Les sept compositions de Marguerite, tout premier album de WOLAND ATHLETIC CLUB,
ont été enregistrées il y a plus de quatre ans, en 2008… Entre temps la sortie
du disque a été maintes fois repoussée, les titres ont été travaillés et
retravaillés puis mixés par des mains expertes (Clément Edouard de Lunatic
Toys, IRèNE et Loup s’est personnellement occupé du cas de quatre d’entre eux)
et, enfin, Marguerite a vu le jour au
mois de mai 2012, sur Carton
records, le label de Seb Brun, egalement batteur de W.A.C.
De là à penser que la création du label est en
partie due à ce genre de galères imposant in fine la sacro-sainte règle de
conduite du fais-le toi-même en vigueur dans les milieux punk/DIY, il n’y a
qu’un pas que je franchis allégrement. Il m’a en effet semblé que la parution même
tardive de Marguerite était vécue
comme un soulagement.
Se soulager ne signifie pas se débarrasser et Marguerite n’est pas un disque bâclé, au
rabais ou même dépassé. Il est même d’une fraicheur et d’un bienfait étonnants.
Marguerite est surtout bourré de
surprises, de fantaisies et d’un bel esprit de liberté. Peut être que quatre
ans après les trois membres du Woland Athletic Club n’en peuvent plus
d’entendre ces bandes mais le fait est qu’une oreille neuve n’ayant jamais rien
entendu du groupe et ne l’ayant jamais vu non plus en concert ne pourra
qu’apprécier l’à-propos d’un disque la plupart du temps vigoureux et drôle,
insolite et impertinent, dynamique et exigeant, absurde et enjoué.
W.A.C. est composé de Nicolas Stephan (saxophone
alto, voix, glockenspiel, etc), d’Antonin Rayon à l’orgue Hammond et au piano
électrique et (donc) de Sébastien Brun à la batterie et deux ou trois autres
trucs dont il a aussi le secret. Dans le livret de Marguerite il y a également un quatrième membre de mentionné,
Anne-Sophie Arnaud, créditée aux « excentricités corporelles et acte
théâtral » (sic) mais évidemment on ne l’entend pas sur le disque (à moins
que ce ne soit elle sur Lip 1 ?).
Ce que l’on entend c’est tout d’abord une voix et un
inventaire à la Prévert (Le Coup Du Bocal)
énumérant toutes les espèces de chevaux pouvant batifoler sur terre et surtout
ce que l’on peut faire avec (ou pas). Une introduction qui ne laisse rien voir
de l’enjouement à tiroirs de Revolution,
sorte de chanson disco dada sauce Sparks traversée par des poussées d’étrangeté
que n’aurait pas reniées un Robert Wyatt un peu déridé. Avec Question Mark W.A.C. change à nouveau
d’optique, désormais nettement plus jazz et constellée de cassures et autres changements
de direction… enfin ça c’est ce que l’on croit jusqu’à ce passage chanté
lui-même perturbé par un immense trou d’air fait de pointillés, de bruissements
et de chuchotements d’instruments, etc (car Question
Mark est loin d’être terminé).
Sur Marguerite
on ne sait jamais à l’avance où les trois musiciens de Woland Athletic Club
vont nous emmener – et ça c’est vraiment très bien – mais surtout ils ne nous
emmènent jamais n’importe où – ce qui est encore mieux : la fantaisie sans
cesse jubilatoire et décalée de cette musique semble sans limite. On pense une
nouvelle fois un peu à Robert Wyatt pour Lip
1 et on trouve en définitive que W.A.C. n’est pas si éloigné de l’esprit
d’un Volcano The Bear, dans une version certes plus (jazz et) progressive :
même façon de détourner des idiomes musicaux préexistants sans manifester la
volonté de les ridiculiser, même inventivité permanente, même sens théâtral de
l’absurde… les points communs sont nombreux mais les résultats restent
différents, Woland Athletic Club conservant un sens de la fraicheur que les
années ont eu tendance à affecter chez leur homologues anglais.
Seul Du
Rafting Dans Les Ruelles se révèle un peu trop longuet alors que Nÿu semble lui uniquement sous la seule
influence d’Ellery Eskelin/Andrea Parkins/Jim Black mais là c’est vraiment un
moindre mal. Au passage on apprécie également que W.A.C. réhabilite ce bon vieil orgue Hammond B3 qui d’habitude sonne toujours un peu
trop daté à nos oreilles – et comme c’est bon parfois d’avoir tort, merci
Laurens. Ich Liebe Dich, Ich Liebe Dich…