dimanche 22 janvier 2012

Etat Des Lieux - un film de Yann Debailleux




C’est dimanche et on s’emmerde. Alors on reste au lit et on regarde Etat Des Lieux, un documentaire signée Yann Debailleux et se proposant de présenter les groupes et la « scène » indépendante qui sévit du côté de la France en ce moment. En ce moment ? Etat Des Lieux se veut être un relevé des compteurs effectué à un instant donné (approximativement les prises de vue et interviews ont été effectuées en 2010) au sujet d’une situation précise, celle des groupes et musiciens qui s’activent dans le Do It Yourself – « démerde-toi tout seul avec tes potes ».
Des groupes et une situation que l’on connait un peu par ici, on vous en parle assez souvent et au générique d’Etat Des Lieux on retrouve quelques groupes chouchous tels que Pord, Marvin, Papier Tigre, Le Singe Blanc, Chevreuil, Binaire, Pneu (etc.) et quelques organisateurs de concert comme d’éminents représentants de Grrrnd Zero et la coordinatrice/programmatrice du Clacson à Oullins. Cette dernière, travaillant au sein d’une structure « institutionnalisée » et recourant – mais pas uniquement – à des subventions, explique à juste titre qu'une partie de son boulot c’est de ne pas programmer que des groupes établis et de faire jouer également des groupes ne bénéficiant d’aucune promotion, dont les disques ne sont pas distribués en magasin et qui n’ont pas forcément un tourneur qui leur monte clefs en main une tournée des S.M.A.C. de France et de Navarre ; elle précise que ces « petits » groupes font souvent aussi bien voire mieux que les groupes établis en matière de taux de remplissage de salles.




On parlait de « scène » un peu plus haut mais le terme est terriblement inapproprié. Il n’y a aucune unité de style et d’unité géographique entre tous les groupes qui apparaissent dans Etat Des Lieux. Seul constante : le mode de fonctionnement c'est-à-dire le « on fait tout nous-mêmes ou presque et on est là pour jouer de la musique, pour donner des concerts devant des gens, faire des rencontres, voyager et rigoler ». Au risque d’enfoncer des portes ouvertes pour qui connait même de loin le sujet, Etat Des Lieux rappelle que l’essentiel c’est de ne pas perdre d’argent sur une tournée (lorsqu’on en gagne un peu c’est du bonus) et que les disques, « prétextes pour repartir sur les routes », sont financés par des « vrais » jobs pas toujours rigolo – mais qui a dit que travailler était drôle ? L’important c’est la diffusion de la musique et c’est aussi pour cette raison que nombre de ces groupes mettent carrément en ligne leurs enregistrements ou ne s’opposent pas au téléchargement – rendant absurde la lutte « anti-piratage » des majors, des gouvernants et d’Hadopi.
Le statut d’intermittent du spectacle ? Certains y pensent très fort et lorgnent dessus mais tous estiment que c’est soit trop difficile soit impossible. Et ceux qui sont intermittents ne le sont pas grâce à leur groupe – je connais sur Lyon plusieurs musiciens (n’apparaissant pas dans Etat Des Lieux) qui sont intermittents parce qu’ils sont techniciens sur des gros concerts/spectacles ou parce qu’ils composent de la musique pour des compagnies de théâtre ou de danse.
La phrase qui résume le mieux Etat Des Lieux est prononcée par les Binaire qui expliquent que « vivre de ta musique, tu oublies ». Tout de suite après vient celle des Pneu qui parlent de « passion de la musique ». Plus qu’un simple constat, Etat Des Lieux peut ainsi apparaitre comme une profession de foi ou un manifeste. On reconnait que le D.I.Y. est pour certains un choix logique et militant et que pour d’autres il s’agit de la seule alternative – donc l’alternative par défaut et consentie – lorsqu’on veut faire de la musique en toute indépendance.

A l’image de son sujet, Etat Des Lieux bénéficie d’une réalisation D.I.Y. Le rendu général du film est plutôt lo-fi, plein de granulations et de noir et blanc sale alors que les nombreux extraits de concerts font honneur aux groupes filmés. Yann Debailleux qui a réalisé Etat Des Lieux est lui-même guitariste au sein de No Shangsa. Dans les bonus on trouve un clip assez drôle de son groupe ainsi qu’un court métrage nécrophile qu’il a coréalisé en 2006.
Etat Des Lieux a été publié par Les Disques De Plomb, label que l’on suit de près et qui jusqu’ici nous avait habitués à de très belles et très bonnes parutions de disques vinyle. DVD ou LP qu’importe, continuez comme ça les gars.