[…] Et bien donc n’attendons pas davantage et arrêtons de tergiverser : Rub, le deuxième album des Hawks, circule déjà dans le monde libre depuis le tout début du printemps 2011 grâce à Trans Ruin records – label montée par un ou deux types de Hawks, si je ne m’abuse et me souviens bien. Evidemment les fanatiques du disque et autres fétichistes de l’objet ont du patienter quelques semaines (mois ?) à l’aide de mp3 avant de pouvoir écouter cet album en vrai et le serrer entre leurs petits bras possessifs. Rub c’est en effet un superbe LP, emballé dans une pochette en noir et blanc mais sans que rien ne puisse laisser entrevoir la teneur d’un disque qui va rapidement se montrer bien plus mature (hum) que son illustre prédécesseur, Barnburner.
Malgré une entrée en matière aussi virulente qu’énervée (le génial Royalty, sous la haute influence des Cows), ce qui se remarque le plus sur Rub c’est le ralentissement généralisé des rythmes, la tournure de plus en plus grasse de cette musique, le blues qui remonte à la surface comme les yeux dans le bouillon et le fantôme de Jesus Lizard qui semble définitivement lâcher prise. A tel point qu’il disparait presque totalement et que même les inévitables comparaisons avec ces flambeurs de Pissed Jeans deviennent elles aussi inappropriées. En fait, pour être plus précis, on peut même dire que dans leur genre les Hawks distancent et éclatent largement toute forme de concurrence.
On se retrouve donc acculé avec presque uniquement des tempos ralentis ou médium mais quand je dis « acculé » ce n’est pas pour faire joli ou pour balancer un bon mot : les Hawks ont pris encore plus de carrure et de ventre, se sont alourdis, épaissis et se montrent désormais écrasant avant toute chose. Les titres rapides n’étaient pas ce qu’il y avait de plus réussi sur Barnburner – sans être mauvais pour autant, hein, il y a des choses à respecter – et mis à part quelques accélérations (le déjà cité Royalty, l’endiablé Late Bloomer ou bien la toute fin de White Buffalo, en début de seconde face) ils ont presque totalement disparu de Rub au profit de ce blues suintant et puant et même quelques incartades limite australiennes (et du piano en prime). Le guitariste a surtout fait de significatifs progrès dans l’art de torcher du riff de boucher prédicateur tout comme dans celui de distiller du solo sans avoir l’air d’être un instrumentiste ridicule ni un pauvre clampin amateur d’astiquage. Et plus c’est lent, plus c’est lourd et plus on vibre, meilleure aussi est cette musique qui prend à l’occasion des accents vraiment sombres (A Future Reaping) en plus de sa hargne habituelle (White Buffalo, élu hit incontournable de l’album).
De manière aussi mystérieuse qu’énervante, le coupon mp3 joint avec le disque et permettant de télécharger gratuitement l’intégralité de Rub (sous le nom d’Extended Rub), permet surtout d’écouter un titre supplémentaire, très loin d’être un fond de tiroir : on y goûte une fois de plus à la sourde violence d’une musique habitée et perverse, à l’image du chant qui avait déjà dominé cet album de bout en bout, entre feulements malodorants et rauqueries malsaines – y a-t-il en ce moment sur le côté obscur de cette planète un meilleur chanteur que ce Michael P. Keenan Jr ? Et bien non, je ne le pense pas.