Mardi soir. Ambiance super estivale, il fait beau et chaud, les doigts de pied crient hardiment leur désir de liberté, c’est l’heure de raconter des blagues bien lourdes, ne serait ce l’odeur de merde qui s’échappe de l’égout voisin ça sentirait presque le bon accueil à l’ancienne et on vous sert de la bière pression bien fraîche en terrasse comme dans un vrai bar à fric, vive le petit personnel embauché grâce aux exonérations de charges sociales.
Il était écrit qu’il n’y aurait pas grand monde pour venir jusqu’ au Sonic assister au concert de To Live An Shave In L.A. (TLASILA), surtout après une semaine ultra chargée : les Nuits Sonores sont terminées depuis dimanche -pour un compte rendu non exhaustif et fort heureusement absolument pas objectif on peut lire ici et puis là, là, là et là, je précise juste qu’il y a des échos bien plus mitigés que ça sur la prestation d’Einsturzende Neubauten- mais aussi le réveil printanier de Grrrnd Zero (avec la veille un concert de Aids Wolf). Seulement une trentaine de personnes de présentes et un stand tenu par le label Savage Land qui a justement dans son catalogue un excellent album de TLASILA et a récemment réédité l’indispensable Gyatso des exceptionnels 16-17, si vous n’avez pas la version originale publiée par Pathological records il y a une bonne dizaine d’années il ne faut absolument pas rater cette session de rattrapage. Bref.
Il était écrit qu’il n’y aurait pas grand monde pour venir jusqu’ au Sonic assister au concert de To Live An Shave In L.A. (TLASILA), surtout après une semaine ultra chargée : les Nuits Sonores sont terminées depuis dimanche -pour un compte rendu non exhaustif et fort heureusement absolument pas objectif on peut lire ici et puis là, là, là et là, je précise juste qu’il y a des échos bien plus mitigés que ça sur la prestation d’Einsturzende Neubauten- mais aussi le réveil printanier de Grrrnd Zero (avec la veille un concert de Aids Wolf). Seulement une trentaine de personnes de présentes et un stand tenu par le label Savage Land qui a justement dans son catalogue un excellent album de TLASILA et a récemment réédité l’indispensable Gyatso des exceptionnels 16-17, si vous n’avez pas la version originale publiée par Pathological records il y a une bonne dizaine d’années il ne faut absolument pas rater cette session de rattrapage. Bref.
La bière est donc bien fraîche et l’atmosphère fort douce, des éléments légèrement antinomiques avec la volonté de s’enfermer dans une boite de conserve géante pour assister à un concert de musique quelque peu bruyante. C’est .cut qui attaque en premier. Je ne connais rien de ce duo qui se définit lui-même comme faisant du post rock expérimental. Mais, comme tout vieux con réactionnaire et blasé, dès que j’entends les mots post rock je sors mon revolver et je m’apprête une fois de plus à ricaner bêtement, accoudé comme il se doit au comptoir.
Le groupe joue dans le noir et devant un écran qui diffusera pendant tout le set des courts métrages dont je ne garde aucun souvenir. L’homme de gauche tient une guitare, c’est le monsieur post rock du groupe. L’homme de droite est planqué derrière des machines et je ne sais quoi d’autre. C’est lui le monsieur expérimental. Tous les deux portent des lunettes de soleil bien épaisses ce qui ne doit pas rendre les choses évidentes lorsque on joue dans l’obscurité. A ma grande surprise je reconnais l’homme aux machines : il est aussi responsable de la bonne conduite du label [walnut + locust], ce qui du coup a tendance à me rassurer quelque peu pour la suite.
Effectivement sur une base sonore dense, compact (un truc assez indéfinissable mais que l’on pourrait qualifier de musique industrielle) et visiblement générée par un laptop, le duo arrive à poser des ambiances mouvantes mais pas désagréables, presque mélodieuses, en tous les cas accrocheuses. J’arrive à oublier le son de guitare trop typique -ce son qui me transforme invariablement en Joseph Goebbels du bon goût musical- et l’un des titres joués (le troisième?) me parait particulièrement réussi en ce qui concerne l’équilibre masse/aération, ou bruit/mélodie si on préfère, et enlève définitivement mes dernières réticences d’autant plus que le guitariste laisse de côté les sons de guitare trop aériens. Tom Smith, chef spirituel et gourou de TLASILA est invité à rejoindre .cut pour un dernier titre. Pendant que les deux musiciens s’évertuent à créer un vrai mur du son, Mr Smith envoie sur un ton de sénateur un poème de son cru. Final sans aucun intérêt.
Il n’y a que trois membres de To Live And Shave In L.A. de présents pour le concert de ce soir. Pour je ne sais quelle raison, genre encore une panne de camion, une partie du groupe est repartie prématurément dans une direction opposée à Lyon pendant que les trois survivants ont continué en train. Outre Tom Smith, le line-up se compose donc d’un bidouilleur sur ordinateur qui passera également son temps à battre un seul et unique rythme sur une caisse claire et d’un petit gars délicatement surnommé GayBomb qui s’installe par terre avec de drôles de petites machines dans lesquelles il insère ce qui ressemble à des cartes de données pour ainsi générer des sons. Il a étalé autour de lui toutes les cartes dont il dispose, plus le concert avancera et plus celles-ci se mélangeront, il finira par les choisir un peu au hasard, donnant en fait l’impression de composter indéfiniment des billets de train. Si c’est possible.
Après le concert il expliquera qu’il utilise des appareils désormais obsolètes qui servaient auparavant pour faire de la rééducation orthophonique. Un spectacle à lui tout seul ce garçon, du jamais vu à dire vrai. Le plus impressionnant du groupe reste Tom Smith, sorte de colosse dont la seule activité est de réciter des textes dont on ne sait quelle part est déjà écrite et quelle part est éventuellement improvisée. Il a grosso modo deux voire trois figures imposées à son jeu de scène : je me tape la poitrine avec la main ou le poing (un), je lève le bras au dessus de ma tête (deux) et je crie dès que je le peux (trois).
Malgré la monotonie du spectacle, malgré le caractère limité et répétitif de la musique, certes bruyante comme on pouvait s’y attendre mais sans surprise, il se dégage indéniablement quelque chose de très fort de la prestation de TLASILA et surtout de la personne de Tom Smith, rapidement descendu de scène pour pratiquer sa beuglante au niveau des spectateurs. Comme une sorte d’animalité, de magnétisme, mi imprécateur et mi déclamateur. Sa voix, qui n’a rien d’exceptionnel ni dans le timbre ni en ce qui concerne le coffre, finit par devenir envoûtante. Difficile de comprendre ce qu’il raconte à longueur de phrases mais il y met une réelle conviction et surtout il est particulièrement crédible dans son rôle.
Il ne se passera rien de plus de tout le concert, uniquement l’attraction de cette présence physique. Tom Smith annonce le dernier titre, en profite pour faire un speech sur la guerre en Irak et les enfants d’Amérique qui rentrent au pays les pieds devant dans un cercueil, thématique du morceau à venir. Il raconte également que lorsque TLASILA avait enregistré ce titre en studio il y a deux ans, Thurston Moore était présent et il avait fumé tellement d’herbe avec Don Flemming que l’on n’y voyait plus rien, un vrai brouillard dans la pièce, haha, merci Tom pour cette petite séance de name dropping et pour l’expérience partagée des drogues douces.
Echange de bons procédés : sur ce dernier titre l’homme machine de .cut vient jouer de la guitare mais on entend difficilement ce qu’il tire de son instrument… ce qui n’enlève rien ni ne rajoute quoi que ce soit à la performance de To Live And Shave In L.A. Décidément ce concert n’aura pas été placé sous le signe des échanges fructueux entre musiciens. Tant pis.