mercredi 17 avril 2013

Report : Cougar Discipline, Steven, Steven & Steven, Forza Pshitt et Burne au Nahual - 13/04/2013




Allez, hop, un chouette nouveau lieu à découvrir sur Lyon, en bas des pentes de la Croix-Rousse, un bar/galerie associatif qui a ouvert il y a environ six mois et qui se lance désormais dans l’accueil de concerts. Ce soir le Nahual va même pouvoir tester les choses en grand puisque le concert en question consiste en un carré de groupes très électriques voire très bruyants : Cougar Discipline, Steven, Steven & Steven, Forza Pschitt et Burne. Une programmation et une organisation assurées par les deux garçons de Burne qui comme à leur habitude avaient décidé de ne surtout pas faire les choses à moitié.
La cave du Nahual est par contre un peu bizarrement configurée, en deux parties, et il faut bien avouer que si on n’a pas la chance de se trouver du bon côté des demi-parois placées en plein milieu on risque de ne pas voir grand-chose du concert. Mais l’ambiance est presque cosy, l’endroit est vraiment pas mal avec ses voutes en croix et ses vieilles pierres de partout ; les groupes jouent pas terre tandis que le public se masse autour comme il peut et je sens que ça va être chaud.




Et effectivement ça l’est. Le premier groupe s’appelle COUGAR DISCIPLINE et c’est la toute première apparition de ce trio composé de Raf Chevignon au chant et aux textes, d’Alex Torticoli à la guitare et de Jo Burne à la batterie – un groupe d’anciens, quoi. Raf étincèle avec sa veste blanche de macro, son futal en skaï noir et ses bottes de cow-boy. Il est nonchalamment adossé contre un mur, devant un pupitre sur lequel il a posé ses textes. Parce que comme d’habitude avec lui, les textes sont plus qu’importants et il y a toujours un côté performance voire théâtral dans ce qu’il fait.
Donc je fais des efforts pour tendre l’oreille mais pas trop quand même puisque monsieur a débarqué avec sa propre sono pour la voix : effectivement il raconte plein de trucs dégueulasses, non pas pour choquer gratuitement (quoique…) mais plutôt pour mettre le doigt là où ça fait mal ; et il n’a pas besoin de nous chier dessus non plus, il lui suffit juste de nous mettre la gueule sur tout ce qui nous entoure. Derrière lui, les deux autres font bien plus qu’assurer un blues noise d’excellente facture et très dense. C’est lent, c’est lourd, poisseux et bruyant et la musique va crescendo, accompagnant le chant/narration de plus en plus énervé et distillant toujours plus de terreur malsaine. Tout ça finit dans une cacophonie explosive comme un orgasme un peu abject. J’en tremble encore.




Le deuxième groupe s’appelle STEVEN, STEVEN & STEVEN – ou, pour faire un peu plus simple, The Steven’s – et j’ai la surprise de reconnaitre le bassiste chevelu, également activiste du côté de Grrrnd Zero, fraction armée et option métallurgie appliquée aux plaisirs sonores. Le batteur aussi ne m’est pas totalement inconnu puisque déjà vu il y a quelques mois avec un groupe de post rock un rien plan-plan (pléonasme) en première partie de Chausse Trappe. Par contre la tête du guitariste/chanteur ne me dit rien du tout mais il porte un t-shirt délicieusement kitsch de Metallica et des lunettes voltigeuses. Évidemment ils affirment tous les trois se prénommer Steven, ce groupe doit pas être tous les jours facile à gérer.
A partir de là, je ne savais pas trop à quoi m’attendre avec The Steven’s, trio présenté comme jouant du doom satanique et une chouille psychédélique. La chouille sera en fait plutôt conséquente et il est vrai que tout ça était bien lourd, bien gras et surtout très drôle, jusque dans l’exagération assumée, un final assez grandiose avec une basse maltraitée à la baguette, une guitare qui vomit, un batteur qui s’énerve (mon garçon, arrête tout de suite avec ton groupe de post-rock, tu mérites bien plus que ça) et donc des lunettes qui partent très loin en vol plané. Lorsque les trois Steven s’arrêtent de jouer, ils ont l’air un peu saouls de leur musique et ils ont bien rigolé, moi aussi, beaucoup même – voilà un vrai groupe de nerds. En espérant les revoir bientôt.




Suit FORZA PSCHITT, à savoir les deux-tiers de Torticoli. On retrouve donc le guitariste qui jouait tout à l’heure avec Cougar Discipline mais depuis il a changé de tenue et surtout de guitare. Il change de jeu également, troquant la rage malaxée et la boue épaisse de Cougar Discipline pour d’infinies guirlandes de dentelles torsadées et presque élégantes et une application mélodique toujours intéressante. Pourtant je ne me résous toujours pas à ranger Forza Pschitt dans la trop petite case des groupes de math-rock parce que le duo, pas loin d’être virtuose et – évidemment – instrumental, va bien au delà des clichés néo-prog et de la branlette de loop station. Ça tombe bien, Alex n’utilise pas ce genre de saloperies tout simplement parce qu’il n’en a vraiment pas besoin.
La complémentarité des jeux des deux musiciens est également très frappante car ils n’arrêtent jamais de dialoguer, un échange permanent toujours pour le meilleur. Pourtant, d’une certaine façon aussi, chacun rivalise, visant toujours plus haut, et donc guitare comme batterie accaparent tour à tour toute l’attention : il est difficile pendant un concert de Forza Pschitt de ne pas se focaliser sur l’un puis sur l’autre et inversement, ne sachant plus où donner de la tête, comme un vertige tourbillonnant et étourdissant.




Les rois de soirée jouent enfin. Les deux BURNE prennent un peu de temps pour installer leur matériel – une batterie avec double pédalier et des cymbales placées vraiment très haut, une tonne et demi d’amplification pour la turbo-basse et toujours le système d’éclairage avec néons et lumières stroboscopiques – mais il est vrai également que casser une corde de basse dès les premières secondes cela n’aide pas non plus.
Passé ce petit moment toujours un peu désagréable, Burne repart aussi sec ; le groupe est encore plus fort, plus déterminé que jamais et assène un titre plutôt lent et dévoile aussi un côté plus sombre et viscéral que je ne lui connaissais pas. C’est pour moi le principal enseignement de ce concert le Burne : le duo a encore muri et progressé et surtout semble avoir diversifié son propos – en milieu de set le groupe a également joué un étonnant morceau au groove aussi improbable qu’imparable. Pourtant rien ne semble réellement prémédité, les deux décidant après chaque titre celui qu’ils veulent jouer après. Ces deux là doivent un peu se connaitre par cœur.
Le concert se termine sur une suite de titres totalement hardcore/spazz as fuck, une suite quasi ininterrompue de déflagrations et un étalage de tortures soniques poussées à leur paroxysme par les éclairs des stroboscopes – mais à ce moment là les Burne pouvaient bien faire ce qu’ils voulaient, ils m’avaient définitivement mis dans leur poche, tout comme le reste du public.

[les photos du concert c’est par ici]