vinyle pour
nous indiquer dans quel ordre les écouter ; Touche Pas L’Enfant peut donc être appréhendé comme un long titre en plusieurs parties, une sorte de jaillissement organique, une bonne grosse gerbe avec des bouts dedans.
Directement dans la gueule. Rien de sympathique, rien de confortable et
absolument rien de rassurant. Tout comme les Suce Pendus encore tout récemment évoqués
ou les défunts et regrettés A.H. Kraken, Headwar fait mal mais s’épargne et nous
épargne surtout toute forme de complaisance.
Les trépidations no-wave et tribales de Touche Pas L’Enfant nous évitent également
tout sentiment de confusion : avec Headwar les intentions sont on ne peut plus
claires, la folie est générale mais elle est présentée comme telle, là aussi
c’est à prendre et à laisser. Entre deux séances de hurlements plus ou moins
simiesques accompagnés de déflagrations noise le groupe nous surprend
cependant ; d’abord avec ces guitares aux allures très post punk,
clairement incisives et parfois même presque mélodiques qui éclairent la face A,
la plus évidente et directe des deux ; ensuite avec ce passage au milieu
de la face B et sur lequel un sample genre vie de merde en famille avec maman dans
le rôle de l’ogresse immonde sur fond de piano lointain et de gazouillis
d’oiseaux se retrouve mis en boucle puis caviardé par un cor de chasse (un
trombone ?) : c’est finalement le moment le plus bizarre de Touche Pas L’Enfant. Et même si on ne
comprend pas tout ce qu’Headwar tente de nous dire alors on peut toujours le
deviner, tout comme l’ironie de ces bisouillages appuyés lâchés dans le micro. Pas
question d’éviter ou de refouler et on l’a déjà dit : tout doit sortir –
Headwar nous offre avec Touche Pas
L’Enfant sans doute le plus formidable des exutoires.
[Touche Pas
L’Enfant est publié en vinyle uniquement par Aredje, Attila Tralala, Et Mon Cul C’est Du Tofu ?, Label Brique et Tanzprocesz]