mardi 24 janvier 2012

Report : John Makay et Papaye au Sonic - 20/01/2012



C’est l’hiver, il fait froid, il pleut – faire du vélo par ce temps nécessite forcément un poncho de pluie, le top du top de la sexytude urbaine – mais le Sonic est toujours là et bien là : malgré des commentaires alarmistes tenus ici même à propos de l’avenir de la salle, on peut aujourd’hui affirmer que les pouvoirs publics ont depuis fait machine arrière, le Sonic n’a pour l’instant plus de tracasseries administratives sur le dos. Jusqu’à la prochaine fois. C’est important de le souligner car par ailleurs les choses vont très mal à Lyon – on pense très fort à Grrrnd Zero et à l’appel à soutien que le collectif lyonnais a lancé cette semaine…
Que les structures dédiées aux musiques et créations underground soient à ce point là mis à mal dans une grande ville telle que Lyon, une ville qui en même temps se targue d’être « une capitale européenne de la culture », est malheureusement symptomatique d’un appauvrissement généralisé de la pensée et de la volonté des élus et des décideurs politiques qui ne raisonnent qu’en termes de « grands évènements » (fête des lumières, festival tape-à-l’œil et hors de prix au milieu de ruines gallo-romaines, etc.) et d’infrastructures redondantes (même quand on aime les musiques classique, baroque ou l’art lyrique on peut se demander pourquoi il y a deux orchestres nationaux à Lyon).




La soirée organisé le vendredi 20 janvier au Sonic par l’excellent structure Active Disorder* est la preuve – s’il fallait encore en apporter une – que les musiques « différentes » et « exigeantes » ont pourtant leur place à Lyon : malgré la pluie le public a répondu présent et a pu (re)voir deux excellents groupes, John Makay (d’Amiens) et Papaye (de nulle part). Puis le concert s’est transformé en soirée grâce aux Too Girly DJs et à Mademoiselle Nicole. S’amuser intelligemment sans se vautrer dans la consommation bête et méchante ni la beaufitude lobotomisante est toujours une possibilité et un rempart contre la culture institutionnalisée et normative.


Premier groupe de la soirée : John Makay. Ils sont jeunes, ils sont beaux (malgré leurs origines picardes) et ils jouent du math rock. Mais John Makay est un cas à part parmi les groupes pratiquant le dialogue trigonométrique entre un guitariste et un batteur… rien à signaler du côté de ce dernier bien qu’il soit très impressionnant derrière sa batterie ; par contre le guitariste joue quasiment intégralement toutes ses parties en taping, avec pleins de doigts qui courent le long du manche et de ses six cordes. De la prouesse technique en veux-tu en voilà mais pas trop d’esbroufe : la musique de John Makay reste étonnamment vivante et fraîche et le fait que le guitariste n’ait que peu voire pas du tout eu recours au subterfuge de la loop station donne un côté très organique, absent de chez la plupart de groupe de math rock.
Si j’ai l’air de m’enthousiasmer comme ça c’est aussi parce que c’était la première fois que je voyais John Mackay en concert. Pourtant, avant de commencer à jouer, le batteur avait bien précisé que « c’était la troisième première fois » que le duo jouait à Lyon – j’avais donc raté les deux fois précédentes mais l’album Mon Amour Mi Amor, lui, avait longtemps ravi mes petites oreilles fragiles et délicates.
Tant que John Makay a joué des titres de cet album, tout s’est bien passé. Mais il n’avait pas échappé à l’attention des plus perspicaces qu’un synthétiseur était installé sur le côté de la scène. Celui-ci a servi sur les nouveaux titres que le groupe a joués ce soir, des titres malheureusement nettement moins convaincants que les plus anciens. Quelques tentatives d’explication : les synthétiseurs ça m’emmerde souvent terriblement et si de nos jours tout le monde essaie d’en foutre de partout, personne arrive réellement à ce que cela sonne correctement ; avec ce nouvel instrument John Makay perd un peu trop de sa spontanéité et de son énergie ; je déteste le changement ; je déteste la musique de filles. Qu’à cela ne tienne, peut-être les hésitations ressenties alors que le guitariste manipulait son nouvel instrument ne sont dues qu’à la nouveauté de la chose, peut-être le groupe fera-t-il machine arrière, peut-être que je m’y ferai un jour, à ces foutus synthétiseurs… (c’est pas sûr non plus).



Deuxième groupe de la soirée : Papaye. Beaucoup moins beaux que les deux John Makay – à l’exception du guitariste de gauche – les trois Papaye sont ce qui se fait de mieux en ce moment en matière de rock instrumental. La Chaleur, très court album du trio publié il y a tout juste une année chez Africantape débordait de promesses, promesses entrevues lors de la prestation du groupe pendant la première édition du festival Africantape**.
Pour cette deuxième fois avec Papaye il y a eu deux choses marquantes. Premièrement le guitariste de droite (celui qui porte des lunettes, joue avec les excellents Room 204 et s’occupe du label Kythibong) m’a semblé bien plus à l’aise, rééquilibrant le jeu entre les deux guitares et donnant un surcroit de saine énergie à la prestation de Papaye. Deuxièmement, le batteur – dont on avait apprécié le côté plus en retenue à l’Africantape, par contraste avec les torrents rythmiques dont il est coutumier lorsqu’il joue avec Pneu – a lui aussi libéré son jeu, a donné justement plus dans le Pneu  et les dérapages sur deux roues. Je n’avais jamais réellement bien saisi les quelques allusions à Gorge Trio que certains exégètes éclairés et bienveillants avaient formulées au sujet de Papaye mais avec une prestation telle que celle que le groupe a donné en ce vendredi au Sonic, la parenté m’a semblé bien plus évidente.
Papaye a donc déployé une sacrée énergie et une belle flamboyance. Mais le groupe a aussi eu un peu de mal à réchauffer un public désespérément lyonnais, un public qui s’était pourtant montré bien plus prompt à manifester son enthousiasme lors du set de John Makay (il faut dire aussi que le duo n’avait pas arrêté de raconter des blagues détestables) mais un public qui finalement a daigné faire part de son contentement, allant jusqu’à réclamer un titre en rappel – rappel que Papaye n’a pas assuré, puisque le groupe a encore un répertoire succinct et qu’il n’avait pas envie de rejouer un titre… les gens fallait vous bouger quand c’était le moment.

Après les sets de John Makay et Papaye il y a donc eu une soirée, laquelle s’est généreusement éternisée jusqu’à 3 heures du matin. Au programme de la musique pour danser et tandis que certains ont préféré s’éclipser, d’autres ont sagement disserté musique et autres sujets tout aussi essentiels tandis que le jeune Khoury, nextcluser aviné, faisait péter le dance-floor ou que le préretraité Maquillage & Crustacés finissait tous les fonds de bouteilles. Une belle soirée.

* Active Disorder a d’ores et déjà annoncé son prochain concert : ce sera One Lick Less le 17 février, en coprod avec les Bigoût Boyz
** des bruits de couloirs incessants et insistants portent à croire que l’édition 2012 de ce festival est sur les rails et devrait bientôt être annoncée à la terre entière…