Quel bonheur d’avoir entre les mains un disque estampillé Amphetamine Reptile records et marqué d’un © 2008 ! Après une grosse période de flottement Tom Hazelmyer s’est enfin décidé à réactiver ce qui restera pour toujours l’un des labels les plus emblématiques des années 80 et 90, basé à Minneapolis et inondant le monde de pépites rock’n’roll sales et bruyantes, alors que jusqu’il y a encore deux petites années Tommy boy ne se contentait plus que de vendre sur internet son stock de vieilles références, espèce de rentier. Le catalogue d’AmRep est édifiant, nombre de ces disques sont aujourd’hui culte (lorsque ils n’ont pas été réédités ils font l’objet de la plus pute des spéculations, pléonasme). Depuis son retour en pleine activité discographique, Hazelmyer a frappé très fort avec un single des Melvins, un autre single par son propre groupe Halo Of Flies servant de backing band à une Lydia Lunch déchaînée et enfin à nouveau sur le terrain du chant (énorme !) et voici maintenant le quatrième album d’Heroine Sheiks, Journey To The End Of The Knife.
Quatre disques et au moins autant de line-ups, j’ai la flemme de compter, pour ce groupe dont le seul membre permanant/leader/dictateur reste Shannon Selberg, l’ancien chanteur des Cows, l’une des plus grandes gloires d’AmRep justement. On reste en famille. Fini l’exil new-yorkais, Selberg a décidé de remonter son gang au sein même de la mère patrie, Minneapolis. On savait déjà que Paul Sanders, ex chanteur/guitariste d’Hammerhead, faisait dorénavant partie de l’aventure (ce qui en soit est une très bonne nouvelle, encore du très lourd made in Amrep) mais ce que l’on découvre en lisant les quelques notes figurant dans le livret rachitique du CD c’est que Jesse Kwakenat, bassiste des non moins bons Stnnng, a également mis des billes dans l’affaire. Wow.
Journey To The End Of The Knife est comme tous les albums d’Heroine Sheiks, c’est à dire qu’il n’en est pas vraiment un -court, beaucoup trop court, seulement huit chansons et une durée d’accouplement inférieure à la demi-heure. Une sorte de mini LP, quoi. Mais pendant cette demi heure on ne peut pas dire que la bande à Shannon Selberg donne des signes de faiblesse, c’est du direct et du bien dur, peut être le disque d’Heroine Sheiks qui fait le plus penser aux Cows -tu la sens ma grosse lame ? Quelques décharges bien dirigées (Hank’s Pimp, sa guitare au bottleneck, ses choeurs d’ivrognes), du groove de vieilles vaches folles (l’introductif Be A Man et son riff qui sautille, on s’y croirait vraiment…), du tube en boite (le refrain de J-Edgar), un son de guitare parfois très tête de marteau (4-F) et un titre en concert pour terminer (You Don’t Want Me ?) histoire de prouver que Selberg n’est en rien fatigué et qu’il peut toujours brailler comme au bon vieux temps. Du blues crado et tordu il y en a également avec l’extraordinaire Meurte Vous (dont les paroles donnent leur nom au disque). Seul Co Angle Phenomenon ne fait pas réellement rire alors que l’on peut soupçonner qu’il a pourtant été composé dans cette optique là. Reste Let Me Out, titre où les claviers ont un rôle plus prépondérant que sur le reste de l’album, du bon malgré une façon de chanter dont le second degré doit forcément m’échapper là aussi.
Journey To The End Of The Knife est exactement le genre de disques que l’on écoute plusieurs fois de suite, toute la journée si nécessaire, parce qu’Heroine Sheiks a cet esprit et cette façon irrésistibles de trousser comme il faut son punk fangeux et bou(s)eux. Finalement la conclusion qui s’impose est que la durée du disque n’est plus du tout un problème -de toutes façons mon chéri on va tout de suite remettre le couvert et que ça saute. Et c’est tout à fait normal pour un disque qui ne semble parler que de baise, de booze, de nez cassés ainsi que de tout autre sujet annexe.