Alors que le nouvel album de Nadja chez Crucial Blast, Desire In Uneasiness, est enfin sorti (mais il tarde un peu à arriver…), c’est un autre label qui nous balance en pâture une énième réédition des oeuvres antérieures du duo Aidan Baker/Leah Buckareff. Ce tsunami de rééditions est un peu lassant, un disque de Nadja c’est très long, ça prend du temps à écouter, il faut en avoir envie, c’est pas comme un apéro entre amis que l’on peut improviser à la dernière minute en fonçant chez l’arabe du coin pour ramener quelques bouteilles supplémentaires. Toute cette précipitation, cette cavalcade de vieux enregistrements de Nadja au milieu d’une plaine discographique déjà bien encombrée, il y a des jours où on se dit que trop c’est trop. Mais on s’en remet toujours et on y retourne même avec plaisir : il n’y a pour l’instant aucun déchet parmi tous les enregistrements de ce groupe très singulier.
The End Records est une maison dont le catalogue ne m’affole pas plus que ça, on y trouve quelques horreurs (Lordi, The Gathering) et d’autres choses qui ne font pas naître en moi un irrépressible sentiment d’urgence (J2 aka le duo Jarboe/Justin Broadrick). Au milieu de tout ce bazar on tombe donc sur Nadja et une réédition de l’album Skin Turns To Glass, une pièce de choix datant de 2003, première parution chez Nothingness records.
Il aurait été bien dommage de se priver d’un tel disque, meilleur que la précédente réédition de Bliss Torn From Emptiness et atteignant presque le niveau d’un Radiance Of Shadows qui le temps aidant s’avère être mon enregistrement préféré de Nadja. Une nouvelle fois ce Skin Turns To Glass n’apporte rien de fondamentalement nouveau mais il démontre tout le savoir-faire du duo : question doom atmosphérique et metal shoegaze, Nadja écrase tous les concurrents, la mélancolie collant à la musique du groupe comme une merde s’accroche aux poils de la queue d’un chien. En plus avec un titre qui évoquerait presque la deuxième partie de Kwaidan, film et chef d’oeuvre de Masaki Kobayashi, et une illustration qui ressemble à la désagrégation d’un continent, on ne pouvait trouver indices plus évocateurs et alléchants.
Sandskin est une longue intro d’un quart d’heure qui s’étoffe progressivement, gagne en intensité et s’ouvre sur le morceau titre, lent et majestueux, parsemé de voix qui du grondement évoluent vers l’éther, un titre également ponctué par des notes de piano répétitives qui font toute la différence. Un instant de flottement qui se transforme en pur moment de grâce. Troisième plage, Slow Loss démarre brutalement et massivement avant de s’étioler, de s’éteindre presque puis que revenir à l’intensité mais toujours avec ces saillies glaciales et enveloppantes. Suit une longue plage sans titre, atmosphérique et continue, très lentement évolutive et sans rythmes, paresseuse mais pas ennuyeuse (du moins si on aime les vieux trucs comme Arcane Device… ) qui fort curieusement dans ses toutes dernières minutes vire au death metal indus -la boite à rythmes, frénétique, apparaît et Aidan Baiker montre un joli grain de voix tandis que les guitares, toutefois noyées sous la tonne d’effets habituels, se mettent en position hachoir. Skin Turns To Glass est encore un très beau disque de la part de Nadja.