ALUK
TODOLO voit les choses en très grand : Occult Rock, quatrième album du trio (en comptant l’album en
collaboration avec Der Blutharsch), en un double vinyle/double CD bourré
jusqu’à la gueule d’une musique instrumentale défiant toutes les lois de la
gravitation universelle comme celles de la fission thermo nucléaire. Et il
n’est vraiment pas anodin ce titre d’Occult
Rock, car il évacue d’emblée toutes références explicites au metal – on
sait que les trois membres d’Aluk Todolo ont tous joué ou bien jouent encore
dans des groupes de black metal – mais il garde quand même celles liées à la
noirceur, à la violence, à l’âpreté, aux gouffres insondables et faussement
endormis ou aux brumes qui laissent passer trop peu de lumière.
Tout comme le premier titre qui ouvre Occult Rock sur un rythme effréné :
on pourrait croire qu’Aluk Todolo va nous jouer une démonstration de force très
black or il n’en est rien ; oui la rythmique reste celle d’une
mitrailleuse de gros calibre mais écoutez bien cette guitare qui peu à peu
glisse de la rudesse et du tranchant vers le psychédélisme, se met à tournoyer,
à décrire dans le ciel toujours obscurci des volutes de plus en plus étranges.
Etranges mais maléfiques. Ce qui est amusant c’est que sur la fin de ce tout premier
titre on croit percevoir le retour du black metal, comme si Aluk Todolo
pratiquait également le jeu trouble des ombres malfaisantes. Un jeu que l’on retrouvera de
nombreuses fois sur Occult Rock,
rendant le disque particulièrement exaltant ; affirmons même qu’Aluk
Todolo pourrait viser à être le pendant redoutablement ténébreux d’un Psychic
Paramount.
La deuxième partie de ce premier disque – magnifique de
fulgurances létales – joue ainsi subtilement avec nos nerfs et il faut attendre
les troisième et quatrième plages pour espérer un semblant de répit ; un
espoir rapidement balayé par cette basse qui parfois prend les commandes et
distille une ligne ou l’envoutement morbide semble à son comble – et lorsque la
guitare recommence à hurler on se sent pris comme dans un tourbillon de feu. L’auditeur
n’en est alors absolument pas au bout de ses surprises car il lui reste tout le
deuxième disque et donc quatre titres supplémentaires à écouter.
Et bien qu’il soit un double album Occult Rock ne souffre de strictement
aucune longueur. Le disque est décrit par le groupe comme ayant été composé sur
de nombreuses années – entre 2004 et 2011 – et il préfigure comme une sorte
d’aboutissement ; on remarquera qu’effectivement il n’y a rien à jeter et
que son écoute en continu (donc les deux disques à la suite) dévoile comme un
courant ascensionnel très troublant. La violence musicale change de caractère
au fil d’Occult Rock : à la
rudesse brutale du départ succèdent des formes de plus en plus abouties et
compliquées qui elles-mêmes laissent la place à une combustion lente tirant à
la fois sur le magma et l’évanescence – en chimie on dirait que cet état est à
la fois celui d’un gaz et celui d’un corps solide, ce qui bien sûr serait
parfaitement impossible mais reflète une nouvelle fois toute l’ambigüité d’Aluk
Todolo, un groupe fasciné par la beauté et qui en même temps fait tout ce qu’il
peut pour la rendre malfaisante. Tout simplement inratable.
[Occult Rock
est publié en double vinyle et en double CD digipak par Norma Evangelium Diaboli (pour l’Europe) et The Ajna Offensive (Amérique du
Nord)]