La quatorzième édition du Riddim Collision a
démarré depuis quelques jours et c’est la désormais traditionnelle soirée
Bar-Bars (plein de concerts organisés dans certains bars du centre-ville avec
un pass ridiculement cheap pour naviguer de l’un à l’autre – ou pas). Evidemment il y a du Active Disorder derrière tout ça et
malgré la pléthore de bons concerts se déroulant à Lyon en ce jeudi 8 novembre,
par exemple l’éternel retour de The Ex à l’Epicerie Moderne ou la tournée
d’adieu qui n’en finit pas de Blurt au Sonic, l’opération est un succès :
tous les pass proposés en prévente ont trouvé acquéreurs, aucun groupe n’a eu
de panne de parking autoroutier, il ne pleut pas, l’atmosphère est douce et on
va tous pouvoir boire de la bière ou du jus d’orange à la santé de la prochaine
et imminente apocalypse. Vivement qu’on en finisse.
Comme on ne fait pas toujours ce que l’on veut je
rate allégrement le concert de Loup à Buffet Froid pourtant prévu à un horaire
de petit vieux (20 heures) et qui en théorie me convenait parfaitement ;
qu’importe, je choisis de plutôt poser mes fondamentaux au bar des Capucins
parce que deux groupes du label A Tant Rêver DuRoi vont y jouer ce soir – en l’occurrence Danisco (For Beauty) et
Vélooo.
Evidemment ce n’est pas vraiment pour SEB & THE RHAA DICKS qui
assure la première partie que je suis là, car le big band lyonnais à lui tout
seul bien connu de la zob scene
locale est malheureusement réduit à sa plus simple expression c'est-à-dire Seb
Radix en personne, sa guitare, son synthé, son harmonica, ses deux pieds pour
jouer de tout ça en même temps et ses blagues sur les hippies ; pas de
formation en trio avec Fred Nodoff à la guitare et Pedro De La Hoya derrière la
batterie, un trio qui a pourtant joué une semaine auparavant en première partie
des Street Eaters mais je n’avais qu’à y être…
Cependant le bonhomme est très en forme et au
milieu de sa collection de hits catchy/pounque/folk/lo-fi glisse quelques bon
mots et s’adonne à un festival d’humour qui tord de rire la foule venue
s’entasser dans la micro cave des Capucins. On rigole pendant les morceaux, on
rigole entre les morceaux, on finit par en avoir mal au ventre, bref on passe
un bon moment.
Les deux DANISCO (FOR BEAUTY) jouent en
deuxième, juste le temps de virer Seb Radix qui raconte une dernière blague, de
réinstaller leur matériel et de se mettre en tenue. C’est que ces garçons portent
en concert des vrais vêtements de bouchers – le batteur enfile même un masque
antiseptique – et jouent sous une lumière blafarde qui donne à la cave des
capucins des airs de laboratoire clandestin pratiquant la vivisection animale
pour assurer l’éventuelle survie de l’espèce humaine. Détail qui ne trompe pas,
le bassiste comme le batteur de Danisco (For Beauty) arborent de magnifiques
rouflaquettes, une preuve évidente de bon goût.
Et le duo d’envoyer du gros son. Une sorte de sludge
mathématique et effréné – oui, je sais, ça a l’air contradictoire dit comme ça
mais la vérité se lit dans le sang –, un beau bordel de bruit tout dans la
puissance, tout dans le gras et avec au milieu de toute cette violence quelques
éclats de générosité bestiale et carnassière. Le bassiste utilise une basse
à cinq cordes (avec au moins autant de doigts pour les triturer) ce qui
explique la richesse de son jeu multicartes.
Sur un dernier titre Danisco (For Beauty) ralentit
considérablement le rythme, alourdit encore plus sa boucherie pour tous et le
guitariste de Vélooo vient rejoindre le duo pour une séance d’équarrissage à
trois, une lente agonie par saignée ; le groupe faisait déjà très mal, là
il devient tout simplement éprouvant et malsain. Conclusion : méfiez-vous
des gens qui portent des rouflaquettes.
Au début de la soirée quelques bonnes âmes avaient
cru bon de se moquer : « quoi ? il y a vraiment un groupe qui
s’appelle Vélo ? ». Sauf que ce Vélooo là s’écrit différemment, ne
pédale pas dans la semoule et va rapidement faire ses preuves face à un public
majoritairement composé de gens qui ne connaissent pas le groupe ; ça sert aussi à ça les
concerts, à s’en prendre plein la gueule.
Avec une formation guitare/basse/batterie plus
classique et une musique moins expérimentale que celle des copains de Danisco
(For Beauty), VÉLOOO
gagne pourtant la palme de l’énergie conquérante ; le trio joue une
musique instrumentale beaucoup plus noise que matheuse – en fait : pas du
tout matheuse –, portée pas une section rythmique ultra efficace – un gros son
de basse et un batteur qui tape droit ça le fait toujours – et avec un guitariste
qui sans jouer de la branlette héroïque assure toutes ses parties sans se chier
dessus et sans loop station et extirpe vraiment de bonnes idées trépidantes de
son instrument, avec de nombreuses pointes mélodiques torturées comme il faut au bruit
électrique.
Et plus le concert avance et plus Vélooo fait
monter la pression, dégomme de la danseuse stéroïdée et escalade les cols au
grand braquet sans se fatiguer. Alors je reste et je jubile ; tant pis
pour les excellents Tonnerre Mécanique qui jouaient exactement au même moment
mais deux cents mètres plus loin, au Trokson : on ne peut pas être de
partout en même temps…
[des photos du concert ici]
[des photos du concert ici]