Dernier gros concert de la saison 2010/2011 et pas des moindres : les new-yorkais d’UNSANE s’offrent une petite tournée de trois semaines au travers de la vieille Europe et, contrairement à nombre de groupes américains cachetonneurs, ils ne négligent pas notre beau pays et ses charmantes petites villes de province – le groupe a d’ailleurs toujours agi ainsi, son tout premier passage à Lyon datant de novembre 1993 avec en première partie un groupe local qui n’avait même pas encore publié son premier mini album : Condense.
Contrairement à son précédent concert il y a deux ans au même endroit (l’Epicerie Moderne), Unsane est en ce samedi soir au grand complet car même Dave Curran est présent – il avait auparavant été remplacé par Natz, ex Cop Shoot Cop – avec son passeport estampillé de façon tout ce qu’il y a de plus réglementaire et accompagné de cet énorme ampli devant lequel je me suis posté et que je regarde, assez fasciné… Il est hors de question que je rate une seule miette d’Unsane d’autant plus que les américains ont l’air en train grande forme : ils ont parait-il donné d’excellents concerts sur toutes les premières dates de la tournée et, présentement, ils s’activent et se préparent tout bien comme il faut selon des méthodes d’échauffement testées et approuvées de longue date, méthodes qui vont avoir des conséquences incalculables sur la bonne humeur joviale de Chris Spencer et de sa bande – même Vinnie Signorelli se fendra d’une bonne petite blague – ainsi que sur l’ambiance générale du concert, à l’occasion très « muppets » (comme le dira Dave Curran mais je me demande s’il ne voulait pas surtout parler de la partie du public qui n’a pas daigné levé son cul des gradins de toute la durée du set).
Ils sont donc là tous les trois, après un line check tout ce qu’il a de plus rudimentaire – Dave Curran va envoyer deux ou trois accord qui vont faire hurler de bonheur une bonne partie du public alors présent – le groupe démarre sans hésitation, avec ce son énorme et écrasant qu’on lui connait bien, une saleté à la fois lourde et vicieuse, un groove toujours aussi inimitable sur les (nombreux) mid tempos et qui donne l’impression que le groupe pourrait jouer une chouille plus vite alors qu’en fait non, c’est lui qui a raison, mariant à la fois un état de manque oppressant et la certitude que l’on est juste en train de se faire piétiner.
Unsane va pousser le sens du plaisir vraiment très loin, jouant un maximum de titres anciens, remontant jusqu’au premier album, déballant une collection de vieux tubes tous plus imparables les uns que les autres – Unsane c’est peut être musicalement toujours la même chose mais on reconnait chaque riff, on bondit à chaque intro, on headbangue de plus belle et on assiste tout simplement au concert de l’un des meilleurs groupes de scène encore en activité après plus de vingt années d’activité.
On se laisse alors vraiment aller et on ne fait plus qu’une seule chose, on ne pense plus qu’à une seule chose, on ne vibre que par une seule chose, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane, Unsane.
En première partie Torticoli a eu la (très) lourde tache de démarrer la soirée. D’abord parce que le trio était un rajout de dernière minute, le groupe initialement prévu (les excellents Neige Morte) ayant du annuler pour cause de batteur soudainement handicapé. Ensuite parce que jouer devant une salle même pas à moitié pleine ne doit pas être évident – il y a des gens qui en ont jamais rien à foutre des premières parties, qu’elles soient bonnes ou mauvaises, et dans le cas de Torticoli on est pourtant franchement dans la première catégorie. Et enfin parce qu’ouvrir pour Unsane dès son troisième concert ne doit pas être de tout repos pour les nerfs.
Torticoli s’en est pourtant très bien sorti, a donné un concert assez bref mais intense, dans une veine toujours aussi personnelle, un rock instrumental plus influencé par la noise que par les mathématiques, mais le trio nous avait également réservé une surprise : un chanteur a fait son apparition sur deux titres, donnant à la musique de Torticoli une coloration tout autre, bien plus hard core vu le genre de chant pratiqué par ce nouveau venu (qui plus est, pour un braillard, il a un timbre de voix intéressant et il a vraiment assuré vocalement, ne se contentant pas de mettre systématiquement ses cordes vocales dans le rouge). Du coup on sait maintenant que Torticoli peut aussi se montrer beaucoup plus carré et puissant et, plus que jamais, le mélange des genres proposé par ce groupe est des plus passionnants.
Et maintenant c’est fini ? Pas tout à fait… La personne qui m’a fort gentiment emmener en voiture jusqu’à l’Epicerie Moderne – et qui n’est autre que l’auteur de l’affiche du concert d’Unsane – me propose alors d’aller au Sonic puisque le concert du jour n’y est apparemment pas encore terminé. Le concert en question c’est Raymonde Howard et, renseignements pris, elle n’aurait même pas encore commencé à jouer… Sans être ouvertement menacé physisquement, je sens que je n’ai pas d’autre choix que de suivre le mouvement (l’Epicerie Moderne c’est à Feyzin et Feyzin c’est très loin de Lyon lorsqu’on n'est qu’un pauvre piéton) aussi j’accepte bon gré mal gré cet imprévu du samedi soir même si aller voir un concert de Raymonde Howard après la torgnole infligée par Unsane peut se révéler être une drôle d’idée – mais en même temps c’était aussi une idée assez séduisante.
Arrivé au Sonic, je constate non sans plaisir qu’il y a beaucoup de monde, le toit de la péniche est blindé et j’en déduis que le concert de Raymonde Howard n’a effectivement toujours pas commencé… je déchante en entrant dans la salle puisque notre popeuse stéphanoise préférée à toutes et à tous est déjà sur scène, devant une poignée de spectateurs – il y a plus de
lyonnais
gens dehors que dans la salle.
Pourtant le concert – du moins ce que j’en ai vu – de Raymonde Howard vaut le coup, la jeune femme joue ce soir et peut être bien pour la toute première fois en trio, avec son batteur habituel mais aussi, grande nouveauté, avec une contrebassiste. Cela donne évidemment une toute nouvelle saveur et une dimension différente aux compositions de son bel album For All The Bruises Black Eyes And Peas mais il y a aussi me semble t-il de nouveaux titres que je ne reconnais donc pas. Décidemment Raymonde Howard est pleine de ressources et de (bonnes) surprises.