lundi 1 avril 2013

Ventura / Ultima Necat




Après le succès de We Recruit – on parle de la qualité évidente du disque, pas de ses ventes mirobolantes qui ont à peine permis au groupe d’équiper son tour bus de nouvelles jantes en alliage ou de mettre de la moumoute synthétique sur le volant –, Ventura n’avait pas trente-six solutions au moment d’enregistrer son troisième album. Soit le groupe refaisait presque exactement le même disque et là tout le monde allait se mettre à applaudir poliment tout en se retenant à peine de bailler ; soit les Ventura durcissaient considérablement le ton, épaississaient les guitares, se mettaient enfin à boire comme des hommes et balançaient des rythmiques du diable en acier trempé – après tout, la Suisse d’où est originaire Ventura est aussi la patrie d’adoption du metalcore (etc.) et n’oublions pas que Mike, le batteur de Ventura, a en son temps fait partie des très tendus Iscariote.
Mais, comme le démontre la pochette assez fabuleuse d’Ultima Necat, ce n’est pas aux vieux singes que l’on apprend à faire la grimace et, dans un moment de totale clairvoyance, VENTURA a du décider que non, qu’il existait surement une troisième voie et que cette voie là le groupe allait la trouver et l’explorer. Ultima Necat ne remet pas en cause les quelques fondamentaux que le trio a lentement mais sûrement mis en place depuis ses débuts (Ventura semble vouer un amour immodéré aux années 90, celles du rock noisy et ombrageux) mais le groupe a effectivement trouvé une nouvelle façon de les éclairer, de les mettre en valeur. En insufflant une forte dose de brouillard mélancolique à sa musique – les esthètes et autres critiques d’art appellent cela du « shoegaze »* mais je n’en suis pas certain –, Ventura s’est donné tous les moyens de battre ses propres records en matière d’expressivité et d’intensité mais aussi et surtout en matière de finesse et d’émotion(s).
Rien que pour Amputée, chef-d’œuvre et point culminant du disque avec ses onze minutes de grisaille sublime et de déchirements soniques, Ultima Necat est un disque à découvrir et à écouter sans plus attendre… Et écouter Ultima Necat c’est l’aimer instantanément : Ventura a également réussi, une nouvelle fois avec l’aide et la complicité de Serge Morattel à l’enregistrement et aux manettes, à trouver une formule alchimique et sonique qui permet à sa musique de vous clouer sur place tout en vous rongeant de l’intérieur. L’âpreté des sentiments et la précision des blessures ne sont jamais très loin derrière la prétendue douceur mélancolique tout comme les compositions les plus mordantes d’Ultima Necat gardent cette profondeur troublante dans laquelle on plonge pourtant instantanément. Ultima Necat est tout simplement un beau disque, un vrai beau disque.

[Ultima Necat est publié conjointement par Africantape et  Vitesse records]