lundi 12 novembre 2012

Le Réveil Des Tropiques / self titled




LE RÉVEIL DES TROPIQUES regroupe cinq musiciens déjà croisés ici ou là – entre autres l’ancien batteur des regrettés One Second Riot, le guitariste des non moins regrettés Looking For John G. ou un bassiste en provenance directe des excellents Object. –, cinq musiciens venant malgré tout d’horizons assez différents et ayant décidé, d’abord par curiosité puis par jeu et enfin par plaisir, de faire de la musique ensemble. Quelle musique ? Et bien le Réveil Des Tropiques revendique son côté instrumental, planant parfois et surtout psychédélique. Ce psychédélisme qui s’étire en longueur, tournoie dans le ciel, s’énerve à l’occasion et traverse les paysages qu’il touche d’une grâce certaine. Si vous pensez à Pink Floyd, celui de l’immédiat après le départ bon gré mal gré de Syd Barrett du groupe et avant que les anglais ne se transforment en monstre soporifique et aseptisé pour babas enfumés, vous aurez raison. Tout comme Le Réveil Des Tropiques a raison de citer Can et, dans un autre registre, Sonic Youth parmi ses influences éventuelles.
Il n’en demeure pas moins, une fois que l’on a lâché tous ces noms histoire de baliser un peu le terrain, que Le Réveil Des Tropiques a enregistré un premier disque aussi étonnant qu’enthousiasmant. Etonnant parce que la méthode de travail du groupe est de s’enfermer dans une pièce et de jouer, jouer, jouer… ainsi les huit « compositions » du disque ont-elles été enregistrées lors de deux jours et autant de nuits. Une pratique – l’improvisation spontanée comme mode de composition – plutôt casse-gueule et qui en général n’évite pas l’écueil de la facilité, des longueurs, des redites…
… Et bien soit les cinq musiciens du Réveil Des Tropiques étaient réellement faits pour se rencontrer, soit ils ont enregistré pendant que la pleine lune coïncidait avec le solstice d’hiver ou soit ces garçons sont vraiment doués quoi qu’il arrive parce que l’écoute de leur (double) album est un vrai moment de bonheur musical. On aurait pu craindre une certaine mollesse mais c’est tout le contraire qui se produit : derrière les vapeurs d’opium le bruit n’est jamais très loin, derrière le bruit il y a toujours ce vertige incandescent qui vous transperce et saluons au passage le travail impressionnant de la basse qui rassemble souvent tout ce petit monde derrière elle.
Saluons également ces bidouilles – du thérémine ! – toujours pertinentes et bien placées ainsi que ces guitares qui n’ont pas peur de partir en solo ou même de vriller dans les airs et qui surtout évitent tout phénomène exaspérant d’hyper démonstration instrumentale. On note enfin des moments épileptiques tels ce Sigirîya à la dureté très noise mais on le répète : la teneur générale du disque est franchement à une alchimie précieuse et équilibrée entre rêves éveillés et électricité extatique. Et puisque le groupe veut et peut totalement assumer son côté voyageur, la plupart des titres du disque reprennent des noms de villes antiques, de lieux chargés d’histoire ou encore d’endroits aussi insolites que magiques : de Jérusalem à Antibes  Homs en passant par Tenochtitlan ou la structure sous-marine de Yonaguni 

Ce disque sans titre, doté d’une illustration de pochette au moins aussi trompeuse que le nom du groupe, est publié sous la forme d’un double CD digipak ou d’un double vinyle par le label parisien Music Fear Satan.