mercredi 11 janvier 2012

Gay Witch Abortion with Junko Mizuno


Nous sommes au 21ème siècle. Et au 21ème siècle, tout est désormais possible. Une preuve ? Tom Hazelmeyer et son label Amphetamine Reptile records qui, après avoir permis à des groupes tels que Cows, Janitor Joe, Helmet, God Bullies, Hammerhead, Guzzard, Today Is The Day ou Tar* d’exploser au cours des années 1990 et de changer la face de ce pauvre monde à jamais, et bien Tom Hazelmeyer et Amphetamine Reptile donnent désormais dans la création hautement artistique. L’oncle Tom ne semble avoir réactivé son label il y a quelques années que pour vendre vraiment très cher des disques tirés à vraiment très peu d’exemplaires – quelques exceptions tout de même comme l’excellent Journey To The End Of The Knife des désormais fort regrettés Heroine Sheiks de Shannon Selberg.
Une autre chose que Hazelmeyer semble beaucoup aimer faire, c’est les bouquins. Eventuellement des bouquins avec un disque. C’est exactement le cas de celui-ci, qui réunit Gay Witch Abortion et Junko Mizuno. Un livre d’illustrations tiré à 200 exemplaires**, numérotés et signés de la main de l’auteure (Junko Mizuno – pas Gay Witch Abortion et c’est bien dommage : on aurait pu espérer un poil de cul en guise de bonus). Un livre rempli de lolitas gothopouffes qui s’enfilent des poulpes et autres calamars par tous les trous, le tout dessiné avec une précision très infantile du trait et une débauche de couleurs à faire vomir un fan de Georges Remi en pleine redescente d’acide après un film de Steven Spielberg.




Mais on s’en fout, on est là pour parler musique. Et de la musique il y en a, donc : un CD de Gay Witch Abortion en version trio c'est-à-dire incluant Tom Hazelmeyer au chant et à la basse et pas très bien caché sous son alias de Haze XXL. On se rappelle de ce 10 pouces punk as fuck dont le trio nous avait gratifiés en 2010. On en espérait au moins autant avec ce nouveau disque, malgré quelques doutes bien légitimes par rapport à l’utilité d’une telle entreprise – car quelle musique oser enregistrer pour coller avec des images aussi arty/kawaii et imprimées dans un joli petit livre collector ?
Ils l’ont fait, malgré tout, donc on écoute. Un seul titre figure sur ce CD mais on devrait plutôt parler d’une seule plage puisque celle-ci semble divisée en plusieurs tranches, comme autant de mouvements (aucun tracklisting est disponible nulle part mais ce titre s’intitulerait The Snake Behind The Eyes). Oublions tout de suite la crasse qui s’étalait sur ce 10 pouces déjà évoqué tout comme celle de l’album (enregistré à deux) de Gay Witch Abortion : nos trois compères, en s’enfermant dans un studio, ont visiblement fait très attention à ce qu’ils faisaient. Quelle curieuse méthode que de se mettre la pression et de se faire des idées au lieu d’enregistrer comme d’habitude – c'est-à-dire comme des porcs – une musique sale, vicieuse, violente et méchante…
Pour la fureur made in AmRep on repassera donc. Mais pour la gloire et la postérité, on va essayer de faire un petit effort : OK, ces vingt minutes et quelques n’arrivent pas vraiment à contenir 10 % de tout le vice de tous les enregistrements 90’s du label mais le résultat n’est pas totalement inintéressant non plus. On découvre en premier lieu un hybride atmosphérique et new wave sous champis rapidement perturbé par quelques rayures noise rock couplées à un glacis synthétique (encore de la new wave ou je ne sais quoi), un chant qui évite bave et postillons pour se concentrer sur l’acidité et une certaine aptitude à torcher de la joliesse rebelle comme on déroule tout un rouleau de papier cul dans l’escalier (auparavant, on aurait au contraire pu espérer obtenir quelques traces de doigts merdeux étalées sur les murs des chiottes après s’être essuyé les fesses). Je ne sais pas à qui cette musique un peu trop propre sur elle pourrait plaire exactement mais elle existe et elle n’a finalement rien de déshonorant. Elle est juste un peu triste… On s’amuse quand même beaucoup plus dès que le stupre transpire de toutes parts or là on peut bien le chercher, on n’en trouve guère dans cette succession de passages ralentis façon Chrome*** opiacé et de passages accélérés façon Chrome*** sous méthamphètamines. Car les plans d’éternisent plus que nécessaire, reviennent à la charge et à chaque fois que l’on entend quelque chose de pas désagréable et de plutôt bien mené, il est systématiquement foutu en l’air parce que Gay Witch Abortion le fait tourner jusqu’à l’épuisement complet – en gros ce long titre multi-parties de 25 minutes est composé à 80 % de remplissage. Prenez uniquement les parties lentes pour les condenser en un truc rampant/glauque de 5 ou 6 minutes, ensuite prenez uniquement les parties turbofuzzées pour en extraire un boutoir de 2 ou 3 minutes et vous obtenez ce qui aurait pu constituer les deux faces d’un excellent single de noise psychédélique et rétrograde. Dommage.

* on s’en fout si j’en oublie, tu n’as qu’à compléter cette liste toi-même
** cherche bien : des petits malins ont balancé dans les abîmes d’internet des scans de l’intégralité de ce bouquin couplés aux mp3 du disque qui l’accompagne
*** oui, il s’agit bien à chaque fois du même Chrome et, non, ce n’est donc pas une erreur