vendredi 30 novembre 2012

Jello Biafra And The Guantanamo School Of Medicine / Shock-U-Py!



De la politique, toujours. Jello Biafra est une exception qui confirme la règle : si ses textes, éminemment  politiques, ont parfois autant de portée c’est parce il prend ce parti-pris génial et vicieux de se mettre dans la peau du salaud et, surtout, parce que l’ironie dont il fait systématiquement preuve et les sarcasmes qu’il manie comme personne le protège en partie des effets néfastes de l’exemplarité moraliste. Autrement dit Biafra n’accuse pas directement (comme un Crass et tous ces anarchopunks plus ou moins inspirés) mais nous met violemment la gueule dans notre merde, nous fait ressentir le niveau de putréfaction ou d’ignominie de ce qu’il veut en fait dénoncer mais il nous laisse en tirer les conséquences qui s’imposent, uniquement par nous-mêmes.
Biafra est souvent accusé d’être en fait un grand manipulateur, conscient de son pouvoir d’orateur et de chanteur, adulés par ses fans, tout comme il a été littéralement haï par les classes dirigeantes américaines… Est-ce toujours le cas ? Si seulement son discours pouvait encore rencontrer le moindre écho dans les médias américains verrouillés et pouvait encore vraiment déranger qui que ce soit – lorsque Biafra a fait de la prison au milieu des années 80 ce n’était pas pour le caractère corrosif de ses textes mais, fort hypocritement, pour des raisons détournées (« appel à la pornographie », suite à l’utilisation du Penis Landscape de H.R. Giger dans l’insert de l’album Frankenchrist des Dead Kennedys) mais ça c’était il y a bien longtemps. Par contre si le terme de « gauche » pouvait encore avoir un sens, surtout aux Etats-Unis, il s’appliquerait à Biafra et non pas aux sociaux démocrates tièdes et pro capital du parti démocrate américain de Barack Obama (R.I.P.). 




Mais Jello Biafra est nettement moins convaincant et nettement moins drôle lorsque ses chansons protestataires retrouvent les chemins de la revendication directe ; c’est exactement le cas de ce Shock-U-Py!, face A et titre du dernier mini album en date de JELLO BIAFRA AND THE GUANTANAMO SCHOOL OF MEDICINE. Un titre – en référence au mouvement Occupy Wall Street – qui résonne comme un slogan pour une composition tout juste honorable. Grosse fatigue ? Enjeu trop important et hors de portée de la verve de monsieur Biafra, pourtant rompu à tous les exercices ? Qu’importe… sans être vraiment indispensable Shock-U-Py! ne restera pas non plus dans les annales.
En face B on trouve deux titres annoncés comme inédits : du moins c’est ce que précise l’autocollant décorant la pochette du disque, lequel nous précise en même temps que Jello Biafra et ses amis publieront un album en 2013 (pour l’instant intitulé White People And The Damage Done). Barackstar O’Bummer, dont le titre laisse clairement entendre les sentiments que Biafra porte à Obama, est – musicalement – plus impressionnant que le tube Shock-U-Py! et on s’en contentera donc ; puis vient We Occupy, un titre enregistré cette fois par Jello Biafra et les canadiens de D.O.A. et déjà précédemment publié sur un single de ces derniers, il y a quelques mois. Pour faire simple disons que We Occupy, encore plus mauvais que du Rancid, ne restera pas non plus dans les mémoires comme ce moment de bravoure punk, tendancieuse et subversive qu’il aurait du être. Plouf. En espérant que l’album annoncé de Jello Biafra And The Guantanamo School Of Medicine nous réserve de bien meilleures surprises…

Shock-U-Py! est publié en 10’ et en CD par Alternative Tentacles (bien sûr). Le coupon de téléchargement mp3 inclus avec la version vinyle propose en outre un mix différent et sans intérêt du morceau titre.

jeudi 29 novembre 2012

Quartier Rouge / Nouvelle Vague




Enfin des nouvelles discographiques de QUARTIER ROUGE. C’est que Les Années Lumières, le premier album de ce groupe parisien et malgré des qualités certaines, ne rendait que partiellement compte de la violence jubilatoire et de la folie furieuse de Quartier Rouge en concert ; on peut même dire que Les Années Lumières offrait dès sa parution un visage du passé parce que le disque avait été enregistré avec un line-up incluant un bassiste or ce bassiste était déjà parti voir ailleurs si l’herbe était plus fraiche et qu’un olibrius en bas résilles et facétieux joueur de Moog lui avait succédé depuis quelques temps.
Nouvelle Vague remet donc les pendules à l’heure puisque dessus on retrouve la formation chant de psychopathe exhibitionniste/guitare tronçonneuse et sans pitié/batterie en mode orgue de Staline/Moog intersidéral ; l’avantage également est que sur Nouvelle Vague Quartier Rouge ne perd absolument rien de sa niaque – comprenez : l’absence de basse ne se fait pas ressentir et c’est essentiellement du à la guitare qui occupe parfaitement tout le terrain – tout en gagnant ce supplément de foutraquerie psychotique et dérangée. Le groupe se trouve toujours à la croisée de plusieurs chemins, l’un d’eux mène au noise hardcore, un autre est vicieusement rock’n’roll déviant – avec un chanteur qui croonise et croasse (en français mais pas seulement) comme un cadavre de teddy boy décérébré et ressuscité aux amphètes – et le dernier a quelque chose à voir avec l’option téléportation aux pays des cauchemars essentiels grâce à l’utilisation du synthétiseur déjà mentionné, un instrument que l’on ne croise pratiquement jamais du côté des musiques ultra énervées et bruyantes.
Vingt minutes plus tard Quartier Rouge a démontré avec Nouvelle Vague que le groupe en a autant dans la culotte que ce que la profusion d’idées du disque, entre combustion instantanée, ruades insensées et ball-trap de cervelles éclatées, voulait bien nous laisser croire. Alors maintenant il ne s’agit plus seulement de croire mais de se soumettre.

[Nouvelle Vague est publié en CD uniquement (pour l’instant ?) par Rat Romance label, auprès de qui il est disponible pour 6 €uros port compris – une seule solution pour atteindre le bonheur : ratromance[arobase]gmail[point]com]

mercredi 28 novembre 2012

Metz : Dirty Shirt b/w Leave Me Out


Continuons de défendre la veuve et l’orphelin : ce 7’ tout simple a été édité par Sub Pop pour accompagner le premier album sans titre de METZ : comme on ne manque par d’humour du côté de Seattle cette édition réservée exclusivement aux accrocs qui avaient directement précommandé l’album auprès de Sub Pop a été baptisée « loser edition ». C’est tellement bon des fois de se sentir important.




La face A – celle avec un rond central sur lequel a été imprimé un code de téléchargement mp3 de ce single, on n’arrête pas le progrès – est occupée par un Dirty Shirt qui résume à lui tout seul l’optique unidimensionnelle du punk noise selon Metz : deux riffs bourrus qui reviennent en alternance, une ligne de chant qui répète tout le temps la même chose ou presque, un rythme soutenu par une doublette assurée elle au tom basse, un pseudo break avec un solo de guitare qui n’en est pas un à la fin, juste avant de brailler une dernière fois le refrain ; Dirty Shirt ne décevra pas les fans de Metz tout comme il confirmera auprès des détracteurs du trio canadien que ce groupe ne sert vraiment à rien – seulement le jour où la musique servira à quelque chose faites-moi donc un signe.




La face B propose elle un Leave Me Out un chouïa supérieur à Dirty Shirt. Plus que ça, même : Leave Me Out comporte au moins deux idées de plus que son prédécesseur et surtout voilà un titre qui fait regretter que Metz ne fasse pas un peu plus d’effort – OK : le jour où le mot « musique » sera indistinctement associé au mot « effort » et bien n’oubliez pas de tirer la chasse – alors non, on veut juste dire par là qu’en écoutant Leave Me Out on se rend compte que Metz pourrait aisément passer du stade de bon petit groupe à celui de groupe punk as fuck et excitant über alles. Mais peut-être que ces gars là ne le veulent pas ; peut-être qu’ils veulent tout simplement continuer à être juste au dessus de la petite moyenne tant que ça leur permet de boire des bières, de fumer de la skunk, de rigoler entre potes et de niquer à l’occasion ; peut-être aussi que ce ne sont que des branleurs, allez savoir…

mardi 27 novembre 2012

202project / Disco Quake




Les salauds et les fils de pute sont-ils sincères ? Question essentielle. Car autant dire que nous sommes sûrement tous des salauds ou des menteurs. JP Marsal AKA 202PROJECT revient près de deux ans après un Total Eclipse qui aura remué son quota d’idées noires et de clair-obscurs troublants. Ce nouvel album, dignement et uniquement publié en vinyle et intitulé Disco Quake, est le parfait successeur de ce coup d’éclat de 2010. Pourtant, et même s’il ne change pas radicalement la donne, voilà un disque qui semble bien plus désinvolte, bien plus ironique (désabusé ?) et – donc – moins en quête d’espérance et de repères. La légèreté faussement détachée (musicalement les 80’s dominent largement Disco Quake) qui s’échappe des douze titres de cet album n’arrive toutefois pas à cacher un malaise certain et palpable. Mais Disco Quake n’est pas un album moins personnel que Total Eclipse, il est juste d’apparence moins affectée parce que moins ambitieux… il n’en est donc que plus touchant.
Musicalement on ne manque pas non plus de remarquer la constance rythmique affichée de Disco Quake : mis à part Hollywoodland en fin de face A et The Moon Of Doom en avant-dernière position de la face B, toutes les compositions du disque vont à la même vitesse, celle d’une new wave robotique, grésillante et noisy, mais pas assez rapide pour danser dans l’oubli et l’insouciance ni assez lente pour se complaire dans la suffisance de l’auto-apitoiement. Très loin de provoquer un sentiment de lassitude, ce compteur rythmique bloqué entre 115 et 120 bpm est l’une des grandes forces du disque parce qu’il dévoile les qualités déterminantes de JP Marsal/202project en tant que compositeur et arrangeur. Autant de chansons qui auraient pu toutes se ressembler mais, de fait, autant de pépites diversifiées et aux caractères propres.
La face B de Disco Quake est même encore plus surprenante que la première avec des compositions (aux titres aussi hilarants que le grinçant fuckfuckfuck et le plus mélancolique Fish’n’Chips) qui semblent réellement prendre des voies parallèles tout en regardant de plus loin la même ligne d’horizon que le restant de l’album. Et comme si cela ne suffisait pas The Rain Drop In The Sand dévoile un côté 60’s (avec un simple mais très bon travail sur les arrangements) qui fait presque figure de rayon de soleil.
Le soleil ça brille mais ça brûle également ; un peu à l’image du superbe artwork de Disco Quake (signé Ronan Scoarnec, il avait déjà fait des pochettes pour 202project ou pour les groupes précédents de JP Marsal), un artwork montrant un bout de pellicule 35 mm brulée par une ampoule de projecteur trop puissante… comme si à force de vouloir voir de plus en plus clair on devenait complètement incapable de discernement ; comme si, après avoir emprisonné la réalité, on l’avait purement et simplement détruite ; comme si enfin les rêves revenaient à leur place, celle de l’éphémère. En réécoutant toujours plus Disco Quake on se dit également qu’au final voilà un disque beaucoup moins léger qu’il ne semble au départ. En tous les cas un disque fort estimable et un nouveau coup de maitre de la part de 202project.




Disco Quake est publié en LP par 202 Prod. et le Son Du Maquis (avec poster et coupon de téléchargement). Et pour les lyonnais qui l’auraient manqué lors de son récent passage au Nouveau Théâtre du Huitième en première partie d’Acid Mothers Temples, 202project sera en concert lyonnais au Sonic en première partie de Led Er Est le 30 novembre prochain.

lundi 26 novembre 2012

Report : Alabaster, Verdun, Pord, Veuve SS et Meurthe à Grrrnd Zero - 20/11/2012





Belle grosse soirée de folie convulsive et participative à Grrrnd Zero puisque Ostrobotnie, Bigoût records et Mono-Burne Enfumée s’associent pour organiser ce qui va s’avérer être le concert de metal/noise/hardcore de la saison. A l’affiche pas moins de cinq groupes – Alabaster, Meurthe, Pord, Verdun et Veuve SS (cherchez l’intrus) – et surtout un public qui répond présent.
Comme annoncé à corps et à cris la salle ouvre effectivement ses portes à 20h15 pétantes, et non ce n’était donc pas une blague, car le premier groupe est prévu pour démarrer les hostilités à 21 heures… miracle, à l’heure dite et devant une audience qui va aller en grossissant de fortes déflagrations commencent à se faire entendre dans un coin du nouveau hangar frigorifié de Grrrnd Zero. Ça va saigner.




Le premier groupe en question s’appelle ALABASTER, n’a qu’un ou deux concerts à son actif mais est composé d’une bande de vieux briscards : un chanteur et un guitariste issus d’Overmars, un bassiste rescapé de Kiruna et un batteur transfuge de Geneva ; que du beau monde, du gratin avec du pedigree tout autour mais on sait pertinemment que ces conditions, bien que très alléchantes, ne sont pas forcément toujours suffisantes pour faire un bon groupe.
Alabaster ne mettra pas longtemps à convaincre, jouant ce hardcore noise typé 90’s avec des riffs tordus et maladifs sur fond de rythmiques plombées – quelque par entre Deadguy et Rorschach si on veut. Le braillard tatoué en chef s’en donne à cœur joie mais, sans rien enlever aux autres membres du groupe, cela fait particulièrement plaisir de réentendre et revoir monsieur Dulaurier dans autre chose qu’un groupe de post rock à la con avec violon et surtout de retrouver Monsieur Poutch dans un vrai groupe qui pulse, le sourire et la bave aux lèvres, en train de tordre sa guitare et d’en extraire des riffs démoniques des feu des enfers. On va tous mourir.




Mais avant il faut passer par VERDUN. La première venue des montpelliérains dans la cave suintante et sombre des Capucins en février dernier avait déjà marqué les esprits et les corps mais sur la scène de Grrrnd Zero le groupe va carrément tout atomiser sur son passage. Lent, ultra heavy, parfois psychédélique et mélodique à ses heures, le doom de Verdun a encore gagné en maturité, en force de conviction et en efficacité carnassière ; les nouveaux titres du groupe (comprenez : les titres qui ne figurent pas sur son premier EP The Cosmic Escape Of Admiral Masuka) s’annoncent excellents même si le désormais incontournable Last Man Standing arrive toujours à tirer son épingle du jeu et à faire verser au fan transi une larme d’émotion accompagnée d’un frisson de douleur consentie.
Verdun impose son (très) gros son – il y a quand même deux guitaristes sur la scène – et le groupe impose surtout ce groove en forme de pression à froid qui vous écrase tout en vous vrillant dans la démesure. Devant la scène le chanteur s’arrache consciencieusement les cordes vocales, s’offre un brin de théâtralité, occupe l’espace, fait face au restant du groupe que, tel un monstre venu des abysses, il semble vouloir dompter malgré tout.
Verdun ce n’est pas seulement une relecture passionnante, imaginative et explosive du doom post 70’s, c’est aussi et tout simplement l’un des groupes actuels les plus puissants et les plus excitants vus en concert ces derniers temps. Un groupe synonyme de carnage, de boucherie et de désolation – s’il existait un prix Nobel de la guerre il reviendrait obligatoirement à Verdun. Vivement l’album.




Malgré tout l’amour que je porte aux PORD je n’ai pas pu m’empêcher de leur souhaiter bon courage après le passage de la lente furie explosive de Verdun. Pourtant on commence à les connaitre ces trois là, alors quelle bêtise de les avoir ainsi sous-estimés. Les débuts du set tendent pourtant à confirmer que cela va être un peu dur pour le trio : le son est (presque) calamiteux, très mal équilibré en tous les cas et en plus on n’entend pas grand-chose voire strictement rien de la voix.
Mais les choses s’arrangent, les trois Pord persistent, resserrent les rangs, gagnent en intensité, en rage aiguisée et tranchante et leur hardcore noise prend de l’ampleur, s’arrachant du plancher des vaches pour gagner les hautes sphères de la frénésie et de la débauche sonique. Là aussi le groupe présente quelques nouveautés (sauf que Piscine & Gonzesses ça fait un peu trop west coast/Snoop comme titre, faudrait changer ça les gars), des nouveautés qui n’ont rien à envier aux compositions déjà anciennes de l’album Valparaiso. Les Pord, vous revenez quand vous voulez.




Il n’est pas loin de minuit lorsque les VEUVE SS montent enfin sur scène. Veuve SS c’est, musicalement parlant, à peu près tout le contraire de Verdun : du harcore tellement sale que le terme de crust en devient inapproprié, des titres hyper courts et radicalement violents. Il n’y a que dans l’intensité que les deux groupes pourraient peut-être se rejoindre mais question pousse au cul Veuve SS remporte la palme du groupe le plus virulent, ce qui ne l’empêche pas non plus d’aimer malaxer du glauque et de recracher du visqueux.
Au chant on retrouve un rasé moustachu (également batteur de 12XU, un groupe vraiment différent de Veuve SS), un garçon qui n’a pas oublié d’apporter son propre micro, tout cabossé… vu les coups qu’il donne avec sur la scène et vu comment il aime défourailler au milieu du public on comprend ce sursaut de prudence matérielle qui est bien la seule chose de raisonnable que l’on peut trouver chez un groupe aussi âpre et, finalement, aussi méchant. Un bon concert.




Veuve SS a à peine terminé son set que MEURTHE enchaine à quelques mètres de la scène, exactement là où Alabaster avait commencé en début de soirée. Meurthe joue à nouveau en formation duo c'est-à-dire avec un jeune batteur scoliotique et passablement inexpérimenté mais qui sait malgré tout tenir un rythme. Le set est structuré à peine différemment que lors du concert de Meurthe au Gaffer Fest aussi on peut s’y retrouver : un début bordélique qui semble annoncer la couleur ; un milieu plus atmosphérique avec que des sons bidouillés ; une longue fin avec bidouilles bruitistes et batterie cyclique – on regrettera toutefois que le groupe ait définitivement abandonné le passage dubindus fantôme pour cause de matériel récalcitrant.
Et puis, comme dire du mal est un plaisir sans équivalent – surtout lorsqu’il s’agit de personnes que l’on connait –, on fera remarquer qu’il est bien dommage également que la batterie n’ait pas été sonorisée : on ne l’entendait que trop difficilement sur la partie finale ; ensuite, l’accumulation/montée sonore s’est fait un peu trop attendre, l’intensité des sons mettant trop de temps à se transformer en ce chaos épais et réellement explosif que l’on espérait peut-être à tort. Meurthe n’est pas à véritablement un groupe de harsh noise – on mettrait plutôt le groupe dans la catégorie indus à visée périphérique ambiante –, ce que confirme l’utilisation d’une batterie tribale : il y a juste un équilibre à trouver entre la volonté d’hypnotisme et celle, plus concrète, de baroufer sans pédaler dans le vide.

[quelques photos du concert ici, chargées en t-shirts de métalleux et surtout en fumigènes anti-respiratoires]

dimanche 25 novembre 2012

Comme à la télé : MC5




Kick Out The Jams Motherfucker !

Une grosse crise de rire : voici un enregistrement télé (1972) d’une vingtaine de minutes des MC5 qui interprètent cinq titres seulement mais d’une façon tout à fait magistrale.

Le plus drôle reste tout le décorum autour de cet enregistrement : les vestes à paillettes, les coiffures Vidal Sassoon et le fond bleu dégueulasse du plateau télé façon vieux studio pour effets spéciaux.



La grande classe, non ?

samedi 24 novembre 2012

You Freud, Me Jane / Five Sex Events




Avec un nom de groupe comme ça – YOU FREUD, ME JANE – on ne sait vraiment pas trop à quoi s’attendre… Et si ce nom de You Freud, Me Jane restera pour moi et à jamais une énigme totalement inexplicable*, la musique du groupe, elle, ne l’est pas restée longtemps. Des rythmes plutôt lents et appuyés, surtout sur la première face du disque, une basse qui prend beaucoup de place et une guitare tranchante : avec Five Sex Events on est en terrain connu et ça tombe bien parce que ce terrain là est aussi l’un de ceux que l’on préfère, celui d’un noise rock charpenté mais mélodique, vif et énervé.
Il n’y a que le chant, vraiment trop appuyé et trop mélo – un peu comme celui de feu Portobello Bones dans ses plus mauvais jours – qui rebrousse le poil de l’amateur de musique ; ces fins de phrases et ces hahaaaaaaaaa ou ces hohoooooooo qui s’éternisent en trémolant plus que la décence la plus élémentaire et les tables de la loi inamovible du noise rock éternel ne l’autorisent d’ordinaire… il y a des coups de bâton qui se perdent. Mais heureusement You Freud, Me Jane n’est jamais aussi bon que lorsque le trio prend les chemins de l’expression instrumentale : en fin de disque, la partie intermédiaire de Belly Relief dévoile un passionnant tricotage de guitare façon mailles resserrées et aiguisées et lorsque ce même Belly Relief se met à ralentir ce n’est pas pour le plaisir de regarder le paysage ou sous les jupes des filles (quoi que) mais bien pour enfoncer le clou tordu et pointu d’un noise rock vicieux et sombre dans nos petites habitudes rouillées.
Que You Freud, Me Jane soit tout comme ce brave Sigmund un groupe d’obsédés sexuels ne fait également aucun doute : je vous laisserai apprécier par vous-mêmes le titre du disque, les titres de chaque morceau ou les paroles de Dai ! Dai ! Dai ! ; le plus drôle étant que la fille servant de modèle et posant sur les photos encombrant l’artwork de Five Sex Events s’appelle Aurélie Jung – les théories de ce cher Carl Gustav avaient beau diverger de celles de Freud, voilà le genre de détail qui m’amuse…

Five Sex Events tourne à la vitesse de 45 rpm (gros son, bon pressage) et a été publié par Chanmax records et Les Disques Du Hangar 221.

* OK : je lâche le morceau : on entend « You Freud, Me Jane » vers la toute fin de Carradine et il s’agit d’un sample tiré de Pas De Printemps Pour Marnie, un film d’Alfred Hichcock datant de 1964 – et alors ?

vendredi 23 novembre 2012

The Men / Immaculada




THE MEN c’était mieux avant. Et il n’y a pas si longtemps que ça, encore. 2010. Pas plus, pas moins. Cette quatrième (ré)édition – peut-être devrait-on parler de simple retirage – d’Immaculada, le premier véritable album du groupe de Brooklyn, est là pour le prouver. Oui, The Men c’était vraiment mieux avant, c'est-à-dire quand le groupe n’avait pas encore signé chez Sacred Bones records, quand il enregistrait dans sa cuisine des disques au son approximatif et quand Chris Hansell était encore le bassiste. Leave Home (2011) était déjà un disque décevant mais ce n’était rien comparé à Open Your Heart (2012) – Chris Hansell est pourtant crédité sur ce dernier mais sa participation reste néanmoins nébuleuse... Alors retournons en arrière et pas trop loin non plus (donc) pour réécouter Immaculada.
Jusqu’ici The Men ont toujours et à chaque fois plus ou moins enregistré le même disque puisque chaque album du groupe dévoile son quota de compositions hétéroclites. Un peu de punk rock 70’s par ici, un peu de shoegaze par là, un peu de hardcore au milieu et même un peu de noise rock. Déjà Immaculada n’échappait pas à la règle : la première face du disque est même un modèle de fourre-tout assez génial avec son intro brumeuse (Stranger Song), un titre de punk rock barré et lourd, presque du noise-rock par endroits (Problems/Burning Up), ce titre assez inqualifiable croisé au black metal (Grave Desecration) et un long instrumental atmosphérique qui ne donne pourtant pas envie de dormir (Madonna ; The Star Of The Sea). On s’y perd complètement mais on s’y retrouve quand même en ce sens que tout est excellent et que surtout tout est sale, suintant et chargé de rage.
La deuxième face du disque est à l’avenant marquée par les tubesques Lazarus et Praise The Lord And Pass The Ammunition et surtout dominée par la doublette hallucinée Oh Yoko/Immaculada et démontre que The Men dans leur forme originelle étaient bien plus méchants et vicieux que le gentillet groupe de punk rock arty et délavé avec sophistication qu’ils sont devenus par la suite. Evoluer c’est bien mais si c’est pour se vautrer dans les vieilles recettes chargées d’auto-complaisance alors non merci.
S’il y a un disque de The Men à se procurer d’urgence c’est donc bien celui-ci – et dans une bien moins mesure Leave Home. Celles et ceux qui ont vu récemment le groupe en concert – donc avec Ben Greenberg dans le rôle du bassiste/chanteur et non pas avec la bassiste de Pygmy Shrews dans celui de la plante verte intérimaire – sont cependant porteurs de bonnes nouvelles : The Men auraient enfin repris de vraies couleurs. Une information que l’on pourra vérifier dès 2013 puisque The Men ont déjà annoncé que leur nouvel album, le troisième pour Sacred Bones, devait être publié au printemps. Alors ne soyons pas trop rancuniers, attendons, attendons…

Immaculada est publié en vinyle par Deranged records ; c’est la quatrième fois en moins de deux ans que le label réédite ce disque (après un tirage noir, un rouge et un rose, retour au noir). 

jeudi 22 novembre 2012

Les Suce Pendus / self titled




LES SUCE PENDUS sont morts. Et s’ils sucent encore quelque chose, c’est plutôt les racines des herbes folles qui prolifèrent au dessus d’une fosse commune : ce groupe originaire d’Amiens s’est en effet auto-immolé après un ultime concert le 18 novembre 2011 ; il ne reste de lui que les souvenirs de celles et ceux qui ont eu la chance un jour de le voir en concert ; il restera pour toujours également ce LP sans titre et donc posthume, publié par Label Brique (la boite à rondelles d’Headwar).
Et il n’est jamais trop tard pour parler d’un disque comme celui-ci ; pas seulement parce que le groupe n’existe plus, on s’en fout complètement d’être en retard sur l’« actualité » car ce qui compte c’est bien ce qu’arrive encore et toujours à déclencher cette musique aussi noire et déglinguée que possible. Quatre (longs) titres seulement et des paroles en français qui laissent entrevoir, toujours au plus mauvais moment, des insanités, des horreurs, des chuchotements, des grognements, des hurlements, des cris de douleurs, des appels dans le vide : Les Suce Pendus aimaient appuyer là où ça fait mal mais, c’est plus une conviction qu’autre chose, ils étaient aussi les premiers jouets de leurs maux et de leurs souffrances.
Voilà donc un disque qui ne laisse pas vraiment le choix : ce sera le malaise, la violence et la boue de l’existence ou rien ; par contre – et c’est précisément sur ce point précis que Les Suce Pendus étaient un groupe sans aucun doute inestimable – ce disque est incroyablement fascinant et addictif. Oui, il nous traine là où on ne veut jamais aller, oui il nous montre ce que l’on ne veut pas voir, oui il nous malmène et nous perturbe… mais on aime ça et on en redemande.
C’est que la musique, tout aussi noire que le reste, est incroyablement belle et forte. Violemment belle et violemment forte, même. Les Suce Pendus piochent du côté du Berlin et du New-York du début des années 80, pillent Einstürzende Neubauten, The Birthday Party et les Virgin Prunes, réaniment la no-wave et le post punk, font glisser les guitares vers leur plus simple fonction de machines à bruits, martèlent des rythmes douloureux, jouent avec nos nerfs et nos désirs, malaxent les sons comme ils pétrissent les chairs, brulent le peu d’atmosphère respirable qui restait encore et nous abandonnent là, comme des pauvres merdes, désemparés, meurtris mais comblés, et seuls.
Un disque contre lequel le seul remède est de le réécouter. Encore, encore, encore, encore. Encore.

mercredi 21 novembre 2012

Report : Torticoli, La Terre Tremble !!! et Shield Your Eyes au Périscope - 16/11/2012




Alors, comme ça, il n’y pas que la musique dans la vie ?

Ces dernières semaines à Lyon ont été chargées en concerts – par exemple la veille de celui-ci, le jeudi 15, il y avait Fordamage, les Louise Mitchels et Binaire au Marché le Gare ; le jour même certains ont préféré aller voir Marvin au Sonic ; le lendemain ce sera le tour d’Acid Mothers Temple au Nouveau Théâtre du Huitième en association avec Grrrnd Zero – aussi il faut bien se résoudre à faire des choix.
Oui, je le sais, il y a pire comme problèmes existentiels mais par contre, question sûrement de militantisme, ce qui nous pend toujours au nez – parce qu'il n'y a rien de plus fragile qu'une structure alternative face aux institutions culturelles – c’est un jour d’avoir moins (presque plus ?) de concerts à se mettre sous la dent ; alors il faut aussi faire la part des choses et soutenir les groupes, les lieux, les orgas, la musique…




… Le choix de la semaine a donc été ardu car oui il ne faut pas se planter ; et finalement ce sera le Périscope pour une soirée co-organisée par la salle, le Club des Invertébrés et le Kraspek. Avec par ordre d’apparition Torticoli, La Terre Tremble !!! et Shield Your Eyes.
Les TORTICOLI avaient annoncé qu’ils ne joueraient ni leur set ni leurs titres habituels mais qu’ils allaient s’offrir le luxe d’une petite séance d’improvisation collective. Ce n’était pas une blague : l’un des deux guitaristes porte une attèle au pouce, le groupe n’a donc pas répété depuis près de trois semaines et de toutes façon le guitariste en question aurait été incapable de jouer correctement une musique qu’il connait pourtant par cœur.
Le suspens ne dure pas très longtemps parce que les trois Torticoli, après un début un poil laborieux lié à la prise des repères nécessaires pour tout lâcher ensuite, se mélangent allègrement pour notre plus grand plaisir, arrivant à faire décoller leurs plans entre noise rock instrumental et blues déviant – le guitariste handicapé tire même pas mal de la couverture à lui, l’envie de jouer est vraiment là et ça fonctionne parfaitement. Moi qui croyais que j’allais commencer à me lasser d’un groupe vu pas moins de dix fois en un peu plus d’un an et demi et bien j’ai eu tout faux.




Suit LA TERRE TREMBLE !!! dont l’album Salvage Blues est l’une des petites merveilles de l’année. Chaque guitariste occupe un côté de la scène alors que le batteur/percussionniste trône au milieu, placé en avant ; il gère aussi les quelques samples et il est le principal chanteur du groupe. Surtout sa batterie n’en est pas vraiment une : la grosse caisse est posée à plat devant lui donc pour taper sur sa caisse claire, ses cymbales ou autres il est obligé de s’arcbouter par-dessus la grosse caisse, j’avais mal au dos rien qu’en le regardant faire…
… Mais ce garçon et ses petits camarades savent comment tenir un salle, un public et comment mener un bon concert. La Terre Tremble !!! c’est de l’énergie avant tout mais une énergie au service d’une musique riche et incroyablement luxuriante : beaucoup de voix (tout le monde chante – bien – dans le groupe) et de belles guitares finement ciselées et joyeusement tranchantes ; les compositions flirtent souvent avec l’extraordinaire, touchent à l’inventivité d’un Beatles en fin de vie mais pas encore décrépi, tout en déchainant la fée électricité pour un tourbillon pop rock aux saveurs psychédéliques fortement épicées. Je ne suis pas loin de la jouissance.




SHIELD YOUR EYES est un groupe un peu trop méconnu et/ou boudé à mon goût. Emmené par le guitariste/chanteur Stef Ketteringham, le trio anglais est pourtant la générosité même. S’éloignant de plus en plus des figures de style propres aux musiques noise à base de guitares déchirantes – figures dont Shield Your Eyes n’a de toutes façons jamais été le plus ardent des défenseurs –, le trio s’améliore d’album en album et de concert en concert. Epaulé par le batteur Henri Grimes (également dans le rôle de bucheron un rien psycho) et du bassiste Dan Pedersen (la valse des bassistes a toujours été le principal problème de Shield Your Eyes mais il est dans le groupe depuis un an aussi cela fait le deuxième concert consécutif de Shield Your Eyes que je vois avec lui), ce guitariste/chanteur explose sans cesse les limites de la guitare et chante avec une absence totale de complexes.
C’est brut, bruyant mais c’est également d’une finesse qui laisse pantois – il faut voir Stef Ketteringham coincer son médiator contre sa paume pour continuer à jouer en fingerpicking, il faut le voir aussi au fur et à mesure du concert enlever des cordes de sa guitare pour jouer radicalement dans les aigus… il faut voir enfin Henri Grimes battre comme un forcené mais avec un sens de l’à-propos et de la complicité qui fait radicalement plaisir lui aussi. Shield Your Eyes est tout simplement un grand groupe et lorsqu’il s’attaque aux standards de la musique anglaise ou plutôt aux vieilleries que ces satanés rosbifs pillaient sans vergogne dans les 60’s – Young Man Blues allègrement repris en leur temps par les Who (il y a une bonne version en ouverture de Live At Leeds) et I’M So Glad popularisé par Cream mais il s’agit en fait d’un vieux blues de Skip James –, le trio leur rend parfaitement hommage tout en transcendant complètement le truc : qui dit mieux ?

[les photos du concert c’est ici]

mardi 20 novembre 2012

Nose In The Nose / Crash





NOSE IN THE NOSE n’est pas vraiment un tout nouveau groupe car le trio stéphanois a déjà publié un mini album de six titres aux alentours de l’année 2006 mais avait un peu disparu des écrans radar depuis 2007 ; c’est donc une bonne surprise de voir Nose In The Nose revenir aux affaires et surtout revenir avec un premier véritable album sous le bras, le bien nommé Crash.
Ce qui fait encore plus plaisir c’est de constater à l’écoute de Crash que le noise rock a assurément encore de beaux jours devant lui, n’en déplaise aux intégristes du néo/neu/new qui privilégient n’importe quelle forme d’étron musical prouto-garage ou post électro cheap à partir du moment où il travestit quelques vieilles recettes bien gentiment anémiées sous une tonne de réverb ou un glacis digitalement rebelle et forcément de bon goût – une façon fort hypocrite de décerner à certains tout en refusant aux autres le prestigieux label-qualité de la modernité vraie et les privilèges éphémères qui vont avec ; par contre, amateurs de guitares qui font mal tout en ne délaissant pas les plaisirs de la caresse à rebrousse-poil, ce disque est donc fait pour vous.
Et Nose In The Nose n’est pas loin d’exceller en la matière tout en ne se contentant pas d’user ou d’abuser des éléments habituellement constitutifs du genre : certes la basse en impose méchamment, la batterie claque, la guitare cisaille et le chant se transforme en hurlements à la lune or le trio aime aussi piocher ailleurs, lorgne du côté du cambouis millésimé ou du post punk, brouille discrètement les cartes et les déflagrations de sa musique s’en trouvent d’autant mises en valeur. Ce qui frappe en premier c’est précisément ce chant qui sait se faire moins brutal et moins frontal – tiens, il y a aussi un peu de réverb – et privilégie la mélodie, jamais putassière la mélodie mais toujours dans le bon sens, celui de l’accroche sans contrepartie démagogique.
Nose In The Nose n’est donc pas qu’un bloc de béton armé lancé à la vitesse du son pour écraser nos pauvres petites existences médiocres et insipides et le groupe revisite de sa façon bien à lui les quelques fondamentaux de l’urgence perdue et du bruit à tous les étages. Le groupe opère ainsi avec une modestie et presque avec ingénuité, comme lorsqu’il joue avec le garage rock’n’roll avant de relancer la machine à déchirures (XYZ) ou lorsqu’il place en intro de Hungry Band un bon vieux riff tronqué de hard rock pourri : l’effet aurait pu être désastreux parce que ringardement passéiste, il est tout simplement jouissif et jubilatoire parce que suintant et sale et sert de fort belle façon d’aller simple pour l’enfer et pour la tornade noise qui suit immédiatement après.

Crash est publié à la va-comme-je-te-pousse/D.I.Y. style ; le disque, enregistré aux studios PWL à Lyon, démontre également une nouvelle fois que Christophe Chavanon, le tenancier du lieu et ex The Good Damn, est un orfèvre en matière d’enregistrement et de mixage

lundi 19 novembre 2012

Yowie / Damning With Faint Praise





Le grand retour de YOWIE, qui y croyait vraiment ? Qui en attendait réellement quelque chose ? Et puis d’abord de qui parle-t-on ? Et bien on parle d’un trio originellement composé d’un certain Jimbo à la guitare, de Jeremiah Wontsewitz à l’autre guitare et de Shawn O'Connor aka Defenstrator à la batterie. Malheureusement Cryptology, le premier album de Yowie, a été publié par Skingraft en 2004 : non seulement ce disque n’était pas à proprement parler une réussite complète mais en plus il a eu le malheur, si on peut dire, d’apparaitre exactement au moment où la côté d’amour éternel pour le label de Chicago était en chute libre ; on peut même dire que Yowie a contribué à la disgrâce de Skingraft records (qui a fait bien pire après en publiant les abominables et pathétiques Gay Beast ou en se contentant de ressasser les mêmes recettes avec des groupes de hipsters hystériques comme Pre et Aids Wolf).
Yowie n’était donc plus qu’un lointain souvenir et d’ailleurs c’est tout juste si le groupe existait encore ; car pendant presque huit années le principal problème de Yowie a été de trouver un remplaçant à Jimbo… lequel est finalement revenu pour enregistrer le deuxième album du groupe, Damning With Faint Praise. Et puis Jimbo est à nouveau reparti… lors de la récente tournée européenne de Yowie c’est Chris Tull qui s’occupait de faire bouillir et fondre les guitares aux côtés de Jeremiah Wontsewitz ; Chris Tull on le connait déjà pour avoir joué dans Grand Ulena avec Darin Gray (ex Dazzling Killmen) et on ne peut pas dire qu’on y a perdu au change. S’il reste définitivement avec Yowie il ne sera sans doute jamais rien arrivé de mieux à ce groupe.
Mais bon, en attendant, ce n’est donc pas lui qui joue sur Damning With Faint Praise mais peut importe : ce deuxième album est largement supérieur à Cryptology et bien qu’il soit tout aussi barré que celui-ci, il donne moins mal à la tête car il est beaucoup plus lisible – les compositions sont bien meilleures, la qualité de l’enregistrement également et on prend un réel plaisir à écouter ce math rock/prog noise/je-ne-sais-quoi dont le seul but semble de nous vriller les oreilles et nous liquéfier les synapses.
Peut-être est-ce parce qu’entre temps on a pu voir Yowie en concert et que donc on peut dorénavant associer mentalement l’image et le son mais on comprend désormais parfaitement là où ces trois malades veulent en venir, on hurle de joie lorsque les guitares – l’une veillant aux aigus, l’autre préférant les médiums et les basses – se croisent dangereusement et à contre-sens sur un circuit de montagnes russes en train de s’écrouler sous les coups de massues balancés par Shawn O'Connor et sa batterie extrémiste. Du brodel oui, mais du bordel incroyablement jouissif et communicatif. Le principal mérite de Damning With Faint Praise reste donc de largement pouvoir soutenir la comparaison avec la démence des concerts de Yowie ; on espère que le trio n’attendra pas à nouveau huit années pour revisiter l’Europe et pour publier de nouveaux disques.

[Damning With Faint Praise est publié en CD et LP – le vinyle est d’une couleur aussi indéfinissable que dégueulasse – pas Skingraft]

dimanche 18 novembre 2012

Comme à la télé : Captain Beefheart (again)


[…]




Et pour faire suite au documentaire The Artist Formerly Known As Captain Beefheart mis en ligne ici la semaine dernière, le film – très court : douze minutes à peine – réalisé par Anton Corbijn et intitulé Some Yo Yo Stuff.







Filmé en 1993, Don Van Vliet aka Captain Beefheart y apparait déjà bien affaibli par la maladie. Et c’est bien sa propre mère qui apparait au tout début de Yo Yo Stuff  tout comme il s’agit bien de David Lynch qui se livre un peu plus loin à un simulacre d’interview.

samedi 17 novembre 2012

Savage Republic / Varvakios


De la politique encore. Tout comme le Allelujah! Don't Bend! Ascend! de Godspeed You! Black Emperor, ce nouvel album de SAVAGE REPUBLIC démarre par des bruits de manifestations : Ethan Port, Thom Fuhrmann et leurs petits camarades de jeu ont débarqué à Athènes en plein milieu des émeutes anti-austérité. Nous sommes le 13 février 2012 et ça explose dans tous les sens : les grecs sont dans la rue pour hurler leur haine à l’encontre d’une politique qu’ils jugent – à juste titre – injuste et inique (le livret de disque comporte quelques photos assez édifiantes de ces manifestations et de la répression policière).
Ni une ni deux, les quatre musiciens de Savage Republic s’enferment aussi sec dans un studio, y restent 72 heures et en ressortent avec ce qui va devenir Varvakios. Mais laissons un peu la parole au bassiste/guitariste/chanteur Thom Fuhrmann : « To walk into such a volatile situation and create this music in such a short time was by far the most satisfying experience that I've ever had as an artist ». Soit…




Le problème de Varvakios est que le résultat est franchement inintéressant. Sparta, le titre d’ouverture, passe encore bien que ce soit qualitativement du Savage Republic de seconde zone ; mais les choses se gâtent encore davantage avec Hippodrome, un titre instrumental tellement caricatural qu’il en devient drôle – cela me fait penser au Just Like Heaven des Cure, une composition vraiment mauvaise mais que l’on pardonnait à la bande à Robert Smith parce qu’on pouvait encore y déceler quelques indices de ce que le groupe avait été à l’époque de ses tout premiers enregistrements maigrelets : Hippodrome suscite le même effet, juste à peine plus apitoyé.
Mais le pire est à venir. Le pire ce sont ces titres – Varvakios, Poros, et l’horrible For Eva avec sa guitare sèche – sur lesquels on peut entendre le violon de Blaine L. Reininger de Tuxedomoon. Reininger n’est pas à proprement parlé l’élément que je préfère dans Tuxedomoon mais lorsqu’il joue avec Savage Republic il bat vraiment des records. Ses violonades sentent bon le cliché folklorique, la fête au village voire la veillée autour du feu. De temps à autres réapparait un titre un peu plus consistant mais à peine (Pigadi, Kara, et Anatolia) et surtout toujours instrumental ; on a droit aussi à des nouveaux bruits de rue. Visiblement Savage Republic ne savait pas quoi faire pour remplir ses bandes, un single de deux titres – composé de Sparta et Anatolia c'est-à-dire les premier et dernier titres de Varvakios – aurait largement suffit pour témoigner de la crise grecque et de l’affirmation politique du groupe.
On se rappellera également que jusqu’ici l’un des moins bons albums de Savage Republic s’appelait Customs (1989), qu’il avait déjà été enregistré en Grèce et qu’il portait ce nom suite à la saisie par les douanes de tout le matériel du groupe qui avait ainsi été contraint d’enregistrer avec des instruments du cru et empruntés. Comme pour Customs, les intentions de Savage Republic avec Varvakios sont bonnes mais le résultat n’est absolument pas à la hauteur des chefs-d’œuvre du groupe, à savoir Tragic Figures (1982), Ceremonial (1985) et Jamahiriya Democratique Et Populaire De Sauvage (1988) – ce sont ces disques là de Savage Republic qu’il faut écouter en priorité.

Varvakios est publié en CD par LTM recordings (aka Les Temps Modernes). Une version vinyle limitée à 300 exemplaires existe, elle a été publiée par Savage Republic via le propre label d’Ethan Port, Mobilization records 

vendredi 16 novembre 2012

Metz / self titled




C’est l’histoire d’un groupe monté en épingle. Mais c’est plutôt mérité : les premiers singles de METZ valent vraiment le coup et laissaient présager du meilleur pour la suite. La suite c’est ce premier album sans titre publié par Sub Pop et à la pochette très soignée. Au recto on découvre une photo en noir et blanc et digne d’un album des Smiths (oui, le groupe de pop des 80’s) – le nom de Metz apparait uniquement en filigrane car imprimé par effet de relief dans le cartonnage ; au verso on trouve une autre photo avec un type vautré dans une batterie. La similitude avec une pochette de Nirvana, ajoutée au nom de Sub Pop, label commun aux deux groupes, a déjà fait couler beaucoup d’encre. Mais en vain. Laissons donc Kurt Cobain pourrir et se faire bouffer par les vers le peu de barbaque qu’il doit lui rester sur les os, bien tranquillement là où il est, car Metz n’a vraiment rien d’un groupe de (pseudo) grunge, en tous les cas sur disque – et laissons donc également aux exégètes le plaisir de retrouver ici ou là les deux accords et demi ou les cinq mesures qui pourraient effectivement avoir été complètement pompés sur un vieux titre de Bleach.
Non, le cas de Metz est bien plus simple que cela. Le trio envoie du gros, du lourd et du bruyant tout au long de dix compositions qui se ressemblent toutes les unes les autres ; il y a deux riffs maximum par compositions ; les lignes de chant sont foutues pareil ; le chant parlons-en encore puisqu’il est noyé sous une couche honorable de réverb, la technique actuelle préférée des groupes qui ne savent pas chanter ou qui préfèrent brailler ; les compositions filent bien droit et ne tiennent que par l’énergie communicative qui se dégage de l’enregistrement.
Voilà, ce n’est pas plus compliqué que cela : cet album sans titre de Metz n’est ni l’album de noise rock minimal et enragé de l’année ; ce n’est pas non plus la bouse honteuse tant décriée. Il s’agit juste d’un bon petit disque, moyen mais efficace, qui envoie sévère voire qui arrache velu, qui ne se pose pas de questions, qui est d’une simplicité frisant l’honnêteté naïve et qui a été enregistré par un petit groupe canadien qui n’en demandait sûrement pas autant. Si on veut vraiment finasser on précisera que la seconde face du disque est meilleure que la première tout simplement parce que les titres qui la composent sont mieux foutus, plus énergiques, plus intéressants et plus percutants… A noter également que chaque face se termine par une courte séance de larsens ou de je-ne-sais-quoi dissimulée après une plage de silence (y a-t-il un concept là dedans ?).

Ce disque est publié par Sup Pop – donc – en CD, en LP avec coupon de téléchargement mp3 et en version limitée intitulée « loser edition » c'est-à-dire gravée dans un vinyle aux couleurs dégueulasses et surtout accompagnée d’un 7’ bonus contenant deux titres inédits – un single dont on reparlera peut-être un jour (ou pas).

jeudi 15 novembre 2012

Tar / Feel This b/w Hell's Bells






Comme tant d’autres au cours des dix ou quinze dernières années, les quatre petits gars de TAR ont fini eux aussi par reformer leur groupe ; on ne va pas discuter ici de l’intérêt ou de la pertinence de cette reformation précise parce qu’on s’en fout complètement. La seule chose à peu près digne de considération c’est ce single publié par Chunklet. Des nouveaux enregistrements de Tar ? Non, pas du tout. Sur la face A Feel This est une chute de studio enregistrée pour ce qui reste à ce jour le dernier album du groupe, Over And Out, publié aux alentours  de l’année 1995 sur Touch & Go.
Un titre très symptomatique de Tar bien qu’un peu trop jovial – est-ce pour cette raison là qu’il a été éliminé du tracklisting final d’Over And Out ? – voire un peu trop optimiste malgré ce passage ralenti caractéristique et qui permet de patienter avant la reprise, réussie, du riff principal. Cette construction de riff est également quelque chose de typique du groupe bien que la façon de hacher ces deux accords et demi ait sûrement été complètement pompée sur AC/DC.
AC/DC parlons-en puisque la face B de ce single est occupée par une reprise de Hell’s Bells. La question n’est pas seulement de savoir si Tar s’en sort ou non avec les honneurs mais d’affirmer que Hell’s Bells, trauma de la mort de Bon Scott aidant, est l’un des titres les plus surestimés de l’album le plus surestimé lui aussi des australiens – même s’ils ont fait pire après : pour écouter des compositions vraiment merdiques d’AC/DC il faut se taper les albums suivants, For Those About To Rock We Salute You, Flick Of The Switch, Fly On The Wall, etc. Dans ces conditions Tar s’en tire plutôt bien, sans trop de dommages mais sans brio non plus, même si on se demande bien qui est le mollusque chargé du chant – car ce n’est sûrement pas ce cher John Mohr. Voilà donc un single pas très utile bien qu’il donne envie de réécouter les vieux disques de Tar...



... Mais pas forcément d’aller (re)voir le groupe en concert… voici justement la vidéo d’un enregistrement live de Feel This, datant du 30 juin 2012 et le moins que l’on puisse dire c’est que d’avoir ressorti les guitares en alu ne fait décidemment pas tout, fallait aussi prendre de l’ovomaltine et de la brioche aux pralines au petit déjeuner ; et merde : je me rends compte que je viens de donner mon avis sur la reformation inutile – pléonasme ? – de Tar.

mercredi 14 novembre 2012

La Terre Tremble!!! / Salvage Blues




Avec son nom en référence à un film de Luchino Visconti, LA TERRE TREMBLE !!! n’a pas choisi la voie de la facilité : il semblerait que ce genre de référence cinématographique, ça vous place directement un groupe dans la catégorie arty. Seulement voilà, dans le cas de La Terre Tremble !!!, tout est dans cette série de points d’exclamation : bien malin qui pourra apposer sa petite étiquette préférée sur la musique du trio.
Si on veut le comparer avec son prédécesseur (le très bizarrement nommé Travail), Salvage Blues étonne encore plus par ce souci permanent d’architectures complexes et parfois même surchargées. Sophistiquée et maniérée, la pop traversière de La Terre Tremble !!! l’est presque à l’extrême mais elle est surtout d’une densité – dans le sens d’épaisseur mais également dans celui de texture – qui frise l’opulence. Il y a peu voire pas du tout de place ici pour les silences, les respirations ou les soupirs et le groupe donne constamment l’impression de passer en force tout en se ménageant des marges de manœuvre mélodiques. A ce titre et plus qu’à cause de ses allures de monument à la gloire de la grandiloquence astrale, la pop mutante de La Terre Tremble !!! est la plus extravagante et la plus étrange que l’on puisse trouver en ce moment.
On remarque que les faux airs de Gastr Del Sol ont presque complètement disparu (exception notoire : Nine And A Half) et que le trio ne s’interdit rien, surtout pas quelques incartades très seventies qui finalement donnent un côté intemporel a une musique pourtant exigeante et donc racée. On apprécie également le travail fourni au niveau des voix, d’autant plus que cela chante vraiment beaucoup sur Salvage Blues. Enfin, la production du disque est très réussie et donne une ampleur et un aplomb qui sont assez rares chez les groupes de pop rock. Un peu comme si La Terre Tremble !!! avait remplacé l’euphorie contemplative par l’exubérance physique. Un disque plutôt sombre et réellement habité mais qui ne tombe pas dans le fantaisisme gothique du petit cœur qui bat trop fort, c’est un bel effort qu’il faut saluer comme il se doit.

[Salvage Blues est publié en CD digipak et en LP par Murailles Music]




Et puis : les lyonnais qui voudraient découvrir la musique de La Terre Tremble !!! pourront le faire le vendredi 16 novembre au Périscope ; le groupe y jouera en compagnie des irremplaçables Shield Your Eyes et des tenaces Torticoli – ce concert est une coproduction entre le Périscope, le Kraspek et l’Amicale des Invertébrés Ethyliques.



Mais aussi : cette chronique fort élogieuse mais méritée, vous pouvez également la retrouver au sommaire du numéro 13 de Noise Mag, en kiosque d’ici une petite poignée de jours.