Il y a des disques que l’on attend beaucoup plus
que les autres et le quatrième album de STNNNG
est de ceux-là. Oui : Empire Inward
est effectivement le quatrième album des héros de Minneapolis mais, à la
différence de leurs petits camarades de Pissed Jeans qui eux s’y sont
relativement cassé les dents avec leur récent Honeys, les STNNNG ne font preuve d’aucune faiblesse, ne tombent
pas dans la routine et demeurent un groupe plus merveilleux que jamais. L’âge
et la bouteille vont bien à ces gars là qui, une fois de plus, nous délivrent
avec Empire Inward leur meilleur album
à ce jour. La même chose avait déjà été affirmée à propos du précédent Smoke Of My Will aussi on voit tout
simplement dans ce résultat la marque d’un très grand groupe : un groupe
capable à chaque fois d’en remettre une couche et de se dépasser tout en évoluant.
De la grande classe comme de la clairvoyance.
Empire
Inward démarre on ne peut mieux avec Ring
And Roar, un véritable brûlot annoncé par un riff complètement inspiré par
les guitares des frères Young lorsque AC/DC était encore un jeune groupe sale
et méchant. STNNNG s’y connait aussi en sueur, la preuve, mais c’est le chant
possédé de Chris Besinger* qui vous saute ensuite à la gueule – princier,
époustouflant, hargneux et, plus que tout, classieux. Ce type va faire des
miracles tout au long de Empire Inward,
complètement à l’aise dans une gamme de registres que l’on ne rencontre que
rarement chez un chanteur officiant dans un groupe de noise rock :
écoutez-le sur le début de Old Fool And
Crow se rouler lentement dans la boue avec, on croit le deviner, une
certaine ironie, puis, sur la fin, remettre Pete Simonelli d’Enablers à sa
juste place. En début de Face B, le morceau titre prend exactement le chemin
inverse : Chris Besinger fait lentement mais sûrement monter la pression,
passant du mode narratif à celui de la possession pure et simple. Mais c’est
sur Adam Justified qu’il opère de
véritables miracles, voilà un titre en forme de balade sombrement bluesy et
traversé en son milieu d’une série d’explosions noise et de hurlements de
démence qui vous électrisent pour de bon – Adam
Justified est assurément l’un des meilleurs titres de Empire Inward.
A y regarder de plus près on pourrait sans doute
citer et décrypter chacun des huit titres de cet album tant chaque
nouvelle écoute révèle de nouvelles pépites. Mais le chant n’est pas le seul
responsable** de la qualité hautement supérieure de Empire Inward. Une autre particularité de STNNNG est d’avoir deux
guitaristes dans ses rangs, un line-up là encore inhabituel chez un groupe de
noise-rock. Et elles sont vraiment belles ces guitares, elles sonnent à
merveille***, sèchement généreuses et surtout elles communiquent, permettant
également à STNNNG des fausses coquetteries des plus réjouissantes comme des
solos de guitare – mais oui – aussi approximatifs que jubilatoires (et qui ne
seraient sans doute pas aussi jubilatoires s’ils n’étaient pas d’abord aussi
approximatifs).
Il n’y a donc rien à redire d’un disque qui vous
prend constamment par surprise : par exemple Ballad Of The Drunken World démarre effectivement comme une chanson
d’ivrogne avec le seul Besinger qui s’égosille dans le caniveau or Ballad Of The Drunken World se révèle
être le titre le plus virulent de Empire
Inward, fracassé jusqu’à la déraison. Et quand on vous affirme qu’il n’y a
rien à redire et à jeter de ce disque****, il s’agit tout simplement d’une
vérité indiscutable : Empire Inward
ne devrait pas seulement séduire et combler les fanatiques de noise-rock mais
devrait également ravir et emporter avec lui toutes celles et tous ceux pour
qui, en matière de musique, les mots sauvage, généreux, déglingué et impérial (sic)
ont encore un sens.
Empire
Inward est publié aux Etats Unis par Modern Radio records (qui jusqu’ici a publié tous les disques de STNNNG) et en
Europe par Rejuvenation records*****. Il existe quelques différences notoires entre ces deux
éditions :
- la plus importante est que si vous êtes un petit
européen et que vous achetez ce disque aux U.S. il vous en coutera pas moins de
27 $ de frais de port contre environ 5 € pour la version européenne – et
inversement pour les petits américains, le choix est donc vite fait…
- bien évidemment le logo du label figurant en
haut et à droite du recto de la pochette n’est pas le même
- Modern Radio a opté pour un vinyle noir,
Rejuvenation pour un vinyle marbré avec des traces de doigts sales pleins de gras et
de cambouis dedans mais les deux versions portent la même
inscription en fin de face A : « The ocean must be fed »
- il y a un insert indépendant dans l’édition
américaine alors que pour l’édition européenne c’est la pochette intérieure qui
est imprimée
- Rejuvenation a en plus procédé à une version CD
pour satisfaire les marchés émergeants de l’Europe de l’est et du sud
* je me le demande toujours : Besinger, c’est
un pseudo en forme de jeu de mots, ou bien ?
** les autres membres de STNNNG sont Adam Burt
(guitare), Ben Ivascu (batterie), Jesse Kwakenat (basse) et Nathan Nelson
(guitare)
*** Empire
Inward a été enregistré par qui-vous-savez aux studios Electric Audio de
Chicago
**** un disque un peu court vous diraient certains
avec sa petite demi-heure mais ici c’est
vraiment la durée idéale
***** après avoir publié Push Over, le troisième album de Hawks, les gens de Rejuvenation
font donc à nouveau très très fort ; ici on espère simplement que, comme
avec les Hawks, la Réju Team arrivera à monter une tournée française/européenne
pour STNNNG – il est de plus en plus inconcevable de ne pas avoir un jour le
bonheur intense de voir ces mecs en concert, pour de vrai