mercredi 8 juin 2011

Veuve SS / Schlass






















Vu en concert à quelques occasions – en fait deux fois : la première avec Pord et Xnoybis en novembre 2010 au Trokson et la seconde en compagnie de Baton Rouge et de Réveille en janvier 2011 à Grrrnd Zero* – Veuve SS a publié une première démo cassette répondant au doux nom de Schlass et tirée à 99 exemplaires. Si j’ai bien tout compris, le groupe devrait également faire paraitre un 7 pouces en septembre prochain sur Echo Canyon. Pour celles et ceux qui n’ont pas de platine cassettes dans leur gourbi et/ou préfèrent dépenser leurs trois euros restant en Finkbräu, cette démo est entièrement et gratuitement téléchargeable sur le site du groupe.
Veuve SS apporte un soin tout particulier à ses visuels, ça sent l’obsession graphiste à plein nez mais c’est également particulièrement réussi : le livret de 16 pages est presque un modèle de photocomposition punk, la cassette est emballé dans un boitier plastifié noir du meilleur effet avec son impression en gris foncé, le lettrage employé est parfaitement illisible mais très joli et le tout est enveloppé dans un zip bag agrémenté d’un autocollant imprimé du logo du groupe – lequel adapte le X du hard core, celui-là même que ces gros connards de tough guys machosexistes et homophobes new-yorkais ont cru bon de dévoyer (oui je préfère le X des homos et des straight edges). Si on ajoute la subtile délicatesse du nom choisi, on peut en déduire que Veuve SS est un groupe de hard core arty, visant le haut de gamme.
J’ai l’air de me moquer mais ce n’est absolument pas le cas : j’avais cru un instant que Veuve SS n’était qu’une petite blague entre amis ou, tout du moins, une récréation pendant laquelle ses différents membres en auraient profité pour laisser aller leur tempérament artistique (certains jouent dans d’autres formations plus gros calibre mais toujours à forte identité comme 12XU ou Overmars). Et bien pas du tout. Il semblerait même que ce soit tout le contraire. Si Veuve SS met autant d’application à nous balancer une cassette bien léchée et à propos de laquelle le bon goût inciterait n’importe quel blaireau collectionneur à l’exposer sur ses étagères à disques particulièrement bien fournies, c’est parce que ces quatre garçons y croient très fort et veulent tout simplement bien faire les choses. Il y a ni piège ni démagogie là dedans.
Le groupe s’applique surtout à envoyer un hard core cradingue et obscurantiste au possible – avec quelques relents black metal, comme sur le début de Viande – pour une cassette introduite par un sample tiré du Locataire de Roman Polanski (dont c’est l’un de mes films préférés, comment le groupe a-t-il pu le deviner ?**) et parsemée de bruits de vol de mouches affamées : Veuve SS aime la pourriture et surtout le groupe aime mettre les doigts dedans, c’est d’ailleurs ce qu’il passe son temps à nous chanter hurler à la gueule, avec une hargne et une crudité bienvenues.
Le message un brin simpliste – exemple : l’enfer c’est toujours les autres/nan c’est surtout pas toi…/l’enfer c’est toi – passe d’autant mieux que le contenu (la musique) est aussi cradossée et cabossée et que le contenant (la cassette) est soignée, ce sont les joies profondes et les plaisirs sans nom du contraste et du surlignage. On ne pourra donc jamais reprocher à Veuve SS de ne pas être un groupe intelligent, surtout qu’il joue une musique aussi instinctive que directe et épidermique. Et n’oubliez pas que vous êtes tous des assassins.

* d’ailleurs ce jour là Veuve SS était affublé d’un second guitariste (grâce à la présence supplémentaire d’un Lost Boys) et ce concert fut vraiment le meilleur des deux que j’ai pu voir du groupe – il semblerait malheureusement que cette expérience de line-up à cinq n’était qu’éphémère et sans lendemain, dommage…
** et dire qu’ils venaient juste de finir de réparer la verrière