mercredi 10 avril 2013

Child Bite / Vision Crimes et Monomania


CHILD BITE est un groupe plein de bizarreries comme on les aime. Après une poignée de singles et de splits – dont un en compagnie de Dope Body et un autre de DD/MM/YYYY – ce groupe originaire de Detroit a publié en 2010 The Living Breathing Organ Summer, un premier album en forme de subtil mélange entre aspirations mélodiques (et parfois presque pop) et les quelques tendances de Child Bite à  faire éventuellement du rentre-dedans voire du bourre-pif. Dans le genre rock noisy, catchy, barré, intrigant et très imaginatif, The Living Breathing Organ Summer est presque un modèle du genre et revenir aujourd’hui un peu en arrière pour réécouter ou plus simplement découvrir cet album s’impose plus que jamais.
Puis le monde moderne a connu quelques fins du monde supplémentaires, des tremblements de terre à répétition, des crises économiques à effets volontairement durables, des ouragans, des suicides collectifs, des tueries d’enfants innocents et Child Bite s’est peu à peu métamorphosé. Le groupe a durci le ton, a limité l’utilisation de ce bon vieux synthé qui donnait à la musique du groupe son côté psyché pas dégueu, a à la fois alourdi et aiguisé ses guitares, a bandé ses rythmiques et le chanteur/guitariste barbu Shawn Knight, désormais convaincu qu’il ne serait jamais un crooner, même destroy, a endossé un chouette costume du braillard un peu psycho et s’est mis plus que jamais à ânonner comme un Jello Biafra sous amphétamines (et sans plumes dans le cul).



Le premier résultat tangible de cette métamorphose s’appelle Monomania, un 10’ publié en 2012 chez Joyful Noise recordings et doté d’un son généreusement volumineux (Weasel Walter ne s’y est pas trompé puisqu’il a masterisé ce disque). Six titres de punk noise méchamment outré et barré, expérimental et arty diraient les ayatollahs du hardcore, truffé de plans progressifs qui ne donnent même pas envie de vomir – bien que le dernier titre Scum Gene (Trash Vibrato) soit vraiment un peu limite – mais qui font vraiment beaucoup rire (comme n’importe quelle bonne drogue digne de ce nom).
Child Bite s’est donc transformé avec succès en un monstre hybride et chaotique, ne délaissant pas pour autant les petites mélodies qui font mouche ni les embellissements qui scintillent mais c’est un fait que Monomania est un disque autrement plus méchant, vicieux et déviant (au milieu du lot le génial Smear Were The Face témoigne à la fois du Child Bite nouveau et de l’ancien).
Début janvier 2013 Child Bite en a remis une couche avec un deuxième 10’, cette fois-ci intitulé Vision Crimes et dans la droite lignée de Monomania si ce n’est qu’il s’agit d’un disque encore plus direct, plus noise-rock, plus punk aussi mais toujours aussi génialement foutraque, dont la fantaisie composite ressemble de moins en moins à une blague de potaches boutonneux mais déverse des torrents de hargne qui font du bien – non, je n’ai pas écrit les mots de « happy noise », cette invention pour hipsters, et je ne le ferai sûrement pas. Mieux, Vision Crimes a presque un côté inquiétant, sombre et salement vindicatif et Child Bite a mué en clown sanguinolent, monstrueux et affamé. Planquez vos enfants.




Détail qui ne gâche rien, Vision Crimes et Monomania sont deux très beaux objets et à la présentation similaire : vinyles de couleurs, pochettes doubles de couleurs différentes et s’imbriquant l’une dans l’autre et copies numérotées à la main. Ces deux disques sont toujours disponibles et trouvables mais le label Joyful Noise recordings a décidé de procéder à une édition combinées de Vision Crimes et Monomania sous la forme d’un LP bicolore pour les esthètes (ou d’un CD pour les autres), ce qui en soi est une très bonne idée et devrait permettre à un plus grand nombre de découvrir enfin ces américains… En attendant signalons que la page bandcamp de Child Bite est bien fournie, elle propose divers singles, le premier album The Living Breathing Organ Summer ou le 10’ Monomania (mais, au moment où vous lirez cette pauvre chronique, toujours pas de Vision Crimes en ligne).