mardi 2 avril 2013

Report : Morse et Divorce au Sonic - 28/03/2013




Il pleut et il fait froid, ça caille même vraiment, c’est encore l’hiver et j’ai des rhumatismes : ce live report directement placé sous le signe de la complainte gériatrique commence très mal, non ? Pourtant voilà le genre de considérations météorologiques et autres que j’échange paisiblement sur le pont du Sonic avec l’homme de S’Etant Chaussée, organisateur du concert du jour, tout en guettant dans le ciel les signes avant-coureurs d’une éventuelle éclaircie et de la fin d’une pluie aussi serrée que merdique. Un temps dégueulasse qui incite les plus frileux et les plus feignants à rester bien au chaud à la maison au lieu de sortir pour voir des groupes et écouter de la musique et donc un temps à vous plomber un concert…
… Mais les absents ont toujours tort : même si cette expression horriblement sentencieuse et (à moins de savoir manier le second degré) digne d’un imprécateur expert en ostracisme me défrise toujours autant – parce qu’après tout les gens font bien ce qu’ils veulent de leur vie –, il faut tout de même avouer qu’il ne fallait pas rater ce concert réunissant MORSE et DIVORCE. Une belle affiche et, disons-le tout de suite, un vrai bon concert, du genre qui fait terriblement du bien par où il passe.




Certains attendaient DIVORCE de pied ferme, surtout après la belle succession de singles et de splits et surtout après le premier album* sans aucun faux pas que les écossais ont publiés en quelques années seulement. Divorce c’est du noise-rock version à la punk c'est-à-dire d’une sauvagerie totalement décomplexée. Un groupe à l’exact opposé d’Uzeda revu en concert moins d’une semaine auparavant : les siciliens préfèrent opter pour la transcendance de leur bruit vers toujours plus d’émotion brute et de beauté contrastée ; avec les écossais de Divorce on est du côté du défouloir voire du dépotoir, faut que sorte, même si ça fait mal.
Ce qui ne signifie pas que chez Divorce on joue n’importe quoi et n’importe comment. Bien au contraire : je pensais que la chanteuse et la guitariste allaient monopoliser toute l’attention et tous les regards mais les écossais possèdent aussi et surtout une sacrée bonne paire rythmique, un couple basse/batterie** sans lequel Divorce, tout en gardant son côté vide-ordures/exutoire punk, ne serait pas aussi génialement efficace en concert – il fallait même voir la bassiste assurer une ligne de basse lourde de chez lourde juste en tapotant sur le manche de sa basse, son autre main attendant fébrilement le top départ pour enfin labourer les cordes au médiator.




Sinon Divorce c’est presque uniquement que du basique et que du classique : la guitariste déborde de bonnes idées pour mettre le feu aux poudres et elle n’utilise qu’une Big Muff et une fuzz box, le son de sa guitare est aussi cru et brut que déchirant et taillé à la hache (avec parfois l’utilisation judicieuse d’un bottleneck). Quant à la chanteuse elle a pris soin d’enfiler son pijama Winnie L’Ourson (?) et a passé les dernières minutes avant le début du concert à se préparer bien comme il faut en descendant une bouteille de whisky salement frelaté. Elle chante donc presque complètement bourrée et au passage se vautre joyeusement au milieu du public – Divorce joue au sol, devant la scène et dans la pénombre, une configuration idéale pour ce genre de musique*** –, se faisant mal de chez mal mais assurant pleinement le spectacle alors que les trois autres continuent sans sourciller de balancer leur noise-rock vraiment sale et follement méchant.
Et puis il y a ces nombreux moments où les quatre Divorce jouent complètement ensemble, boule de feu et d’énergie qui emporte tout sur son passage, fait chavirer et bouscule le public scotché au et par le groupe, débauche de sueur, de cris et d’électricité. Divorce enlève alors toute retenue, allons-y pour le meilleur comme pour le pire, tout ça ne durera qu’un seul instant et on l’accepte comme tel. Pas le groupe le plus génial du moment mais un groupe qui a tout compris à ce que devrait toujours être l’instant (barré) d’un concert, comme une dose de folie irrécupérable que l’on s’injecte pour un bon shoot.




En première partie MORSE a fait plus qu’assurer son rôle de passe-plat et/ou de chauffe-ambiance : quelques-uns sont venus exprès pour eux et ils ont bien eu raison. Je me surprends à reconnaitre les titres joués – Muted est en seconde position de la setlist – alors que je n’ai vu le groupe qu’une seule fois en concert auparavant (OK : j’ai un peu triché en révisant à l’écoute de la cassette de ces jeunes gens).
Il n’empêche que revoir Morse si peu de temps après est un vrai plaisir, je trouve même le groupe encore meilleur, non ce n’est pas déjà la force de l’habitude, genre ça joue bien  et, encore une fois, ça joue racé... En milieu de set Morse se lance dans une toute nouvelle compo et je me dis que si le groupe pouvait encore étoffer son répertoire pour assurer des concerts un peu plus longs ça serait réellement parfait.

* pour les acharnés du disque et autres collectionneurs compulsifs : sur sa table de merch Divorce proposait une tour edition de son album sous la forme d’un double CD, le deuxième disque incluant des inédits et des titres que le groupe a déjà publiés sur certains de ses singles et splits précédents – j’en connais qui prétendent que ces titres, enregistrés au cours de l’année 2011, sont même meilleurs que ceux de l’album (il est vrai que Whiskey Shoes est un pur chef-d’œuvre)
** le batteur a un chouette tatoo des Flying Luttenbacher sur le bras, assurément une preuve de bon goût
*** configuration peut-être idéale pour profiter du concert mais pas pour prendre quelques photos un tant soit peu potables