C’est dimanche et on s’emmerde. Alors on reste au
lit et on regarde Etat Des Lieux, un
documentaire signée Yann Debailleux et se proposant de présenter les groupes et
la « scène » indépendante qui sévit du côté de la France en ce
moment. En ce moment ? Etat Des
Lieux se veut être un relevé des compteurs effectué à un instant donné
(approximativement les prises de vue et interviews ont été effectuées en 2010)
au sujet d’une situation précise, celle des groupes et musiciens qui s’activent
dans le Do It Yourself – « démerde-toi tout seul avec tes potes ».
Des groupes et une situation que l’on connait un
peu par ici, on vous en parle assez souvent et au générique d’Etat Des Lieux on retrouve quelques
groupes chouchous tels que Pord, Marvin, Papier Tigre, Le Singe Blanc,
Chevreuil, Binaire, Pneu (etc.) et quelques organisateurs de concert comme
d’éminents représentants de Grrrnd Zero
et la coordinatrice/programmatrice du Clacson à Oullins. Cette dernière,
travaillant au sein d’une structure « institutionnalisée » et
recourant – mais pas uniquement – à des subventions, explique à juste titre qu'une partie de
son boulot c’est de ne pas programmer que des groupes établis et de faire jouer
également des groupes ne bénéficiant d’aucune promotion, dont les disques ne
sont pas distribués en magasin et qui n’ont pas forcément un tourneur qui leur
monte clefs en main une tournée des S.M.A.C. de France et de Navarre ;
elle précise que ces « petits » groupes font souvent aussi bien voire
mieux que les groupes établis en matière de taux de remplissage de salles.
On parlait de « scène » un peu plus haut
mais le terme est terriblement inapproprié. Il n’y a aucune unité de style et d’unité
géographique entre tous les groupes qui apparaissent dans Etat Des Lieux. Seul constante : le mode de fonctionnement
c'est-à-dire le « on fait tout nous-mêmes ou presque et on est là pour
jouer de la musique, pour donner des concerts devant des gens, faire des
rencontres, voyager et rigoler ». Au risque d’enfoncer des portes ouvertes pour
qui connait même de loin le sujet, Etat
Des Lieux rappelle que l’essentiel c’est de ne pas perdre d’argent sur une
tournée (lorsqu’on en gagne un peu c’est du bonus) et que les disques,
« prétextes pour repartir sur les routes », sont financés par des
« vrais » jobs pas toujours rigolo – mais qui a dit que travailler
était drôle ? L’important c’est la diffusion de la musique et c’est aussi
pour cette raison que nombre de ces groupes mettent carrément en ligne leurs
enregistrements ou ne s’opposent pas au téléchargement – rendant absurde la
lutte « anti-piratage » des majors, des gouvernants et d’Hadopi.
Le statut d’intermittent du spectacle ?
Certains y pensent très fort et lorgnent dessus mais tous estiment que c’est
soit trop difficile soit impossible. Et ceux qui sont intermittents ne le sont
pas grâce à leur groupe – je connais sur Lyon plusieurs musiciens
(n’apparaissant pas dans Etat Des Lieux)
qui sont intermittents parce qu’ils sont techniciens sur des gros concerts/spectacles
ou parce qu’ils composent de la musique pour des compagnies de théâtre ou de
danse.
La phrase qui résume le mieux Etat Des Lieux est prononcée par les Binaire qui expliquent que
« vivre de ta musique, tu oublies ». Tout de suite après
vient celle des Pneu qui parlent de « passion de la musique ». Plus
qu’un simple constat, Etat Des Lieux
peut ainsi apparaitre comme une profession de foi ou un manifeste. On reconnait
que le D.I.Y. est pour certains un choix logique et militant et que pour
d’autres il s’agit de la seule alternative – donc l’alternative par défaut et
consentie – lorsqu’on veut faire de la musique en toute indépendance.
A l’image de son sujet, Etat Des Lieux bénéficie d’une réalisation D.I.Y. Le rendu général
du film est plutôt lo-fi, plein de granulations et de noir et blanc sale alors
que les nombreux extraits de concerts font honneur aux groupes filmés. Yann
Debailleux qui a réalisé Etat Des Lieux
est lui-même guitariste au sein de No
Shangsa. Dans les bonus on trouve un clip assez drôle de son groupe
ainsi qu’un court métrage nécrophile qu’il a coréalisé en 2006.
Etat Des
Lieux a été publié par Les
Disques De Plomb, label que l’on suit de près et qui jusqu’ici nous avait
habitués à de très belles et très bonnes parutions de disques vinyle. DVD ou
LP qu’importe, continuez comme ça les gars.