CHILD BITE
est un groupe plein de bizarreries comme on les aime. Après une poignée de
singles et de splits – dont un en compagnie de Dope Body et un autre de
DD/MM/YYYY – ce groupe originaire de Detroit a publié en 2010 The Living Breathing Organ Summer, un premier
album en forme de subtil mélange entre aspirations mélodiques (et parfois
presque pop) et les quelques tendances de Child Bite à faire éventuellement du
rentre-dedans voire du bourre-pif. Dans le genre rock noisy, catchy, barré,
intrigant et très imaginatif, The Living
Breathing Organ Summer est presque un modèle du genre et revenir
aujourd’hui un peu en arrière pour réécouter ou plus simplement découvrir cet
album s’impose plus que jamais.
Puis le monde moderne a connu quelques fins du
monde supplémentaires, des tremblements de terre à répétition, des crises
économiques à effets volontairement durables, des ouragans, des suicides
collectifs, des tueries d’enfants innocents et Child Bite s’est peu à peu
métamorphosé. Le groupe a durci le ton, a limité l’utilisation de ce bon vieux
synthé qui donnait à la musique du groupe son côté psyché pas dégueu, a à la
fois alourdi et aiguisé ses guitares, a bandé ses rythmiques et le chanteur/guitariste
barbu Shawn Knight, désormais convaincu qu’il ne serait jamais un crooner, même
destroy, a endossé un chouette costume du braillard un peu psycho et s’est mis
plus que jamais à ânonner comme un Jello Biafra sous amphétamines (et sans plumes
dans le cul).
Le premier résultat tangible de cette métamorphose
s’appelle Monomania, un 10’ publié en
2012 chez Joyful Noise recordings et doté d’un son généreusement volumineux
(Weasel Walter ne s’y est pas trompé puisqu’il a masterisé ce disque). Six
titres de punk noise méchamment outré et barré, expérimental et arty diraient
les ayatollahs du hardcore, truffé de plans progressifs qui ne donnent même pas
envie de vomir – bien que le dernier titre Scum
Gene (Trash Vibrato) soit vraiment un peu limite – mais qui font vraiment
beaucoup rire (comme n’importe quelle bonne drogue digne de ce nom).
Child Bite s’est donc transformé avec succès en un
monstre hybride et chaotique, ne délaissant pas pour autant les petites
mélodies qui font mouche ni les embellissements qui scintillent mais c’est un
fait que Monomania est un disque
autrement plus méchant, vicieux et déviant (au milieu du lot le génial Smear Were The Face témoigne à la fois du
Child Bite nouveau et de l’ancien).
Début janvier 2013 Child Bite en a remis une
couche avec un deuxième 10’, cette fois-ci intitulé Vision Crimes et dans la droite lignée de Monomania si ce n’est qu’il s’agit d’un disque encore plus direct,
plus noise-rock, plus punk aussi mais toujours aussi génialement foutraque,
dont la fantaisie composite ressemble de moins en moins à une blague de
potaches boutonneux mais déverse des torrents de hargne qui font du bien – non,
je n’ai pas écrit les mots de « happy noise », cette invention pour
hipsters, et je ne le ferai sûrement pas. Mieux, Vision Crimes a presque un côté inquiétant, sombre et salement vindicatif
et Child Bite a mué en clown sanguinolent, monstrueux et affamé. Planquez vos
enfants.
Détail qui ne gâche rien, Vision Crimes et Monomania
sont deux très beaux objets et à la présentation similaire : vinyles de
couleurs, pochettes doubles de couleurs différentes et s’imbriquant l’une dans
l’autre et copies numérotées à la main. Ces deux disques sont toujours disponibles
et trouvables mais le label Joyful Noise recordings a décidé de procéder à une
édition combinées de Vision Crimes et
Monomania sous la forme d’un LP
bicolore pour les esthètes (ou d’un CD pour les autres), ce qui en soi est une
très bonne idée et devrait permettre à un plus grand nombre de découvrir enfin ces
américains… En attendant signalons que la page bandcamp de Child Bite est bien
fournie, elle propose divers singles, le premier album The Living Breathing Organ Summer ou le 10’ Monomania (mais, au moment où vous lirez cette pauvre chronique, toujours pas
de Vision Crimes en ligne).