vendredi 6 janvier 2012

Thee Oh Sees / Carrion Crawler - The Dream





L’histoire continue : après avoir publié un Castlemania plutôt en demi-teinte au printemps 2011, Thee Oh Sees ont remis ça dès le mois de novembre de la même année avec un « EP » de dix titres intitulé Carrion Crawler / The Dream, toujours sur le label de prédilection du groupe, In The Red. Le constat est très simple et sans appel : autant John Dwyer et Thee Oh Sees peuvent se révéler extrêmement irritants dès qu’ils se mettent à minauder et à chichiter (Castlemania donc), autant le groupe est toujours capable à l’occasion de retrouver ses bons vieux réflexes suintants garage punk. C’est exactement le cas de Carrion Crawler / The Dream qui en fait a tout de l’album, avec ses 40 minutes de (presque) sauvagerie sixties et sa collection impeccable/implacable de tubes psychédéliques et hystériques.
Entendons-nous bien : Thee Oh Sees sont vraiment très loin d’être le meilleur groupe du monde – et d’ailleurs, qu’est-ce que cela signifie « le meilleur groupe du monde » ? – mais voilà l’un des rares groupes capables de pomper ouvertement et sans vergogne dans un passé musical ultra référencé sans pour cela avoir besoin de faire appel à la nostalgie rance ou donner dans le revival frelaté et postmoderne. Ecouter Carrion Crawler / The Dream de Thee Oh Sees c’est à la fois comme si vous étiez en plein dans ces années sixties garage et psychédélique américaines (on parle bien des années 60 du 20ème siècle et on rappelle à toutes fins utiles que désormais nous sommes ancrés dans le 21ème) et en même temps c'est comme si vous n’y étiez pas non plus, ou alors vous seriez en train de découvrir un groupe d’époque mais sonnant encore mieux que tous ceux de l’époque en question, un groupe dont vous n’aviez jamais entendu parler jusqu’à maintenant.
Hormis un puissant instrumental (Chem-Farmer) et une excellente pochade quasi instrumentale (Wrong Idea), Carrion Crawler / The Dream comporte huit autres titres, chantés, balancés frénétiquement avec une rage juvénile et, semble-t-il, non feinte. John Dwyer chante toujours sur l’écrasante majorité des titres mais donne plus de liberté de paroles à Mademoiselle Brigid Dawson et surtout, même si sa voix est toujours reconnaissable entre mille, il ne s’adonne que très raisonnablement à son horrible péché mignon, le chant nasillard à outrances – on note par contre que dans leur ensemble les voix sont toujours aussi judicieusement plongées dans la reverb et on s’en réjouit. Mais ce qui frappe réellement le plus à l’écoute de Carrion Crawler / The Dream ce sont les deux tiers de titres rapides, appuyés par des lignes de basse d’une fluidité et d’une efficacité maniaques – on compte seulement deux ou trois compositions ralenties mais elles sont très loin de démériter, véritablement tubesques elles aussi, à commencer par la première d’entre elles, Carrion Crawler.
Dernier point fort du disque et non des moindres, ces solos de guitare qui entrelardent de partout, dans tous les sens, à chaque instant. Carrion Crawler / The Dream en déborde, ils colorent les deux faces du disque d’une folie jubilatoire que jusqu’ici on n’avait guère entendue à un tel niveau chez Thee Oh Sees. Une folie et un plaisir qui font définitivement toute la différence et on ne se remet que difficilement de tant d’entrain et d’aisance. Carrion Crawler / The Dream défile avec une intransigeance et une impétuosité vivifiante pour s’imposer comme l’un des tout meilleurs disques de John Dwyer avec Thee Oh Sees.