Belle grosse soirée de folie convulsive et
participative à Grrrnd Zero puisque
Ostrobotnie, Bigoût records et Mono-Burne Enfumée s’associent pour organiser ce
qui va s’avérer être le concert de metal/noise/hardcore de la saison. A
l’affiche pas moins de cinq groupes – Alabaster, Meurthe, Pord, Verdun et Veuve
SS (cherchez l’intrus) – et surtout un public qui répond présent.
Comme annoncé à corps et à cris
la salle ouvre effectivement ses portes à 20h15 pétantes, et non ce n’était
donc pas une blague, car le premier groupe est prévu pour démarrer les
hostilités à 21 heures… miracle, à l’heure dite et devant une audience qui va
aller en grossissant de fortes déflagrations commencent à se faire entendre dans
un coin du nouveau hangar frigorifié de Grrrnd Zero. Ça va saigner.
Le premier groupe en question s’appelle ALABASTER, n’a qu’un ou deux
concerts à son actif mais est composé d’une bande de vieux briscards : un
chanteur et un guitariste issus d’Overmars, un bassiste rescapé de Kiruna et un
batteur transfuge de Geneva ; que du beau monde, du gratin avec du
pedigree tout autour mais on sait pertinemment que ces conditions, bien que très
alléchantes, ne sont pas forcément toujours suffisantes pour faire un bon groupe.
Alabaster ne mettra pas longtemps à convaincre,
jouant ce hardcore noise typé 90’s avec des riffs tordus et maladifs sur fond
de rythmiques plombées – quelque par entre Deadguy et Rorschach si on veut. Le
braillard tatoué en chef s’en donne à cœur joie mais, sans rien enlever aux
autres membres du groupe, cela fait particulièrement plaisir de réentendre et
revoir monsieur Dulaurier dans autre chose qu’un groupe de post rock à la
con avec violon et surtout de retrouver Monsieur Poutch dans un vrai groupe
qui pulse, le sourire et la bave aux lèvres, en train de tordre sa guitare et
d’en extraire des riffs démoniques des feu des enfers. On va tous mourir.
Mais avant il faut passer par VERDUN. La première venue des montpelliérains dans la cave suintante et sombre des Capucins en février dernier avait déjà marqué les esprits et les corps mais sur la scène de Grrrnd Zero le groupe va carrément tout atomiser sur son passage. Lent, ultra heavy, parfois psychédélique et mélodique à ses heures, le doom de Verdun a encore gagné en maturité, en force de conviction et en efficacité carnassière ; les nouveaux titres du groupe (comprenez : les titres qui ne figurent pas sur son premier EP The Cosmic Escape Of Admiral Masuka) s’annoncent excellents même si le désormais incontournable Last Man Standing arrive toujours à tirer son épingle du jeu et à faire verser au fan transi une larme d’émotion accompagnée d’un frisson de douleur consentie.
Verdun impose son (très) gros son – il y a quand
même deux guitaristes sur la scène – et le groupe impose surtout ce groove en
forme de pression à froid qui vous écrase tout en vous vrillant dans la
démesure. Devant la scène le chanteur s’arrache consciencieusement les cordes
vocales, s’offre un brin de théâtralité, occupe l’espace, fait face au restant
du groupe que, tel un monstre venu des abysses, il semble vouloir dompter
malgré tout.
Verdun ce n’est pas seulement une relecture
passionnante, imaginative et explosive du doom post 70’s, c’est aussi et tout
simplement l’un des groupes actuels les plus puissants et les plus excitants
vus en concert ces derniers temps. Un groupe synonyme de carnage, de boucherie
et de désolation – s’il existait un prix Nobel de la guerre il reviendrait
obligatoirement à Verdun. Vivement l’album.
Malgré tout l’amour que je porte aux PORD je n’ai pas pu m’empêcher de leur souhaiter
bon courage après le passage de la lente furie explosive de Verdun. Pourtant on
commence à les connaitre ces trois là, alors quelle bêtise de les avoir ainsi
sous-estimés. Les débuts du set tendent pourtant à confirmer que cela va être un
peu dur pour le trio : le son est (presque) calamiteux, très mal équilibré
en tous les cas et en plus on n’entend pas grand-chose voire strictement rien
de la voix.
Mais les choses s’arrangent, les trois Pord
persistent, resserrent les rangs, gagnent en intensité, en rage aiguisée et
tranchante et leur hardcore noise prend de l’ampleur, s’arrachant du plancher
des vaches pour gagner les hautes sphères de la frénésie et de la débauche
sonique. Là aussi le groupe présente quelques nouveautés (sauf que Piscine & Gonzesses ça fait un peu trop
west coast/Snoop comme titre, faudrait changer ça les gars), des nouveautés qui
n’ont rien à envier aux compositions déjà anciennes de l’album Valparaiso. Les Pord, vous revenez quand
vous voulez.
Il n’est pas loin de minuit lorsque les VEUVE SS montent enfin sur scène. Veuve SS
c’est, musicalement parlant, à peu près tout le contraire de Verdun : du
harcore tellement sale que le terme de crust en devient inapproprié, des titres
hyper courts et radicalement violents. Il n’y a que dans l’intensité que les
deux groupes pourraient peut-être se rejoindre mais question pousse au cul
Veuve SS remporte la palme du groupe le plus virulent, ce qui ne l’empêche pas
non plus d’aimer malaxer du glauque et de recracher du visqueux.
Au chant on retrouve un rasé moustachu (également
batteur de 12XU, un groupe vraiment différent de Veuve SS), un garçon qui n’a
pas oublié d’apporter son propre micro, tout cabossé… vu les coups qu’il donne
avec sur la scène et vu comment il aime défourailler au milieu du public on
comprend ce sursaut de prudence matérielle qui est bien la seule chose de
raisonnable que l’on peut trouver chez un groupe aussi âpre et, finalement, aussi
méchant. Un bon concert.
Veuve SS a à peine terminé son set que MEURTHE enchaine à quelques mètres de la
scène, exactement là où Alabaster avait commencé en début de soirée. Meurthe
joue à nouveau en formation duo c'est-à-dire avec un jeune batteur scoliotique et
passablement inexpérimenté mais qui sait malgré tout tenir un rythme. Le set
est structuré à peine différemment que lors du concert de Meurthe au Gaffer Fest aussi on peut s’y retrouver : un début
bordélique qui semble annoncer la couleur ; un milieu plus atmosphérique avec
que des sons bidouillés ; une longue fin avec bidouilles bruitistes et
batterie cyclique – on regrettera toutefois que le groupe ait définitivement abandonné
le passage dubindus fantôme pour cause de matériel récalcitrant.
Et puis, comme dire du mal est un plaisir sans
équivalent – surtout lorsqu’il s’agit de personnes que l’on connait –, on fera
remarquer qu’il est bien dommage également que la batterie n’ait pas été
sonorisée : on ne l’entendait que trop difficilement sur la partie
finale ; ensuite, l’accumulation/montée sonore s’est fait un peu trop
attendre, l’intensité des sons mettant trop de temps à se transformer en ce chaos
épais et réellement explosif que l’on espérait peut-être à tort. Meurthe n’est
pas à véritablement un groupe de harsh noise – on mettrait plutôt le groupe
dans la catégorie indus à visée périphérique ambiante –, ce que confirme l’utilisation d’une batterie tribale : il y a juste un équilibre
à trouver entre la volonté d’hypnotisme et celle, plus concrète, de baroufer
sans pédaler dans le vide.
[quelques photos du concert ici,
chargées en t-shirts de métalleux et surtout en fumigènes anti-respiratoires]