C’est la dernière de la saison. Le Sonic va bientôt fermer ses portes et
– si tout ce passe bien – va procéder à un grand nettoyage, va effectuer les
travaux que les commissions de sécurité lui imposent désormais pour continuer à
accueillir du public et va se refaire une beauté à défaut d’une nouvelle
jeunesse. « Si tout ce passe bien » cela signifie que pour l’équipe
du Sonic il s’agit de jongler avec le propriétaire des lieux, les élus locaux
et les bAAAnques, un exercice ardu et un équilibre difficile à obtenir.
Plus que jamais ici on pense à eux car tant que le
Sonic programmera des affiches comme celle de ce samedi 23 juin et bien on
soutiendra le lieu qui reste une alternative raisonnable et absolument pas
honteuse entre la culture marchande des grandes salles commerciales et la programmation
des organisations DIY (activité bien mise à mal depuis la disparition –
momentanée ? – de Grrrnd Zero). Moins rock’n’roll que le Clacon à Oullins
et moins événementiel que l’Epicerie Moderne de Feyzin (en ce sens que la jauge
de l’Epicerie permet elle d’accueillir des groupes tels que les Swans, Shellac,
Unsane, Low ou A Place To Bury Strangers), le créneau du Sonic c’est plus que
jamais la musique dite expérimentale et notamment tout ce courant américain néo
minimaliste. La programmation de Duane Pitre, musicien et compositeur publiant
sur Important records mais jouissant encore d’une faible réputation, s’inscrit
parfaitement dans cette logique.
Witxes
jouait en première partie. Derrière ce nom se cache un jeune homme moustachu –
signe évident de bon goût – que l’on peut croiser à l’occasion si on fréquente
les lieux de concerts lyonnais. Un an voire même plus s’est écoulé depuis la
dernière fois que j’ai pu voir Witxes en concert et j’avouerai que je n’ai
jamais été trop emballé par la musique de ce garçon. Celui-ci utilise le
matériel que l’on retrouve chez la plupart des one man band c'est-à-dire un
laptop, un synthé, des pédales et une guitare – Witxes ne chante pas.
Tout d’abord la première partie du set m’a laissé
perplexe : de l’ambient/drone bien foutu bien que fort peu original si ce
n’est un recours à des samples de saxophone sonnant terriblement 80’s – alors
que nom d’un bordel, il y a quand-même des choses beaucoup plus intéressantes à
pomper de cette décennie maudite qu’un son de sax que l’on dirait tout droit
sorti de la BO de Miami Vice ou du Let’s Dance de Bowie – samples auxquels
il faut rajouter des sons de synthétiseurs peu agréables à mes oreilles. Je me
voyais presque tourner les talons et prendre la direction du bar.
Or la deuxième partie du set de Witxes a été
autrement plus intéressante, basée sur les grondements d’une guitare et
s’ouvrant sur des territoires ne pouvant que plaire davantage à un vieux
ronchon à moitié sourd comme moi. Voilà, dès que ça commence à faire du bruit
et à trembler le long de ce qui me reste de moelle épinière et bien cela me
convient aussitôt. N’empêche que l’on ne m’enlèvera pas de la tête que Witxes
est plus doué pour sculpter de la masse sonore en fusion que pour frisouiller
sur des patterns faussement délicats. On reparlera bientôt de Sorcery/Geogarphy, l’album que Witxes a
très récemment publié.
S’il y a quelqu’un dont on attend avec de plus en
plus d’impatience le prochain album, c’est bien Agathe Max. Cela fait plus d’un an et
demi maintenant que la jeune femme joue des nouvelles compositions en concert
et il paraitrait qu’elle enregistre en ce moment en studio… Ces nouvelles
compositions que j’ai enfin pu réentendre ce soir n’ont fait qu’attiser à
nouveau ma curiosité et augmenter mon impatience, reléguant le pourtant
excellent This Silver String (publié
en 2008) au rang de presque vieux souvenir.
La première chose étonnante c’est de voir Agathe
Max jouer devant un écran qui diffuse des photos et quelques vidéos. Un
artifice un peu facile mais que l’on oublie totalement : des paysages
anonymes et flous se succèdent et on finit par de plus les voir, mis à part ce
film montrant un sous-marin (?) navigant à la surface de l’eau.
La deuxième chose étonnante c’est l’aspect
résolument plus mélodique des titres interprétés. Des samples de piano ou des
couches de cordes supplémentaires viennent se rajouter au violon d’Agathe Max
et donnent à sa musique un aspect nettement plus contemporain/néo-classique. Le
côté tellurique que l’on connaissait à la musicienne n’apparait que beaucoup
plus rarement mais il est utilisé à bon escient. Par contre ce qui ne change
pas c’est l’incroyable dextérité de la violoniste, on la regarde jouer comme si
on assistait à un prodige or cela n’empêche pas de se laisser également porter par des
compositions incroyables de naturel et de densité. L’intensité est bel et bien présente mais
elle est désormais au service d’une finesse toujours plus impressionnante alors
oui, vivement l’album.
Ensuite Agathe Max a joué en duo avec Duane Pitre
non sans expliquer que leur prestation était en hommage à une amie commune
disparue et qui leur avaient permis il y a quelques années de faire tous les
deux connaissance. Malgré l’émotion suscitée par les quelques mots prononcés par
Agathe Max il faut bien reconnaitre que cette prestation – elle comme toujours
au violon et lui à la guitare – a été assez anecdotique mais heureusement très
courte. Bon, il n’y a aucun mal à vouloir se faire plaisir et les intentions
étaient on ne peut plus bonnes…
Duane Pitre
s’est ensuite installé derrière son laptop et autres bidouilles à son. On
reparlera sûrement une autre fois de son très intrigant album Feel Free publié cette année chez
Important records. Il est clair qu’un concert de Duane Pitre est un concert de
diffusion et rien d’autre – d’ailleurs pourquoi prendre un air aussi pénétré
lorsqu’on ne fait qu’appuyer sur des boutons ? – et que la seule façon de
l’apprécier est de fermer les yeux et de se laisser aller.
OK, le volume sonore était là, OK les subtilités
éclataient avec plus de force, OK les allez-et-retours en pingpong entre les
sonorités étaient envoutants, OK l’émotion était palpable, OK j’avais sûrement
l’air d’un hippie électrique ainsi assis par terre. Mais j’assume.