J’ai bien réfléchi avant d’écouter ce disque des Pelvis Enragés. Voyons,
voyons : Un titre Artaud A Tort
en forme de contrepèterie, un artwork d’un goût délicieusement douteux, une
référence à ce grand malade d’Antonin Artaud (donc), un groupe qui comprend un
synthétiseur très envahissant dans son line-up, du chant (parlé) omniprésent et
en français, un invité à l’accordéon sur deux titres, de vagues relents
expé/prog dans les coins, une bio inutile qui énumère les autres groupes avec
lesquels les Pelvis Enragés ont partagé la scène – c’est pas bien brillant dans
l’ensemble – plus les éventuels passages (web)radio de seconde zone ainsi que quelques
citations de vieilles chroniques publiées dans d’obscurs webzines et toutes
plus mal écrites les unes que les autres… ça fait quand même beaucoup de
handicaps à surmonter tout ça. Sans compter que le chroniqueur (moyen) de
666rpm est lui du genre ronchon et moustachu, qu’en matière de musique il lui
faut du sang, de la sueur, des poils et de la violence gratuite pour assouvir
ses quelques besoins élémentaires.
Alors ? Alors et de toute évidence Les Pelvis
Enragés ne sont absolument pas un banal groupe de punk rock mais cela ne les
empêche pas d’être largement plus barrés (malades ?) et détraqués que la
moyenne. Allez, on reprend l’inventaire.
C’est vrai qu’il y a beaucoup de synthétiseur ici
bas, que cet instrument est à toutes les sauces – comprenez utilisé aussi bien
en base rythmique puisqu’il n’y a pas de basse dans les Pelvis Enragés mais
également en première ligne – et qu’il se marie très bien avec la guitare certes
beaucoup moins bavarde, plus sèche et éventuellement noisy. On peut parler de musique
progressive à propos des Pelvis Enragés en ce sens que les idées virevoltent,
s’accumulent, tirant parfois sur le free jazz mais également du côté d’un pseudo
math rock énervé mais ce terme de progressif ne convient pas non plus tout à
fait car Les Pelvis Enragés ne jouent à aucun moment la carte de la surcharge, de la boursouflure (et donc de l’écœurement) ou du scintillement et s’il y a
outrance elle n’est jamais synonyme d’excès gratuit. En fait, tout ici semble
avoir une place pensée et réfléchie, un sens bien précis mais tout coule de
source, comme le chant qui tient plus du flow/slam que de la performance
vocale.
Ce chant on ne peut vraiment pas passer à côté.
Tout d’abord il occupe les deux tiers (les trois quarts ?) de la surface
enregistrée d’Artaud A Tort et il est
toujours distinct et compréhensible. Même sans avoir les « paroles »
sous les yeux on comprend parfaitement ce que raconte ce garçon, on saisit tout
l’univers d’Antonin Artaud (qui d’autre ?) et on se rappelle comment on a
transpiré en classe de Première en étudiant ce putain de Suicidé De Société. Là aussi tout semble couler de source :
tout ceci est logiquement – et fort heureusement – très écrit mais évite toute
pédanterie tout comme les pièges de la littérature savante mise en musique. Ce
chant qui n’en est pas vraiment un, on pourrait pour faire simple le situer
entre un Pete Simonelli mariné à l’absinthe et un Arnaud Michniak sous acide mais
question virulence il y a aussi du Léo Ferré là dedans, quand il se prenait
pour un prédicateur engagé.
Pour finir, n’ayez pas peur de l’accordéon que l’on entend sur les deux premiers titres d’Artaud A Tort. Vous, vous ne savez peut-être pas ce que cela signifie de partager son toit avec quelqu’un qui joue de l’accordéon au minimum une demi-heure par jour mais moi je sais et je peux vous dire que celui qui intervient dans Artaud A Tort est à prendre comme un complément très réussi des lignes de synthétiseur et de la guitare décrites un peu plus haut.
Pour finir, n’ayez pas peur de l’accordéon que l’on entend sur les deux premiers titres d’Artaud A Tort. Vous, vous ne savez peut-être pas ce que cela signifie de partager son toit avec quelqu’un qui joue de l’accordéon au minimum une demi-heure par jour mais moi je sais et je peux vous dire que celui qui intervient dans Artaud A Tort est à prendre comme un complément très réussi des lignes de synthétiseur et de la guitare décrites un peu plus haut.