samedi 10 mai 2008

Boredoms / Super Roots 9


Dans la catégorie groupe stupide et nippon alignant des disques inutiles les Boredoms ont très longtemps été champions du monde, entraînant dans leur sillage autant des formations improbables et aux noms parfois imprononçables -qui se souvient encore des Space Streakings sur Skin Graft ?- qu’il y a de temples bouddhistes dans l’archipel japonais. Certains ont réussi à tirer les marrons du feu et à alimenter une petite carrière où l’esprit punk a judicieusement été phagocyté par une tournure disons très gameboy (Melt Banana), d’autres ont préféré opérer de manière nettement plus sérieuse mais toujours excessive (Zeni Geva), on laisse volontairement de côté pour l’instant tout ce que le japon compte ou a compté de combos harsh/noise et actionnistes, de Hijokaidan à Gerogerigegege en passant par Hanatarash, l’un des premiers groupes d’Yamatsuka Eye (ou quel que soit son pseudonyme) des Boredoms. L’effet japon a fonctionné à plein en occident dans la deuxième moitié des années 90, lorsque n’importe quel groupe originaire du pays du soleil levant réussissait à faire mettre debout des armées de hipsters en mal de sensations fortes et exotiques -de la Danette à la place de la cervelle.
Le groupe d’Osaka a depuis longtemps laissé tombé le punk dada et débile de Pop Tatari ou de Chocolate Synthetizer pour se consacrer au mode répétitif et psychédélique, passant par l’inévitable case krautrock et non sans avoir lancer en pâture toute une serie de EPs et d’albums nommés Super Roots présentant aussi bien du Motörhead bloqué sous acide et en mode repeat (Super Roots 3 : un seul riff et un seul rythme, infernal, pendant une demi heure) que de la bidouille et du cut up (Super Roots 6). Les dernières expérimentations du groupe ont tenté elles de défier les lois de l’imagination comme par exemple la performance avec 77 batteurs


















C’est l’un de ces concerts spéciaux que Thrill Jockey a édité sous le nom de Super Roots 9 au printemps 2008 (réédition de l’édition japonaise disponible depuis déjà un an). Objet soigné et tout cartonné, illustration de pochette incompréhensible comme d’habitude et livret de quarante pages ne contenant presque que des partitions… Quoi ? Des partitions dans un disque des Boredoms ? Il suffit de parcourir celles-ci pour se rendre compte qu’elles ne présentent quasiment aucun intervalle de notes… La liste des protagonistes de ce disque enregistré en concert le jour de Noël 2004 (et oui, il s’agit du premier live des Boredoms... ) est composée de trois batteurs, d’un DJ et de vingt quatre choristes. Rhys Chatham est remercié en bonne et due forme dès la deuxième page du livret.
Musique vocale puis rythmique, Super Roots 9 débute par un carillon rappelant fugitivement le Interstellar Space de John Coltrane et Rashied Ali, évoque ensuite Steve Reich dans une version boostée à la transe, évite à plusieurs reprises les rives du Grand Bleu psylocibien (les harmoniques lénifiantes des chœurs) et se casse carrément la gueule lorsque une imitation plutôt réussie de Céline Dion peut être influencée par Irène Papas dans le 666 d’Aphrodite Child fait une apparition majestueuse -mais fort heureusement une seule- au dessus du tumulte répétitif des voix. Opéra choucroute avec tout ce que cela peut comporter de kitsch, Super Roots 9 joue plusieurs fois avec les paroxysmes, nous emmène faire quelques tours dans les montagnes russes et donc reprend assez bien tous les poncifs du genre minimal et répétitif. L’attention puis la tension au sein du public est palpable pour l’auditeur du CD et les photos (avec lâchers de ballons et lumières entêtantes) finissent de compléter un tableau réussi auquel nous n’avons malheureusement pas assisté. Les Boredoms se sont semble t-il définitivement spécialisés dans l’évènementiel musical. Ce Super Roots 9 confirme, après l’assez moyen Seadrum/House Of Sun l’intérêt superlatif du groupe pour la prédominance ultra rythmique. L époque n’est plus à la crétinerie revendiquée.