En matière de concerts, l’une des surprises de
l’année 2011 fut sans contestation possible celui
qu’a donné Sightings à la toute fin du mois d’octobre au Sonic : après
avoir vu un certain nombre de fois le trio de Brooklyn en live, j’en étais
arrivé à la triste mais inévitable conclusion que Sightings était un bien
meilleur groupe de studio que de scène et là, tout à coup, presque un miracle,
enfin un concert qui se tenait debout de la part de Sightings, voire même un
concert habité et vraiment méchant.
D’un autre côté, on pourrait également objecter
que Sightings
sur disque ce n’est pas non plus toujours ça, que certains des enregistrements
du groupe sont vraiment très durs à encaisser/supporter – par exemple
l’avant-dernier album, City Of Straw,
surtout si on le compare à son prédécesseur, Through The Panama, qui est sans doute ce que Sightings a
enregistré de plus abordable. Tout ça pour dire que si ce concert n’avait pas
eu lieu et, surtout, s’il ne s’était pas aussi bien passé, je n’aurais jamais
jeté plus d’une oreille et demie sur Future
Accidents, le dernier enregistrement en date du trio. En fait, je l’avais
écouté ce disque, mais très vaguement, un peu avant le concert, puis j’avais
décidé de l’oublier, purement et simplement. Maintenant, bonne surprise du concert
oblige, je comprends beaucoup mieux où Sightings veut en venir avec sa musique
et ses enregistrements les plus rudes, y compris les premiers disques ou
l’album en collaboration avec Tom Smith de TLASILA, et même le City of Straw déjà mentionné ci-dessus.
Future Accidents
n’est pas à proprement parlé un véritable album bien qu’il soit gravé uniquement
sur un 12’ et qu’il soit d’une longueur plus que décente avec ses 39
minutes : la première face comporte trois (longs) titres alors que la
seconde est entièrement occupée par un Public
Remains destiné à nous faire passer un très mauvais quart d’heure. Bien que
ce titre soit sur la face B du disque, on va commencer par parler de celui-ci,
en essayant de ne pas lui régler son compte trop rapidement. OK : 20
minutes chrono d’expérimentations plus ou moins bruitistes ça ne vous fait peut
être pas très envie, surtout venant de Sightings, mais Public Remains est un titre passionnant, plus grésillant que
dissonant, plus atmosphérique (ahem) que bruyant, rempli de grincements et de
crissements – on imagine à son écoute être prisonnier de la respiration
monstrueuse d’un être mi-organique mi-mécanique (tu connais H.R. Giger ?),
une respiration entravée mais impétueuse. Il y a quelque chose de captivant
dans ce Public Remains et certains
jours on irait même jusqu’à parler de beauté malade.
Les trois titres de la première face de Future Accidents sont du Sightings
beaucoup plus conventionnel, entendez par là que le trio guitare/basse/batterie
et voix y est formellement présent et que l’on peut entendre quelque chose de
plus classiquement (re ahem) construit… enfin, cela reste du Sightings
c'est-à-dire une musique qui n’est même pas du noise rock, on se rapproche plus
de l’esthétique d’un Throbbing Gristle (c’est particulièrement vrai sur tout le
début de To The World) mélangée à
celle de Missing Foundation, autre groupe bruitiste et originaire de New-York
lui aussi, considéré par beaucoup comme quasi mythique. Mais comme avec
Sightings c’est toujours l’abstraction qui finit par primer, les sons se
déforment, se mélangent, se contaminent entre eux et on aboutit – ce qui n’est
plus une surprise – à un autre monstre déviant, mutant et malade qui nous
emprisonne/empoisonne également, un autre monstre et parent pas très éloigné de
celui qui sur Public Remains nous
avait déjà bien malmené. Avec Future
Accidents Sightings se révèle de plus en plus passionnant et… oui, on
attend le prochain album impatiemment et on espère de même revoir le groupe un
jour en concert.
Future
Accidents n’existe (pour l’instant) qu’en vinyle et a été publié par Our Mouth records, le label des petits
gars de Mouthus.