lundi 29 avril 2013

STNNNG / Empire Inward




Il y a des disques que l’on attend beaucoup plus que les autres et le quatrième album de STNNNG est de ceux-là. Oui : Empire Inward est effectivement le quatrième album des héros de Minneapolis mais, à la différence de leurs petits camarades de Pissed Jeans qui eux s’y sont relativement cassé les dents avec leur récent Honeys, les STNNNG ne font preuve d’aucune faiblesse, ne tombent pas dans la routine et demeurent un groupe plus merveilleux que jamais. L’âge et la bouteille vont bien à ces gars là qui, une fois de plus, nous délivrent avec Empire Inward leur meilleur album à ce jour. La même chose avait déjà été affirmée à propos du précédent Smoke Of My Will aussi on voit tout simplement dans ce résultat la marque d’un très grand groupe : un groupe capable à chaque fois d’en remettre une couche et de se dépasser tout en évoluant. De la grande classe comme de la clairvoyance.
Empire Inward démarre on ne peut mieux avec Ring And Roar, un véritable brûlot annoncé par un riff complètement inspiré par les guitares des frères Young lorsque AC/DC était encore un jeune groupe sale et méchant. STNNNG s’y connait aussi en sueur, la preuve, mais c’est le chant possédé de Chris Besinger* qui vous saute ensuite à la gueule – princier, époustouflant, hargneux et, plus que tout, classieux. Ce type va faire des miracles tout au long de Empire Inward, complètement à l’aise dans une gamme de registres que l’on ne rencontre que rarement chez un chanteur officiant dans un groupe de noise rock : écoutez-le sur le début de Old Fool And Crow se rouler lentement dans la boue avec, on croit le deviner, une certaine ironie, puis, sur la fin, remettre Pete Simonelli d’Enablers à sa juste place. En début de Face B, le morceau titre prend exactement le chemin inverse : Chris Besinger fait lentement mais sûrement monter la pression, passant du mode narratif à celui de la possession pure et simple. Mais c’est sur Adam Justified qu’il opère de véritables miracles, voilà un titre en forme de balade sombrement bluesy et traversé en son milieu d’une série d’explosions noise et de hurlements de démence qui vous électrisent pour de bon – Adam Justified est assurément l’un des meilleurs titres de Empire Inward.
A y regarder de plus près on pourrait sans doute citer et décrypter chacun des huit titres de cet album tant chaque nouvelle écoute révèle de nouvelles pépites. Mais le chant n’est pas le seul responsable** de la qualité hautement supérieure de Empire Inward. Une autre particularité de STNNNG est d’avoir deux guitaristes dans ses rangs, un line-up là encore inhabituel chez un groupe de noise-rock. Et elles sont vraiment belles ces guitares, elles sonnent à merveille***, sèchement généreuses et surtout elles communiquent, permettant également à STNNNG des fausses coquetteries des plus réjouissantes comme des solos de guitare – mais oui – aussi approximatifs que jubilatoires (et qui ne seraient sans doute pas aussi jubilatoires s’ils n’étaient pas d’abord aussi approximatifs).
Il n’y a donc rien à redire d’un disque qui vous prend constamment par surprise : par exemple Ballad Of The Drunken World démarre effectivement comme une chanson d’ivrogne avec le seul Besinger qui s’égosille dans le caniveau or Ballad Of The Drunken World se révèle être le titre le plus virulent de Empire Inward, fracassé jusqu’à la déraison. Et quand on vous affirme qu’il n’y a rien à redire et à jeter de ce disque****, il s’agit tout simplement d’une vérité indiscutable : Empire Inward ne devrait pas seulement séduire et combler les fanatiques de noise-rock mais devrait également ravir et emporter avec lui toutes celles et tous ceux pour qui, en matière de musique, les mots sauvage, généreux, déglingué et impérial (sic) ont encore un sens.

Empire Inward est publié aux Etats Unis par Modern Radio records (qui jusqu’ici a publié tous les disques de STNNNG) et en Europe par Rejuvenation records*****. Il existe quelques différences notoires entre ces deux éditions :

- la plus importante est que si vous êtes un petit européen et que vous achetez ce disque aux U.S. il vous en coutera pas moins de 27 $ de frais de port contre environ 5 € pour la version européenne – et inversement pour les petits américains, le choix est donc vite fait…
- bien évidemment le logo du label figurant en haut et à droite du recto de la pochette n’est pas le même
- Modern Radio a opté pour un vinyle noir, Rejuvenation pour un vinyle marbré avec des traces de doigts sales pleins de gras et de cambouis dedans mais les deux versions portent la même inscription en fin de face A : « The ocean must be fed »
- il y a un insert indépendant dans l’édition américaine alors que pour l’édition européenne c’est la pochette intérieure qui est imprimée
- Rejuvenation a en plus procédé à une version CD pour satisfaire les marchés émergeants de l’Europe de l’est et du sud

* je me le demande toujours : Besinger, c’est un pseudo en forme de jeu de mots, ou bien ?
** les autres membres de STNNNG sont Adam Burt (guitare), Ben Ivascu (batterie), Jesse Kwakenat (basse) et Nathan Nelson (guitare)
*** Empire Inward a été enregistré par qui-vous-savez aux studios Electric Audio de Chicago
**** un disque un peu court vous diraient certains avec sa petite demi-heure mais  ici c’est vraiment la durée idéale
***** après avoir publié Push Over, le troisième album de Hawks, les gens de Rejuvenation font donc à nouveau très très fort ; ici on espère simplement que, comme avec les Hawks, la Réju Team arrivera à monter une tournée française/européenne pour STNNNG – il est de plus en plus inconcevable de ne pas avoir un jour le bonheur intense de voir ces mecs en concert, pour de vrai