lundi 30 janvier 2012

The Ames Room / Bird Dies


Bird Dies, est le deuxième enregistrement du trio The Ames Room – composé de Jean-Luc Guionnet (saxophone alto), Clayton Thomas (contrebasse) et Will Guthrie (batterie) –, un enregistrement dans la droite lignée du LP In publié en 2010 par l’excellent label polonais Monotype records et également mis en boite en concert. La précision est d’importance car The Ames Room pratique un free jazz incandescent et salutaire, ça on aurait pu s’en douter rien qu’à l’évocation des noms des musiciens formant le groupe, une musique formidablement instinctive, puissante et enivrante. Une musique de scène, faut-il encore le préciser, magie de l’instant présent, d’une alchimie particulière et terrassante, puissance de feu et monstre de beauté.



In arrivait particulièrement bien à capter l’intensité de deux concerts différents – un par face : un concert donné à Niort et l’autre à Poznan – mais n’en présentait qu’une vingtaine de minutes à chaque fois. Avec Bird Dies on peut espérer pouvoir entendre presque l’intégralité d’une prestation donnée en mars 2010 à Lille, soit 45 minutes d’un free jazz qui ne manque ni de souffle ni d’idées. Entendre les trois musiciens batailler aussi fermement, durement et sans faiblir pendant aussi longtemps est une expérience à la limite de l’incroyable et de l’inouï : The Ames Room fait évidemment très directement penser au free jazz libertaire des années 60 et 70 (de Peter Brötzmann à Evan Parker, par exemple) tout en retrouvant l’absence de compromis et l’exigence originelle de celui-ci – les trois musiciens jouent tout le temps, ensemble et sans s’arrêter, repoussant sans cesse les limites du paroxysme et en particulier se retrouvent entrainés toujours plus loin par cet incroyable batteur qu’est Will Guthrie*. Cela a l’air de rien alors que toute la beauté de la musique de The Ames Room est précisément là, dans ce furieux main dans la main à trois, cette fusion organique des instruments et la folie impétueuse qui en ressort. Ici pas de solo d’un musicien pendant que les deux autres se taisent. Jamais.
N’allez pas croire que les trois instrumentistes de The Ames Room n’ont alors qu’un seul but, celui de jouer simultanément n’importe quoi et le plus fort possible : au contraire chacun rivalise de finesse dans son jeu, de détails subtils et les trois musiciens de se répondre ainsi, isolés ensemble dans l’œil du cyclone qu’ils ont eux-mêmes généré, sollicitations multidimensionnelles mais jamais à l’aveugle, une fusion démentielle. Bird Dies est aussi l’occasion de découvrir un merveilleux contrebassiste, l’australien Clayton Thomas.
Il est vraiment rare de ressentir autant d’intensité à l’écoute d’un enregistrement en concert mais c’est pourtant bien le cas de Bird Dies. On n’ose à peine imaginer ce que cela peut donner lorsque on assiste soi-même à un concert de The Ames Room… une expérience que chacun pourra tenter très bientôt puisque justement The Ames Room donnera une petite série de dates avec en particulier pour les lyonnais celle du 2 février au Périscope.



* une nouvelle concernant Will Guthrie : le label nantais Les Pourricords associé à Gaffer records s’apprêtent à publier un enregistrement solo de ce génie et poète des rythmes