Il pleut et il fait froid, ça caille même vraiment,
c’est encore l’hiver et j’ai des rhumatismes : ce live report directement
placé sous le signe de la complainte gériatrique commence très mal, non ?
Pourtant voilà le genre de considérations météorologiques et autres que
j’échange paisiblement sur le pont du Sonic avec l’homme de S’Etant Chaussée, organisateur du
concert du jour, tout en guettant dans le ciel les signes avant-coureurs d’une
éventuelle éclaircie et de la fin d’une pluie aussi serrée que merdique. Un temps dégueulasse
qui incite les plus frileux et les plus feignants à rester bien au chaud à la
maison au lieu de sortir pour voir des groupes et écouter de la musique et donc
un temps à vous plomber un concert…
… Mais les absents ont toujours tort : même si
cette expression horriblement sentencieuse et (à moins de savoir manier le
second degré) digne d’un imprécateur expert en ostracisme me défrise
toujours autant – parce qu’après tout les gens font bien ce qu’ils veulent de
leur vie –, il faut tout de même avouer qu’il ne fallait pas rater ce concert
réunissant MORSE et DIVORCE. Une belle affiche et, disons-le tout de
suite, un vrai bon concert, du genre qui fait terriblement du bien par où il
passe.
Certains attendaient DIVORCE de pied ferme, surtout
après la belle succession de singles et de splits et surtout après le premier album*
sans aucun faux pas que les écossais ont publiés en quelques années seulement. Divorce
c’est du noise-rock version à la punk c'est-à-dire d’une sauvagerie totalement
décomplexée. Un groupe à l’exact opposé d’Uzeda revu en concert moins d’une semaine auparavant : les siciliens préfèrent opter pour la
transcendance de leur bruit vers toujours plus d’émotion brute et de beauté
contrastée ; avec les écossais de Divorce on est du côté du défouloir
voire du dépotoir, faut que sorte, même si ça fait mal.
Ce qui ne signifie pas que chez Divorce on joue
n’importe quoi et n’importe comment. Bien au contraire : je pensais que la
chanteuse et la guitariste allaient monopoliser toute l’attention et tous les
regards mais les écossais possèdent aussi et surtout une sacrée bonne paire
rythmique, un couple basse/batterie** sans lequel Divorce, tout en gardant
son côté vide-ordures/exutoire punk, ne serait pas aussi génialement efficace
en concert – il fallait même voir la bassiste assurer une ligne de basse lourde
de chez lourde juste en tapotant sur le manche de sa basse, son autre main
attendant fébrilement le top départ pour enfin labourer les cordes au médiator.
Sinon Divorce c’est presque uniquement que du
basique et que du classique : la guitariste déborde de bonnes idées pour
mettre le feu aux poudres et elle n’utilise qu’une Big Muff et une fuzz box, le
son de sa guitare est aussi cru et brut que déchirant et taillé à la hache
(avec parfois l’utilisation judicieuse d’un bottleneck). Quant à la chanteuse
elle a pris soin d’enfiler son pijama Winnie L’Ourson (?) et a passé les
dernières minutes avant le début du concert à se préparer bien comme il faut en
descendant une bouteille de whisky salement frelaté. Elle chante donc presque
complètement bourrée et au passage se vautre joyeusement au milieu du public
– Divorce joue au sol, devant la scène et dans la pénombre, une configuration
idéale pour ce genre de musique*** –, se faisant mal de chez mal mais assurant pleinement
le spectacle alors que les trois autres continuent sans sourciller de balancer
leur noise-rock vraiment sale et follement méchant.
Et puis il y a ces nombreux moments où les quatre
Divorce jouent complètement ensemble, boule de feu et d’énergie qui emporte tout
sur son passage, fait chavirer et bouscule le public scotché au et par le
groupe, débauche de sueur, de cris et d’électricité. Divorce enlève alors toute
retenue, allons-y pour le meilleur comme pour le pire, tout ça ne durera qu’un
seul instant et on l’accepte comme tel. Pas le groupe le plus génial du moment
mais un groupe qui a tout compris à ce que devrait toujours être l’instant (barré)
d’un concert, comme une dose de folie irrécupérable que l’on s’injecte pour un
bon shoot.
En première partie MORSE a fait plus qu’assurer son rôle de
passe-plat et/ou de chauffe-ambiance : quelques-uns sont venus exprès pour
eux et ils ont bien eu raison. Je me surprends à reconnaitre les titres joués –
Muted est en seconde position de la
setlist – alors que je n’ai vu le groupe qu’une seule fois en concert
auparavant (OK : j’ai un peu triché en révisant à l’écoute de la cassette
de ces jeunes gens).
Il n’empêche que revoir Morse si peu de temps
après est un vrai plaisir, je trouve même le groupe encore meilleur, non ce
n’est pas déjà la force de l’habitude, genre ça joue bien et, encore une fois, ça joue racé... En milieu de
set Morse se lance dans une toute nouvelle compo et je me dis que si le groupe
pouvait encore étoffer son répertoire pour assurer des concerts un peu plus
longs ça serait réellement parfait.
* pour les acharnés du disque et autres
collectionneurs compulsifs : sur sa table de merch Divorce proposait une tour
edition de son album sous la forme d’un double CD, le deuxième disque incluant des
inédits et des titres que le groupe a déjà publiés sur certains de ses singles et
splits précédents – j’en connais qui prétendent que ces titres, enregistrés au
cours de l’année 2011, sont même meilleurs que ceux de l’album (il est vrai que
Whiskey Shoes est un pur
chef-d’œuvre)
** le batteur a un chouette tatoo des Flying
Luttenbacher sur le bras, assurément une preuve de bon goût
*** configuration peut-être idéale pour profiter
du concert mais pas pour prendre quelques photos
un tant soit peu potables