jeudi 11 avril 2013

Report : Tucano, The Dreams, Bonne Humeur Provisoire et Karcavul à Grrrnd Zero - 04/04/2013




En guise d’introduction, reprenons paresseusement et lâchement le laïus explicatif concocté par Pain Frites records, groupuscule organisateur de ce concert : 
 
« On a commencé cette histoire de « label » y a un peu plus d’un an, juste après la parution de notre fanzine Le Futur #1. On s’est mis à jouer plus sérieusement dans des groupes, comme pas mal de nos potes à la même période, et à enregistrer ce qu’on pouvait comme on pouvait.

Alors, on a décidé de sortir des cassettes, d’abord de nos propres groupes, pour éventuellement élargir ça aux groupes qu’on aime bien.Le but n’étant pas évidemment d’aller à la pêche au super-potentiel-musical mais plutôt de diffuser ce qu’on fait en dehors du territoire lyonnais, et de soutenir les copains, le tout labellisé sous le nom de PAIN FRITES RECORDZ (parce qu’on aime les frites, et le pain).

Quatre cassettes et un deuxième fanzine plus tard, on se dit qu’il est temps pour nous de demander un peu de soutien. 

D’abord, parce qu’on a plus de sous. Ensuite, parce que c’est une bonne excuse pour sortir une compil’ avec des groupes de copains, des groupes qu’on a fait jouer, ou juste des groupes qu’on aime bien. Puis c’est aussi une bonne excuse aussi pour organiser un concert hyper bien à Grrrnd Zero et boire des litres de bières. 

Les éventuels bénéfices de cette compil bien nommée TU VEUX MON KEBAB ? et de cette soirée serviront donc, après avoir défrayé, nourri et logé les groupes, à nous permettre de continuer à sortir des cassettes, d’aider d’autres groupes à sortir les leurs, tout en ayant la possibilité de les vendre à des prix corrects.

Et, si tu t’en a rien à foutre des cassettes, des fanzines et de toutes ces conneries, vient au moins te saouler à Grrrnd Zero le 4 avril, parce que ça va être bien. »




Voilà, tout est dit ou presque, sauf le détail de la programmation délicieusement bigarrée de la soirée avec, par ordre d’apparition, Tucano, The Dreams, Bonne Humeur Provisoire, Karcavul et Noir Boy Georges – que des groupes que je ne connais pas très bien ou des groupes que j’avais depuis longtemps envie de voir enfin en concert. 
Il y a donc du monde sur l’affiche, le timing est logiquement très serré et le son est prévu pour démarrer vers 20h30. Le privilège de l’âge – je rappelle que je suis l’heureux détenteur d’une carte vermeil – c’est de respecter les horaires et à l’heure dite je suis bien l’un des rares à me présenter au Grrrnd Zero : il va donc falloir attendre qu’il y ait un peu plus de monde dans la salle pour que les concerts commencent dans de bonnes conditions, c'est-à-dire avec plus de dix personnes pour y assister. 
Malheureusement le premier groupe de la soirée, Tucano, ne monte sur la scène de Grrrnd Zero qu’aux alentours de 22 heures. TUCANO c’est un duo italien (une fille et un garçon) dont je n’avais jamais entendu parler jusqu’à maintenant. Le son mis en ligne par le groupe (un album semble-t-il enregistré par le seul David Starr et un EP enregistré à deux) est plutôt intriguant mais le concert m’a semblé un peu trop flou, les intentions du groupe n’étant pas très claires ou, plutôt, ses idées ayant semble-t-il du mal à être concrétisées en live. Néanmoins, même si on pouvait légitimement rester sur sa faim, Tucano récolte un accueil poli de la part du public qui a enfin commencé à grossir.




Lorsque THE DREAMS s’apprête à son tour à jouer il y a largement plus de monde qui se presse devant la scène de Grrrnd Zero, le groupe est visiblement très attendu et très apprécié et c’est un peu normal : dans The Dreams, un autre duo fille/garçon, on trouve Nafi et Armelle et ces deux là ont joué ou jouent encore dans autant de groupes qu’il me reste de doigts (pour Armelle : Mil Mascaras, Crack Und Ultra Eczema et Vox Clamans in Deserto ; pour Nafi : Plastobeton, AH Kraken, The Anals, Funk Police, Scorpion Violente, Noir Boy George et Le Chomage), ça fait un sacré pedigree estampillé Grande Triple Alliance Internationale de l’Est et consorts (et, si tu comptes bien, à eux deux ça fait effectivement dix groupes). 
La dernière fois que j’ai vu Nafi jouer, c’était pour un concert d’AH Kraken organisé dans le cadre du tout premier Gaffer Fest, il y a une petite éternité – carte vermeil je te dis. Mais parce que je suis un vrai loser j’ai depuis toujours trouvé le moyen de rater chacune de ses nouvelles venues avec ses autres projets, y compris à l’occasion d’un récent concert du Chomage, déjà à Grrrnd Zero et déjà organisé par les gens de Pain Frites – alors que Le Chômage est vraiment un groupe que j’aurais adoré voir en concert. 
Mais on est là pour parler de THE DREAMS dont la musique est tout aussi décalée, avec un faux côté festif qui donne un arrière-goût d’acidité piquante dans la bouche. Un (très) gros côté 80’s également, ce qui est très loin de me gêner, mais, comme toujours avec les groupes issus de cette étrange tribu de l’Est, un côté 80’s dévié voire déviant, avec de la tropicalité à l’intérieur, la mécanisation entrant en collision avec le chaloupement, genre les hanches artificielles et autres prothèses attaquées à l’acide nitrique ou pétrifiées par de l’azote liquide. Les titres que je préfère sont finalement ceux où il n’y a que du synthé, de la boite-à-rythmes et du chant (en yaourt angliche, non ?) et pas du tout de guitare mais, malheureusement, ce concert s’arrêtera bien trop tôt, les deux The Dreams expliquant à raison qu’il y a encore trois groupes à venir. Une petite déception pour la cohorte de fans venus soutenir le groupe. Moi je suis content de les avoir vus. 




La suite c’est donc BONNE HUMEUR PROVISOIRE, duo dont j’attendais beaucoup mais qui m’a un peu désappointé. Dans le principe le groupe a tout pour me plaire : deux types déguisés, en peignoir de bains ou en robe de chambre molletonnée façon mère-grand, portant des masques, éructant des trucs débiles, jouant de la guitare sommaire et bruitiste, tapant sur des machines bizarres et pliés en deux devant une table d’operation/déchetterie à bidouilles. 
Un vrai bordel d’indus pataphysique et de psychotisme rigolo or c’est peut-être là que ça ne va plus : Bonne Humeur Provisoire joue sur beaucoup de tableaux à la fois et les gens un peu trop monophasés et/ou psychorigides comme moi risquent de s’y perdre trop facilement. Se perdre dans de la musique, être pris par surprise par elle et, finalement, s’en prendre plein la tête est l’une des meilleures choses qui soit mais, en même temps, la loufoquerie tout azimuts de Bonne Humeur Provisoire mettait trop de barrière entre le duo et le public – ou alors c’est encore moi qui ai toujours rien compris à l’histoire à cause de mon sens de l’humour déficient ? Va savoir. 
Quoi qu’il en soit le hangar de Grrrnd Zero a commencé à se vider pendant le concert de Bonne Humeur Provisoire, non pas parce que le groupe faisait fuir les gens mais parce que l’obligation de choper le dernier métro pour ne pas avoir à rentrer à pieds commençait à se faire sentir. C’est ce qui arrive lorsque le public se pointe à point d’heure et que les concerts démarrent donc en retard : je n’ose même pas imaginer le genre de catastrophe humaine que cela engendrerait si Grrrnd Zero était malheureusement délocalisé au fin fond de Vaulx-en-Velin ou de Saint-Priest (ces exemples ne sont pas donnés au hasard car c’est ce que propose depuis des mois la mairie de Lyon à Grrrnd Zero comme seules solutions de relogement après le 30 avril 2013 : une façon comme une autre de dire « cassez-vous de notre jolie ville » et « on s’en tape complètement si l’exil périurbain condamne votre petite activité dont on a rien à foutre »). 




Le groupe que je voulais absolument voir ce soir joue ensuite. Maintes occasions de ratées, notamment lors d’un concert avorté avec également les Cult Of Occult qui avaient déclenché les foudres du voisinage. Mais, voilà, maintenant la malédiction de KARCAVUL va enfin être conjurée. Ils sont trois dans le groupe, le batteur s’est installé presque tout au bord de la scène alors que le chanteur et le guitariste jouent par terre, éclairés par un spot diffusant une lumière rouge et glauque au ras du sol. Ambiance. Le batteur reste dans l’ombre et en plus il porte un masque, ce qui lui évitera d’être pris en photo et d’être désormais reconnu dans la rue – alors tans pis pour lui. 
Avec Karcavul je m’attendais à un groupe de pur doom caverneux façon je t’écrase lentement et en fait ces petits gars sont bien plus que ça, jouant certes très épais voire sludge et sombre à souhait mais également adeptes d’accélérations et de passages teintés de vieux death qui dégouline (et des greffes sauvages mais bien placées de double pédale). Un déchainement de violence pachydermique et une spirale infernale de mauvaises sensations qui vous prennent d’assaut, vous serrent à la gorge, du noir suintant de chez noir, Karcavul est un sacré groupe de metal extrême (dirions-nous) qui enfonce pas mal d’autres groupes pourtant reconnus voire adulés – l’obscurantisme ça a aussi du bon. Les quelques survivants de la soirée – y compris les non-métallurgistes et en fait ils sont alors largement majoritaires – sont littéralement scotchés par le souffle de l’explosion Karcavul. Ça y est, je crois que je suis tombé amoureux.

Il est près d’une heure et demi du matin, la distribution de bourre-pifs est terminée mais il reste encore un groupe au programme : tant pis pour Noir Boy Georges (projet solo de Nafi) mais je me fais décidément vieux, il est vraiment trop tard, je suis crevé et je préfère rester sur cette impression de démence chronique laissée par Karcavul, alors je m'en vais. Une autre fois peut-être.