vendredi 9 mai 2008

Geronimo


Avec un nom pareil, Geronimo, un logo reprenant une photo du vieil apache, des titres de morceaux tels que Firewater, Coyote, Medecine Man ou Spiritwalker, on se disait que l’on avait encore affaire à un groupe ultra militant des causes mille fois perdues, toujours les meilleures à défendre. C’est en partie vrai. Mais pas seulement. Les trois membres de Geronimo jouaient à l’origine dans une formation portant le nom de Sleetsak et ayant à son actif deux albums -je ne vais pas faire mon malin, je l’ai lu dans la très courte bio donnée en pâture par le label Three One G- avant de splitter à la fin du dernier millénaire. Ruiz, le batteur de Geronimo, fait également partie de Bastard Noise (là je connais, on peut même écouter). Nos trois stooges se sont retrouvés dans ce nouveau projet basé autour d’un minimalisme rampant et agressif, une musique tribale et dépouillée, du bruit taillé au scalpel, attention au mal de tête et à la nausée. Un premier album sans titre a rapidement été mis sur pied, il est dans les bacs depuis la fin 2007. L’imagerie pro indienne adoptée par Geronimo est fortement contrebalancée par les quelques traces que le groupe laisse derrière lui. Le livret du disque donne la même impression : plan du cockpit d’un avion (ou d’une navette spatiale ?), minimum d’informations délivrées et liste des titres avec timing complet (même le blanc entre les titres est noté…). La musique du groupe suit le même chemin, celui d’ambiances dures et sans aspérités apparentes, martelées par une batterie répétitive et pire qu’un cauchemar.



















Geronimo c’est des longues plages de silence ou de faux calmes (le rythme cardiaque à vous glacer le sang sur Firewater) avant des déflagrations d’une violence inouïe. Ou alors des motifs rythmiques répétés ad nauseam (Coyote) conduits par une basse spécialiste en coups de boutoir et toujours cette batterie, proprement inhumaine. Lorsque les voix -hurlées- interviennent c’est toujours après une très longue attente, presque par surprise mais il n’est absolument pas question de délivrance : Geronimo, passant de la méticulosité rythmique chirurgicale à la débauche sonique, se complait dans la torture -il n’y a pas d’autres mots- et la frustration de celui qui écoute, retour à l’attente de la déflagration. C’est un peu le désert du steak tartare : le carnage et la boucherie annoncés prennent invariablement la tangente. Parfois même il n’y a pas d’explosion, tout fonctionne de façon purement elliptique, (le presque beau Spiritwalker), le groupe se contentant de l’attente et du malaise qu’il génère.
De loin en loin (comme sur l’excellent et très court Medecine Man) la musique de Geronimo pourrait être comparée à celle d’un Missing Foundation raclé jusqu’à la moelle, débarassé de toutes les approximations dues à l’improvisation bruitiste en temps réel pratiquée par le groupe de Peter Missing. Les sons générés par tout un appareillage analogique sont pour beaucoup dans l’oppression industrielle qui vrille la musique de Geronimo. En ce sens qu’elles retournent contre l’auditeur le questionnement né de la confrontation à la violence -ce qui faisaient très bien Missing Foundation mais aussi les Swans première période- les sept plages de cet album sans titre (enfin, juste les six premières…) donnent un irréversible et profond sentiment de malaise.
Deux curiosités toutefois : Facepeeler avec en invité le toujours génial David Yow qui ne se fait pas prier pour hurler comme un damné puis gémir comme une mante religieuse pour ce qui est le titre le plus classiquement construit du disque. Beaucoup plus étonnant, Prints Tie est une reprise du vibraphoniste de jazz Bobby Hutcherson, pour une fois une douce et reposante façon de conclure un disque qui pourtant ne comporte que de la musique avec laquelle on est très loin d’en finir.